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[Exposition] « Degas en noir et blanc » à la BnF

Exposition « Degas en noir et blanc. Dessins, estampes, photographies »
31 mai – 3 septembre 2023
BnF – site Richelieu (Paris)

L’exposition propose de (re)découvrir l’œuvre d’Edgar Degas à travers son intérêt constant pour le noir et blanc, qu’il exprime par le dessin, la peinture, l’estampe et la photographie. Grâce à la réunion de 160 pièces, issues de la collection de la BnF et de prêts français et étrangers, le parcours dévoile les expérimentations de Degas à travers les motifs récurrents qui nourrissent ses recherches.

« Profil perdu à la boucle d’oreille » (1876-1877) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New-York)

« Si j’avais à refaire ma vie, je ne ferais que du noir et blanc. » – Edgar Degas

Quand Claude Monet et Auguste Renoir sont avant tout peintres, Degas, comme le reconnaît Camille Pissarro, « va de l’avant sans cesse », porté par une insatiable curiosité technique et poussé par la « haute idée, non pas de ce qu’on fait mais de ce qu’on pourra faire un jour ».

« Autoportrait, étude pour le Portrait de l’artiste avec Évariste de Valernes » (vers 1865) par Edgar Degas – Musée d’Orsay, don de la société des Amis du Louvre

L’apprentissage du noir et blanc (1856-1868)

En 1853, à 19 ans, le jeune Degas obtient l’autorisation de copier au musée du Louvre et est inscrit comme lecteur au cabinet des Estampes de la Bibliothèque impériale. Son intérêt pour l’estampe, qu’il découvre en 1856, se nourrit alors de son étude des maîtres anciens.

« Jeune homme assis et réfléchissant » (1637) par Rembrandt (1606-1669) – BnF

Dans le sillage de Rembrandt, Delacroix et des maîtres anciens, dont il copie les gravures, et dans le contexte du renouveau de l’eau-forte originale, Degas s’attache à explorer cette technique. Il s’initie à l’eau-forte auprès du prince roumain Grégoire Soutzo, artiste amateur, ami de son père, et auprès du graveur de reproduction Joseph Tourny, qu’il fréquente à Paris puis à Rome. Il s’approprie cette technique en explorant les possibilités offertes par la succession des états issus d’une même matrice et les variations d’encrages d’un tirage à l’autre, pour peu que le graveur imprime lui-même ses épreuves ainsi que le faisait Rembrandt.

« Autoportrait » (1857) d’Edgar Degas – Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art

Sous l’influence du maître ancien, Degas se livre, à Rome, à l’exercice de l’autoportrait alors qu’il est âgé de vingt-trois ans.

« Édouard Manet assis, tourné à gauche » (vers 1868) par Edgar Degas – Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art

L’intérêt pour la peinture espagnole et pour l’eau-forte a été le terreau fertile d’une amitié teintée de rivalité entre Degas et Edouard Manet. Nouée à la fin des années 1860, cette amitié se concrétise par une série de portraits qui vient clore la première période de l’activité de graveur de Degas.

« Copies d’œuvres vues en Italie (Van Dyck et Bellini) et étude pour Portrait de famille dit La Famille Bellelli » (août 1858- juin 1859) par Edgar Degas – BnF

Les carnets

En 1920, René de Gas, frère de l’artiste, offre 29 carnets de dessins au cabinet des Estampes de la BnF.

« Scène de bal public » – Carnet n°1 (1859-1864) d’Edgar Degas – BnF
« Cavaliers au bord d’un lac » – Carnet n°1 (1859 -1864) d’Edgar Degas – BnF

Le Carnet n°1 est utilisé par Degas dans toutes sortes de circonstances, entre 1859 et 1864. Au Salon, il y copie des tableaux ; chez son ami Paul Valpinçon, il dessine au lavis et à la gouache les paysages qu’il traverse ; il y trace les dessins préparatoires de compositions ambitieuses, comme « La Fille de Jephté ».

« Études pour La Fille de Jephté » – Carnet n°1 (1859 -1864) d’Edgar Degas – BnF

Les années de passion dévorante pour l’estampe (1875-1880)

Après une interruption d’une dizaine d’années, Degas reprend la pointe en 1875, puis se livre à la pratique du monotype, autrement dit à l’art de dessiner à l’encre sur une plaque pour en tirer une épreuve unique.

« Mary Cassatt au Louvre. Les peintures » (1879 -1880) par Edgar Degas – BnF

Grâce à la presse dont il dispose, Degas se lance dans des recherches expérimentales qui l’amènent à combiner les procédés entre eux. Peu intéressé par le tirage en nombre d’épreuves identiques, il s’attache à singulariser chaque épreuve imprimée par ses soins.

« Mary Cassatt au Louvre. Les peintures » (1879 -1880) par Edgar Degas – BnF

En 1879, cette passion pour l’estampe le conduit à envisager la création d’une revue composée de gravures originales : « Le Jour et la Nuit ».

« Cette prédilection pour l’ombre fait partie intégrante d’une personnalité qui refuse l’étalage de l’intime. Il porte en lui une part enfouie, indicible. Le noir et blanc n’est pas seulement une question technique, c’est l’affaire de toute une vie. » – Henri Loyrette

Exposition « Degas en noir et blanc. Dessins, estampes, photographies » – BnF

Nus de femmes à leur toilette

Degas a inlassablement décliné le motif des femmes au bain, variant les supports, les techniques et les formats.

Exposition « Degas en noir et blanc. Dessins, estampes, photographies » – BnF

En 1891, alors qu’il aborde la lithographie, Degas entreprend une série, selon ses mots, de « nus de femmes à leur toilette » qui forme un ensemble spectaculaire de variations. Il multiplie les représentations de scènes de toilette, sortie de bain, femme s’essuyant, se coiffant, s’habillant.

« Après le bain (grande planche) » (1891-1892) par Edgar Degas – Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art

Degas explore diverses méthodes de transfert sur la pierre lithographique, qu’il retravaille ensuite, par ajout ou par abrasion. La difficulté technique et ses problèmes oculaires mettent un terme à ces essais. L’année suivante, il écrit à sa sœur : « Il me faudrait une presse chez moi, un ouvrier retors pour préparer et même dépréparer les pierres, et pas mal d’argent devant moi pour ne pas être arraché de la suite des essais. Ça finira bien par arriver, mais il commence à se faire tard dans ma cervelle et dans mes yeux… »

« Femme nue debout à sa toilette » (1891-1892) par Edgar Degas – Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (à gauche) et BnF (à droite)

« Degas a le goût de l’aléatoire, de l’improbable, il est toujours en attente de ce qui va arriver. Il disait ainsi qu’on ne doit pas être fier de ce que l’on fait, mais de ce que l’on pourra faire un jour. Et dans l’estampe comme dans la photographie, il y a cette part d’inconnu ; on grave ou on prend un cliché et quelque chose se « révèle » qui surprend merveilleusement. » – Henri Loyrette

« La Cheminée » (vers 1880-1885) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New-York)

1895, année photographique

Dans les années 1890, alors que ses huiles et pastels se font « orgies de couleurs » selon l’expression de Degas lui-même, le noir et blanc connaît un surprenant regain dans son œuvre.

« Autoportrait avec sa gouvernante, Zoé Closier (23, rue Ballu) » (1895) par Edgar Degas – BnF

« Le soir je digère et je photographie au crépuscule. » – Edgar Degas

La photographie fut la « passion terrible » de Degas. En 1895, il prend une soixantaine de photographies, réalisées pour l’essentiel le soir, à la lumière artificielle, chez lui ou dans les salons de ses amis.
En décembre 1895, il organise une brève exposition chez son marchand de couleurs, avec une vingtaine de tirages évoquant les soirées amicales à l’occasion desquelles Degas réalise des portraits à la lumière électrique.

La collection d’estampes de Degas

Dans les années 1890, Degas, soucieux du sort de son œuvre resté pour l’essentiel dans l’atelier, envisage la création d’un musée où il y serait entouré de ses aînés et contemporains. À cette fn, il réunit une collection considérable où, à côté des peintures et dessins, il accorde une place importante aux estampes : après sa mort, plus de 3 800 d’entre elles sont dispersées en vente publique.

À gauche : « Danseuses s’exerçant au foyer de l’Opéra » (vers 1890) par Edgar Degas – BnF

Commissariat de l’exposition

Henri Loyrette, président- directeur honoraire du musée du Louvre, commissaire général
Sylvie Aubenas, directrice du département des Estampes et de la photographie de la BnF
Valérie Sueur-Hermel, conservatrice responsable des estampes du XIXe siècle à la BnF
Flora Triebel, conservatrice responsable de la photographie du XIXe siècle à la BnF

« Répétition de ballet sur la scène » (1874) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Sources utilisées pour cet article :

  • Texte et citations : dossier de presse
  • Photographies : @scribeaccroupi
« Mary Cassatt au Louvre. Musée des Antiques » (1879 -1880) par Edgar Degas – Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art

En savoir +

Consultez la page spéciale dédiée à l’exposition sur le site Internet de la BnF.

Exposition « Degas en noir et blanc. Dessins, estampes, photographies »
31 mai – 3 septembre 2023
BnF – site Richelieu
Galerie Mansart – Galerie Pigott
5 rue Vivienne
75002 Paris

[Visite privée] Exposition « Regarder l’histoire en face » au musée Condé

Exposition « Regarder l’histoire en face. L’Italie du XIXe siècle au musée Condé »
3 juin – 1er octobre 2023
Château de Chantilly
Cabinet d’arts graphiques

En écho à l’exposition « Ingres. L’artiste et ses princes », le musée Condé présente, dans son Cabinet d’arts graphiques, un pan largement inédit de ses collections autour de la thématique du voyage en Italie au XIXe siècle.
À l’âge de la révolution industrielle des transports, les artistes, poètes ou écrivains qui traversent les Alpes réinventent ce qui était qualifié de Grand Tour au siècle précédent. L’essor des guides touristiques et des publications d’histoire ou d’histoire de l’art démocratisent le savoir et instruisent le regard des voyageurs, que l’actualité politique d’une Italie en plein Risorgimento intéresse autant que son glorieux passé.
Du passé le plus reculé à l’actualité la plus brûlante, le voyage en Italie au XIXe siècle invite à « regarder l’histoire en face », ainsi que le formule Stendhal dans ses « Promenades dans Rome » en 1829.

Pour cette visite privée, suivez Baptiste Roelly, tout nouveau conservateur du patrimoine du musée Condé de Chantilly.

« Zeuxis choisissant un modèle pour Hélène » (1859) par Victor Louis Mottez (1809-1897) – Musée Condé (Chantilly)

Le musée Condé conserve notamment une suite inédite de dessins de Bartolomeo Pinelli, un artiste principalement actif à Rome qui réalise nombre d’images pittoresques du peuple italien, de ses costumes traditionnels ou de ses moeurs.

« Deux Contadine de Frascati, l’une allaitant un enfant » par Bartolomeo Pinelli (1781-1835) – Musée Condé (Chantilly)
« Le lendemain du tremblement de terre » (1828-1831) par Louis Léopold Robert (1794-1835) – Musée Condé (Chantilly)
« La confidence » (1830) par Louis Léopold Robert (1794-1835) – Musée Condé (Chantilly)

De même, le musée conserve deux œuvres majeures du célèbre peintre suisse Léopold Robert (image ci-dessus), qui installe les scènes italianisantes au cœur du goût artistique de l’aristocratie européenne et en expose nombre d’exemples au Salon à Paris.

« Reconstitution de monument antique » (1831) par Félix Duban (1797-1870) – Musée Condé (Chantilly)
Détail de « Coupe de l’arc de triomphe de Titus au forum de Rome avec le bas-relief des trophées du temple de Jérusalem » (1848) par Alfred Nicolas Normand (1822-1909) – Musée Condé (Chantilly)
Détail de « Restauration de la façade sur jardin de la villa Médicis » (1886) par Gaston Redon (1853-1921) – Collection de Caen de l’Académie des Beaux-Arts

Les relations institutionnelles du musée Condé avec l’Institut de France apparaissent par le biais de la présentation d’une suite de dessins de très grands formats réalisés par les pensionnaires de la Villa Médicis dans le cadre de leur pension à Rome pour être envoyés à l’École des Beaux-Arts.

Détail de « Relevé du plafond à caissons de l’église Santa Maria in Aracoeli à Rome » (1875) par Louis Bernier (1845-1919) – Musée Condé (Chantilly)
« Sarcophage au quart, tombe de Mastino Il della Scala à l’église Santa Maria Antica de Véro » (1883) par Charles Girault (1851-1932) – Collection de Caen de l’Académie des Beaux-Arts

Il s’agissait pour ces jeunes artistes en formation de copier les monuments antiques ou renaissants étudiés en Italie et d’en faire parvenir des relevés exacts à Paris, où ces œuvres permettaient d’évaluer les progrès accomplis par les pensionnaires durant leurs années à Rome

« Amants dansant pour célébrer les vendanges d’antan » (1811-1812) par Bartolomeo Pinelli (1781-1835) – Musée Condé (Chantilly)

En présentant à la fois des peintures, des dessins, des gravures et des photographies, cette exposition restitue la multiplicité des stimuli reçus par les voyageurs qui traversent les Alpes au XIXe siècle.

« Réduction de la Mal’aria » (avant 1850) par Ernest Hébert – Musée Condé (Chantilly)
« Le marchand de reliques » (1821) par Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) – Collection particulière (Bordeaux)

Commissariat de l’exposition

Baptiste Roelly, conservateur du patrimoine au musée Condé
Emmanuelle Brugerolles, conservatrice générale honoraire du patrimoine, conseillère scientifique pour les arts graphiques au musée Condé

« Portrait d’une Italienne » (1837) par Charles-Octave Blanchard – Collection particulière (Paris)

En savoir +

Consultez le site Internet du château de Chantilly.

Exposition « Regarder l’histoire en face. L’Italie du XIXe siècle au musée Condé » – Cabinet d’arts graphiques du château de Chantilly

Exposition « Regarder l’histoire en face. L’Italie du XIXe siècle au musée Condé »
3 juin – 1er octobre 2023
Château de Chantilly
Cabinet d’arts graphiques
60500 Chantilly

Détail de « Le Tibre, Saint-Pierre et le Vatican » (vers 1862-1863) par Auguste Paul Charles Anastasi (1820-1889) – Musée Condé (Chantilly)

[Visite privée] Exposition « Naples pour passion. Chefs-d’œuvre de la collection De Vito » au musée Granet

Exposition « Naples pour passion. Chefs-d’œuvre de la collection De Vito »
15 juillet – 29 octobre 2023
Musée Granet (Aix-en-Provence)

Si Naples est à Paris avec les chefs-d’œuvre du musée de Capodimonte au Louvre, Naples est aussi à Aix-en-Provence cet été ! Le musée Granet propose de découvrir un ensemble de peintures napolitaines du XVIIe parmi les plus prestigieux au monde : la collection De Vito. Fidèle à sa tradition de présenter des collections privées prestigieuses – et souvent inconnues du grand public -, le musée aixois poursuit son cycle d’expositions consacrées à l’Italie.

Cette exposition permet de (re)découvrir l’effervescence artistique qui se fait jour à Naples au XVIIe siècle à la suite du Caravage et sous diverses influences qui ont imprégné durablement la façon de peindre de nombreux artistes présents dans l’exposition, entre naturalisme, classicisme et baroque. C’est également l’occasion d’aller à la rencontre d’un homme passionné : Giuseppe De Vito (1924-2015), collectionneur et historien de l’art.

Pour cette découverte de l’exposition « Naples pour passion », nous sommes accompagnés par Paméla Grimaud, conservateur au musée Granet et commissaire scientifique de l’exposition.

Exposition « Naples pour passion. Chefs-d’œuvre de la collection De Vito » – Musée Granet

Giuseppe De Vito a débuté sa collection à la fin des années 1960. Elle se compose aujourd’hui de 64 peintures dont 40 sont présentées dans l’exposition. Proche de nombreux historiens de l’art, De Vito a participé à l’organisation de plusieurs expositions et mis à disposition des œuvres de sa collection par des prêts tant en Italie qu’à l’étranger.

Exposition « Naples pour passion. Chefs-d’œuvre de la collection De Vito » – Musée Granet
« Saint Antoine abbé » (1638) par Jusepe de Ribera (1591-1652) – Collection De Vito

Installé dès 1616 à Naples, Jusepe de Ribera (1591-1652) séduit les vice-rois et l’aristocratie par son caravagisme personnel et connaît un grand succès. Son « Saint Antoine abbé » frappe par sa puissance d’évocation : l’artiste use d’un fort ténébrisme et d’une pâte dense pour accroître le naturalisme de ses portraits de saints, apôtres et philosophes dont il fonde la typologie, promise à une belle postérité.

À gauche : « Salomé portant la tête de saint Jean Baptiste » (vers 1645) par Massimo Stanzione (vers 1585-1656) et atelier – Collection De Vito

Massimo Stanzione (vers 1585-1656) parvient à mêler une solide culture naturaliste et un intérêt pour le classicisme des élèves des Carrache, Guido Reni, Giovanni Lanfranco ou Domenichino, tous trois présents à Naples au cours des années 1620-1640. Il reçoit de prestigieuses commandes publiques et conquiert en même temps le marché privé avec des œuvres profanes destinées à la dévotion. Sa « Judith » et sa « Salomé » ressemblent à des héroïnes de théâtre et furent plusieurs fois reprises et copiées.

À droite : « Figure juvénile humant une rose » (vers 1635-1640) par le Maître de l’Annonce aux bergers (actif à Naples vers 1630-1660) – Collection De Vito

Désigné par un nom de convention, le Maître de l’Annonce aux bergers continue de susciter le débat critique. Giuseppe de Vito s’est passionné pour cet artiste, lui consacrant plusieurs articles et faisant l’acquisition de 4 œuvres. L’iconique « Figure juvénile humant une rose », une toile dont l’interprétation demeure complexe, appartient à la typologie des figures à mi-corps de philosophes et personnifications qui connurent un grand succès dans le milieu littéraire et artistique de la Naples du XVIIe siècle. Les attributs renvoient probablement à des allégories des sens mais se doublent également d’une signification morale néo-stoïcienne, qui invite à se détacher des biens matériels.

« Loth et ses filles » (vers 1652) par Francesco Fracanzano (1612-1656) – Collection De Vito
Au centre : « La déposition du Christ » (vers 1675) par Mattia Preti (1613-1699) – Collection De Vito

Mattia Preti séjourne à Naples de 1653 à 1660, auréolé des succès de ses cycles décoratifs dans les églises Sant’Andrea della Valle à Rome et San Biagio à Modène. La vue « da sotto in sù » (à savoir « de dessous vers le haut ») renforce l’intensité dramatique qui culmine dans « La Déposition du Christ », grande toile réalisée à Malte vers 1675.

« Bataille avec cavaliers en costumes modernes » (1646) par Aniello Falcone (1607-1656) – Collection De Vito

La peinture de bataille connaît un important développement à Naples au cours du XVIIe siècle. Aniello Falcone (1607-1656) est à la tête d’un atelier très réputé dans lequel se pratique l’art du dessin au naturel. Sa célébrité lui vaut de nombreuses commandes à Naples et pour le roi Philippe IV d’Espagne.

« Sainte Lucie » (vers 1645-1648) par Bernardo Cavallino (1616-1656) – Collection De Vito

Cette exposition a été présentée jusqu’au 25 juin 2023 au musée Magnin de Dijon.

Peintures napolitaines dans les collections permanentes du musée Granet

Commissariat de l’exposition

Commissaires généraux
Bruno Ely, conservateur en chef, directeur du musée Granet
Giancarlo Lo Schiavo, président de la fondation De Vito

Commissaires scientifiques
Nadia Bastogi, directrice scientifique de la fondation De Vito
Paméla Grimaud, conservateur au musée Granet
Sophie Harent, conservateur en chef, directeur du musée Magnin

« Scène d’auberge » (vers 1658-1660) par Luca Giordano (1634-1705) – Collection De Vito

Poursuivez la visite…

Dans deux salles qui font suite à celles consacrées à la collection de peintures napolitaines de Giuseppe De Vito (1924-2015), le musée Granet propose de découvrir la peinture napolitaine du XVIIe siècle de ses propres collections.
Je vous invite à découvrir ces salles dans un reportage tourné avec Paméla Grimaud, conservateur au musée Granet, et Bruno Ely, directeur du musée Granet (cliquer ici).

Détail de «  »Saint Jean-Baptiste dans le désert » (vers 1630) par Massimo Stanzione (vers 1585 – 1656) – Collection De Vito

En savoir +

Consultez le site Internet du musée Granet et celui de la Fondation De Vito.

« Homme avec un cartouche » (Héraclite?) (vers 1640-1645) par Francesco Fracanzano (1612-1656) – Collection De Vito

Sources utilisées pour cet article :

  • Texte : dossier de presse
  • Photographies : @scribeaccroupi
« Saint Jean-Baptiste enfant » par Giovanni Battista Caracciolo, dit Battistello (1578 -1635) – Collection De Vito

Exposition « Naples pour passion. Chefs-d’œuvre de la collection De Vito »
15 juillet – 29 octobre 2023
Musée Granet
Place Saint Jean de Malte
13100 Aix-en-Provence

« Le Christ et la Samaritaine » (vers 1645) par Antonio De Bellis (actif entre 1630 et 1660 environ) – Collection De Vito

[Visite privée] Exposition « Naples à Paris » au Louvre (2) Les chefs-d’œuvre

Exposition « Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte »
Musée du Louvre
7 juin 2023 – 8 janvier 2024
Salon Carré, Grande Galerie et Salle de la Chapelle

Le musée de Capodimonte est l’un des plus grands musées d’Italie et l’une des plus importantes pinacothèques d’Europe, tant par le nombre que par la qualité des oeuvres conservées. Il est l’un des seuls musées de la péninsule italienne dont les collections permettent de présenter l’ensemble des écoles de la peinture italienne.

Près de 70 chefs-d’oeuvre du musée napolitain sont exposés dans trois lieux différents du Louvre. Dans la Grande Galerie se noue un dialogue spectaculaire entre deux collections de peintures italiennes parmi les plus importantes au monde. Dans la Salle de la Chapelle sont racontées les origines et la diversité des collections de Capodimonte, réunies essentiellement par les Farnèse et les Bourbons.

Dans ce deuxième reportage, après celui centré sur les cartons présentés dans la Salle de l’Horloge, vous êtes accompagnés par Sébastien Allard, directeur du département des Peintures du musée du Louvre, et Charlotte Chastel-Rousseau, conservatrice en chef au département des Peintures.

Exposition « Naples à Paris » – Grande Galerie du musée du Louvre due depuis le Salon Carré
« La Crucifixion » (1426) par Massacio – Museo e Real Bosco di Capodimonte
Exposition « Naples à Paris » – Grande Galerie du musée du Louvre
« La Transfiguration » (vers 1478-1479) par Giovanni Bellini – Museo e Real Bosco di Capodimonte

Salon Carré, Grande Galerie et salle Rosa (Aile Denon, 1er étage)

La volonté des deux musées est de voir les insignes chefs-d’oeuvre de Naples se mêler à ceux du Louvre, dans une présentation exceptionnelle : la réunion des deux collections offre aux visiteurs un aperçu unique de la peinture italienne du XVe au XVIIe siècle, permettant également une vision nouvelle tant de la collection du Louvre que de celle de Capodimonte.

Exposition « Naples à Paris » – Grande Galerie du musée du Louvre
« Portrait de Bernardo de’ Rossi, évêque de Trévise » (1505) par Lorenzo Lotto (vers 1480 – 1556) – Museo e Real Bosco di Capodimonte
Détail de « Danaé » (1544-1545) par Titien – Museo e Real Bosco di Capodimonte, per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura
Exposition « Naples à Paris » – Grande Galerie du musée du Louvre
« Portrait de jeune femme », dite « Antea » (vers 1535) par Francesco Mazzola, dit Parmesan (1503-1540) – Museo e Real Bosco di Capodimonte

31 tableaux de Capodimonte viennent soit dialoguer avec les collections du Louvre (oeuvres de Titien, Caravage, Carrache, Guido Reni notamment), soit les compléter en permettant la présentation d’écoles peu ou pas représentées, notamment l’école napolitaine, avec des artistes à la puissance dramatiques et expressives tels que Jusepe de Ribera, Francesco Guarino ou Mattia Preti.

À droite : « Atalante et Hippomène » (vers 1615-1618) par Guido Reni – Museo e Real Bosco di Capodimonte
« Portrait du pape Clément VII de Médicis sans barbe » (vers 1526) par Sebastiano Luciani, dit Sebastiano Del Piombo (1485-1547) – Museo e Real Bosco di Capodimonte
« Apollon et Marsyas » (1637) par Jusepe de Ribera – Museo e Real Bosco di Capodimonte

Cette exposition permet aussi de découvrir la bouleversante « Crucifixion » de Masaccio, artiste majeur de la Renaissance florentine mais absent des collections du Louvre, un grand tableau d’histoire de Giovanni Bellini, « La Transfiguration », dont le Louvre ne possède pas d’équivalent ou encore trois des plus magnifiques tableaux de Parmigianino, dont la célèbre et énigmatique « Antea ».

Ensemble de porcelaines, créations de la manufacture royale de porcelaine de Capodimonte – Museo e Real Bosco di Capodimonte

Salle de la Chapelle (Aile Sully, 1er étage)

La collection de Capodimonte est le fruit d’une histoire unique dans les collections italiennes, qui explique largement la diversité des oeuvres qui y sont présentées. Avant l’unification de l’Italie (le royaume des Deux-Siciles y est rattaché en 1861), trois dynasties ont joué un rôle essentiel dans la constitution de cet ensemble impressionnant : les Farnèse, les Bourbons et les Bonaparte-Murat.

Détail de la Cassette Farnèse (1548-1561) par Manno Di Bastiano Sbarri et Giovanni Bernardi – Museo e Real Bosco di Capodimonte, per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura
À droite : « Portrait du cardinal Alexandre Farnèse » (1545-1546) par Tiziano Vecellio dit Titien (1488-1490 – 1576) – Museo e Real Bosco di Capodimonte
« Buste de Paul Ill avec chape » (1546-1549) par Guglielmo Della Porta (1515 ? -1577) – Museo e Real Bosco di Capodimonte

Rassemblant des tableaux aussi importants que le « Portrait du pape Paul III Farnèse avec ses neveux » par Titien et le « Portrait de Giulio Clovio » par Greco, des sculptures et des objets d’art spectaculaires tels que le « Cofanetto Farnese » et la « Chute des Géants » de Filippo Tagliolini, l’exposition dans la salle de la Chapelle dévoile la richesse de cette collection.

« La Chute des Géants » (1785 et années suivantes) par Filippo Tagliolini – Museo e Real Bosco di Capodimonte

Commissariat de l’exposition

Commissariat général
Sébastien Allard, directeur du département des Peintures du musée du Louvre
Sylvain Bellenger, directeur du musée de Capodimonte.

Commissariat scientifique
Charlotte Chastel-Rousseau, conservatrice en chef au département des Peintures
Dominique Cordellier, conservateur général au département des Arts graphiques, musée du Louvre
Patrizia Piscitello, conservatrice de la collection Farnèse et des collections de peintures et de sculptures du XVIe siècle
Allessandra Rullo, directrice du département des Collections, conservatrice des peintures et des sculptures des XIIIe-XVe siècles
Carmine Romano, conservateur, responsable de la numérisation et du catalogue numérique des oeuvres, Museo e Real Bosco di Capodimonte

« Vue de Naples depuis Capodimonte » (1813) par Alexandre Hyacinthe Dunouy (1757-1841) – Museo e Real Bosco di Capodimonte

En savoir +

Consultez le site Internet du musée du Louvre.

« La Flagellation » (1607) par Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Caravage, propriété du Fondo Edifici di Culto, Ministero dell’Interno, en dépôt au Museo e Real Bosco di Capodimonte

 

Exposition « Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte »
Musée du Louvre
7 juin – 25 septembre 2023
Salle de l’Horloge
7 juin 2023 – 8 janvier 2024
Salon Carré, Grande Galerie et Salle de la Chapelle

Exposition « Naples à Paris » – Grande Galerie du musée du Louvre

[Visite privée] Exposition « Naples à Paris » au Louvre (1) Les cartons

Exposition « Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte »
Musée du Louvre
7 juin – 25 septembre 2023
Salle de l’Horloge

Ancienne résidence de chasse des souverains Bourbon, le palais (« la Reggia » en italien) abrite aujourd’hui l’un des plus grands musées d’Italie et l’une des plus importantes pinacothèques d’Europe, tant par le nombre que par la qualité des oeuvres conservées.
Le musée de Capodimonte est l’un des seuls musées de la péninsule dont les collections permettent de présenter l’ensemble des écoles de la peinture italienne. Il abrite également le deuxième cabinet de dessins d’Italie après celui des Offices ainsi qu’un ensemble remarquable de porcelaines.

Près de 70 chefs-d’oeuvre du musée napolitain sont exposés dans trois lieux différents du Louvre.

Dans ce premier reportage, nous découvrons les cartons présentés dans Salle de l’Horloge (Aile Sully, 2e étage), accompagnés par Dominique Cordellier, conservateur général au département des Arts graphiques du musée du Louvre.
Un second reportage – disponible samedi 22 juillet – présentera les chefs-d’oeuvre de Capodimonte exposés dans le Salon Carré, la Grande Galerie et la Salle de la Chapelle.

Riche de plus de 30 000 oeuvres, le Cabinet des Dessins et des Estampes de Capodimonte doit une partie de ses trésors à Fulvio Orsini, humaniste, grand érudit et bibliothécaire du cardinal Alexandre Farnèse, dit le Grand Cardinal et petit-fils du pape Paul III et, plus tard au cardinal Odoardo Farnese. Orsini constitua une des grandes collections italiennes où le dessin était considéré à sa juste valeur.

Détail du « Groupe de soldats » (1546-1550) par Michel-Ange – Museo e Real Bosco di Capodimonte

« Moïse devant le buisson ardent » par Raphaël et le « Groupe de soldats » par Michel-Ange sont aujourd’hui reconnus comme de rares oeuvres autographes.

Détail de « Moïse devant le Buisson ardent » (1514) par Raffaello Santi, dit Raphaël – Museo e Real Bosco di Capodimonte

Ces deux cartons sont présentés en dialogue avec ceux conservés au Cabinet des Dessins du Louvre comme la « Sainte Catherine » de Raphaël ou encore le carton de « La Modération » de Giulio Romano.

« La Modération » par l’Atelier de Raphaël, Giulio Pippi, dit Giulio Romano (vers 1492/1499 – 1546) – Musée du Louvre
« Sainte Apolline » ou « Sainte Catherine » par Raffaello Sanzio dit Raphael (1483-1520) – Musée du Louvre
« L’Annonciation » par Raffaello Sanzio dit Raphael (1483-1520) – Musée du Louvre

Exécutés soit à la plume, à l’encre et au lavis, pour les plus petits, soit au fusain et/ou à la pierre noire, parfois rehaussé de blanc, pour les plus grands, sur autant de feuilles de papier que nécessaire pour couvrir la surface de l’œuvre achevée, les cartons servent à reporter le dessin sur la surface à peindre.

« L’Amour embrassant Vénus » par un artiste toscan d’après Michel-Ange ou peut-être Giorgio Vasari (1511-1574) – Museo e Real Bosco di Capodimonte

Lorsque le report est réalisé « au spolvero » (littéralement, « à la poussière »), l’artiste piquète d’abord, avec une aiguille, les contours des motifs à reporter. Il applique ensuite son carton sur la surface à peindre et en tamponne les parties piquetées avec la ponce, un petit sac de tissu lâche empli d’une fine poussière sombre. Celle-ci passe à travers le tissu et les perforations du carton et se dépose en petits points sur la surface à peindre. Une fois le carton enlevé, le dessin y apparait en pointillé. Généralement, ce report au spolvero se fait directement sur la surface à peindre mais on l’utilise parfois pour transférer les contours d’une partie du carton sur un autre papier, dit « carton auxiliaire », où le motif peut être retravaillé dans le détail.

« Tête d’homme » par Michel-Ange (1475-1564) ou un artiste toscan de la première moitié du XVIe siècle, d’après Michel-Ange – Musée du Louvre
Exposition « Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte »
« Tête de jeune homme » par Raffaello Sanzio dit Raphael (1483-1520) – Musée du Louvre

Commissariat de l’exposition

Commissariat général
Sébastien Allard, directeur du département des Peintures du musée du Louvre
Sylvain Bellenger, directeur du musée de Capodimonte.

Commissariat scientifique
Charlotte Chastel-Rousseau, conservatrice en chef au département des Peintures
Dominique Cordellier, conservateur général au département des Arts graphiques, musée du Louvre
Patrizia Piscitello, conservatrice de la collection Farnèse et des collections de peintures et de sculptures du XVIe siècle
Allessandra Rullo, directrice du département des Collections, conservatrice des peintures et des sculptures des XIIIe-XVe siècles
Carmine Romano, conservateur, responsable de la numérisation et du catalogue numérique des oeuvres, Museo e Real Bosco di Capodimonte

Détail de « Benjamin conduit vers Joseph » et « Benjamin et ses frères aux pieds de Joseph, implorant sa miséricorde » par Francesco Ubertini dit Bacchiacca (1494-1557) – Musée du Louvre

En savoir +

Consultez le site Internet du musée du Louvre.

Détail de « Dieu le Père » par Michel-Ange (1475-1564) – Musée du Louvre

Exposition « Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte »
Musée du Louvre
7 juin – 25 septembre 2023
Salle de l’Horloge
7 juin 2023 – 8 janvier 2024
Salon Carré, Grande Galerie et Salle de la Chapelle

Exposition « Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte »

[Visite privée] Exposition Ingres à Chantilly

Exposition « Ingres, l’artiste et ses princes »
3 juin – 1er octobre 2023
Château de Chantilly
Salle du Jeu de Paume

Avec l’avènement de la monarchie de Juillet (1830-1848), Ingres trouve notamment dans la famille d’Orléans un soutien de poids lui permettant de réaliser parmi ses plus grands chefs-d’œuvre. Ce sont ces liens étroits qui sont au cœur de l’exposition proposée par le musée Condé de Chantilly.
Provenant de collections nationales et internationales, tableaux et dessins commandés ou collectionnés par les princes d’Orléans sont réunis à Chantilly, aux côtés de leurs études et leurs variantes.

Pour cette visite privée, vous êtes accompagnés par Nicole Garnier, conservateur général honoraire du patrimoine, et Mathieu Deldicque, directeur du musée Condé.

« Portrait de Ferdinand Philippe d’Orléans, duc d’Orléans » (1810-1842) par Luigi Calamatta (1801-1869) d’après Ingres et retouché par lui – Musée Condé (Chantilly)
Au centre : « Portrait de Ferdinand-Philippe d’Orléans, Prince Royal (1810-1842) » (1842) par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) – Musée du Louvre

Cette histoire commence avec la relation privilégiée tissée entre Ingres et l’héritier du trône. L’un de ses plus grands mécènes est le duc Ferdinand d’Orléans, Prince Royal (1810-1842), fils aîné du roi Louis-Philippe, qui acquit en 1839 son envoi de Rome « Œdipe et le Sphinx », lui commanda la célèbre « Stratonice » (image ci-dessous) et lui fit faire son portrait.

« Stratonice » ou « La Maladie d’Antiochus » (1835-1840) par Jean Auguste Dominique Ingres – Musée Condé (Chantilly)
Exposition « Ingres, l’artiste et ses princes » – Salle du Jeu de Paume du château de Chantilly

Né à Montauban en 1780, après une première formation artistique auprès de son père Joseph Ingres, peintre, architecte, sculpteur et musicien, puis du peintre Joseph Roques à Toulouse à partir de 1791, Ingres entre en août 1797 dans l’atelier de Jacques-Louis David à Paris.

« Erasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochus » (1774) par Jacques Louis David (1748-1825) – École nationale supérieure des beaux-arts (Paris)

En 1801, le jeune peintre remporte le prestigieux prix de Rome, mais les événements politiques l’empêchent de partir pour Rome. Il patiente en dessinant au Louvre d’après l’antique. Manquant d’argent pour payer des modèles, il fait les portraits de ses amis et connaissances, en s’inspirant de David : le modèle de trois-quarts sur fond brun fixe le spectateur. Au Salon de 1806, il n’expose que des portraits dont son Autoportrait.

À gauche : « Copie de l’Autoportrait d’Ingres à vingt-quatre ans » (1807) par Julie Forestier d’après Jean-Auguste-Dominique Ingres – Musée Ingres Bourdelle (Montauban)

Les critiques se déchaînent contre Ingres, mais il ne peut se défendre, ayant enfin rejoint Rome en 1806, et en conçoit une amertume qui traverse toute sa carrière. Les critiques du Salon décrivent avec ironie un tableau très différent de celui que l’on connaît aujourd’hui : l’artiste efface un portrait sur la toile, les harmonies sont grises, le manteau est différent, au point que l’on a pu se demander si l’œuvre aujourd’hui au musée Condé est bien celle du Salon de 1806.

« Autoportrait d’Ingres à vingt-quatre ans » (1804) (Salon de 1806) par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) – Musée Condé (Chantilly)

La version du Salon de 1806 est connue par une copie ancienne exécutée par Julie Forestier, fiancée d’Ingres et par une photographie. Quand Ingres date son portrait en 1804, il a 24 ans, mais il en a 70 quand il achève sa composition.

« Antiochus et Stratonice » par Jean Auguste Dominique Ingres – Kunstmuseum (Berne)
Exposition « Ingres, l’artiste et ses princes » – Salle du Jeu de Paume du château de Chantilly
« Paolo et Francesca » (1814-1820) par Jean Auguste Dominique Ingres – The Barber Institute of Fine Arts (Birmingham)

Chaque œuvre est l’objet de recherches approfondies : Ingres est un admirable dessinateur qui multiplie les études d’ensemble et de détail, et l’exposition rassemble croquis et études préparatoires autour de chaque œuvre majeure.

« Étude pour le visage de Vénus anadyomène » par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) – Musée Ingres Bourdelle (Montauban)
Au centre : « Vénus anadyomène » par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) – Musée Condé (Chantilly)

De récentes analyses scientifiques menées au Centre de Recherches et de Restauration des Musées de France (C2RMF), montrent visuellement comment Ingres a repris et modifié ses plus grands chefs-d’œuvre.

« Louise, princesse de Broglie, future comtesse d’Haussonville » par Jean Auguste Dominique Ingres – The Frick Collection (New York)

Commissariat de l’exposition

Commissariat général : Mathieu Deldicque, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée Condé
Commissariat scientifique : Nicole Garnier-Pelle, conservateur général honoraire du patrimoine

« Portrait de Mme Duvaucey » (1807) par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) – Musée Condé (Chantilly)

En savoir +

Consultez le site Internet du château de Chantilly.

Exposition « Ingres, l’artiste et ses princes »
3 juin – 1er octobre 2023
Château de Chantilly
Salle du Jeu de Paume
60500 Chantilly

« Buste de Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867) » (1868) par Auguste Louis Marie Ottin (1811-1890) – Institut de France (Paris)

[Visite privée] Exposition « Imprimer ! » à la BnF

Exposition « Imprimer ! L’Europe de Gutenberg »
12 avril – 16 juillet 2023
Bibliothèque nationale de France
Site François-Mitterrand

L’invention de l’imprimerie est un événement qui est souvent réduit à un fait unique : l’impression, vers 1455, d’une Bible par Johann Gutenberg. L’exposition permet de remettre cet événement dans son contexte en précisant notamment que des méthodes d’impression ont préexisté en Chine et en Corée.

Pour cette visite privée exceptionnelle, vous êtes accompagnés par Nathalie Coilly, conservatrice au sein de la Réserve des livres rares de la BnF.

« Gutenberg inventant l’imprimerie » (1831) par Jean-Antoine Laurent (1763-1832) – Musée de Grenoble

« Gutenberg a inventé l’imprimerie vers 1450 », comme chacun l’a appris sur les bancs de l’école. Pourtant, plusieurs nuances doivent être apportées à cette sentence. D’une part, l’imprimerie apparaît en Asie (Chine, Corée et Japon) dès le VIIe siècle. D’autre part, en Europe, l‘invention de l’imprimerie à caractères mobiles relève d’un long processus et Gutenberg n’a pas été un génie solitaire.

« Jikji  » – Päkun (1298-1374) – Imprimé dans le temple de Heung Deok – Corée (1377) – Département des Manuscrits (BnF)

En Chine et en Corée, apparaissent très tôt des procédés d’impression individualisant les signes sous forme de caractères mobiles, initialement en terre cuite, en bois ou en céramique. Les caractères métalliques apparaissent plus tardivement, probablement au XIIIe siècle en ce qui concerne la Corée.
Le plus ancien livre daté, imprimé au moyen de caractères métalliques, conservé à ce jour est coréen : le Jikji, compilation d’enseignements des bouddhas et des patriarches, a été réalisé en 1377, soit 80 ans avant la Bible de Gutenberg.
Les techniques d’impression asiatiques précèdent ainsi de plusieurs siècles les techniques européennes, sans qu’on puisse apporter la preuve d’un transfert d’une aire culturelle à l’autre.

« Crucifixion » (vers 1420 ?)- Matrice gravée sur ses deux faces, dit « Bois Protat » – France ou Allemagne du Sud – Département des Estampes et de la photographie (BnF)
 » Biblia latina » (Bible de Gutenberg) – Imprimée sur parchemin par Johann Gutenberg et Johann Fust – Mayence (vers 1455) – Réserve des livres rares (BnF)

C’est à Mayence que Johann Gutenberg entreprend son chef d’œuvre : l’impression de la Bible, immédiatement saluée comme une réussite.
Si Gutenberg est reconnu comme l’inventeur de la typographie européenne, son procédé combine en réalité plusieurs techniques, métallurgiques et graphiques, déjà existantes : la gravure, la frappe et la fonte du métal ; le transfert d’encre par impression. L’emploi de caractères mobiles individualisant les lettres de l’alphabet est un élément clé du dispositif.

« Missale Lugdunense » – Édité par Pierre Jacquet, imprimé sur parchemin par Johannes Neumeister et enluminé par l’atelier de Guillaume II Le Roy et par le Peintre des Animaux miniatures – Lyon (1487) – Réserve des livres rares (BnF)
« Saint Valentin, saint Étienne et saint Maximilien » par Hans Burgkmair (1473-1531) – Département des Estampes et de la photographie (BnF)

Le livre manuscrit était un objet polychrome, où la couleur pouvait s’attacher à quelques éléments de texte (initiales et titres notamment) ou se déployer dans les enluminures. Gutenberg et ses associés sont les premiers à se confronter à l’impression en couleur de quelques lettres. Après eux cependant, les imprimeurs peinent à poursuivre dans cette voie.
Traditionnellement, les illustrations gravées sont rehaussées de couleur à la main. Pourtant certains imprimeurs tentent de mécaniser cette étape de la production du livre. Erhard Ratdolt, imprimeur actif à Augsbourg et à Venise, fait figure de pionnier en la matière. Il finit par renoncer à ce procédé complexe et se spécialise en revanche plus durablement dans l’impression de caractères à la feuille d’or.

« Chroniques de France » – Imprimé sur parchemin par Jean Maurand (2ème partie) pour Antoine Vérard, enluminé par le Maître de Jacques de Besançon, le Maître de Robert Gaguin et le Maître de la Chronique scandaleuse (1ère partie) – Paris (1493) – Réserve des livres rares de la BnF

Les imprimés appartenant à des puissants sont héritiers de l’époque où l’offrande somptuaire jouait un rôle politique. Objets d’exception, enrichis par le pinceau des plus grands peintres, ils ne relèvent pas d’une logique de production en série. Ce sont des objets uniques, appartenant à de grandes collections européennes, le plus souvent princières.

« Recueil des histoires de Troie » de Raoul Lefèvre (2ème moitié du XVe siècle) – Manuscrit copié sur parchemin et enluminé par Robinet Testard vers 1496-1500 – Département des Manuscrits de la BnF
Exposition « Imprimer ! L’Europe de Gutenberg » – Bibliothèque nationale de France

Le commerce de l’imprimé est libre et non contrôlé au XVe siècle. Les typographes, soumis à rude concurrence, cherchent pourtant la protection de leur travail auprès des autorités, sous forme de privilèges d’impression, une sorte d’exclusivité. Ainsi apparaissent des amorces de régulation, tandis que l’on prend conscience de la capacité d’influence du nouveau media. L’imprimé devient alors le vecteur possible des combats politiques et religieux du XVIe siècle.

« Hippocratis ac Galeni libri aliquote » par Hippocrate (460-377 av.J.-C.), édité par François Rabelais – Imprimé à Lyon par Sébastien Gryphe (1512) – Réserve des livres rares de la BnF

« Maintenant toutes les disciplines sont restituées […]. Des impressions fort élégantes et correctes sont utilisées partout, qui ont été inventées à mon époque par inspiration divine, comme inversement l’artillerie l’a été par suggestion du diable. Tout le monde est plein de gens savants […] tant et si bien que je crois que ni à l’époque de Platon, de Cicéron ou de Papinien, il n’y avait de telle commodité d’étude qu’il s’en rencontre aujourd’hui. » – François Rabelais dans « Pantagruel » (1532)

Commissariat de l’exposition

Nathalie Coilly, conservatrice, Réserve des livres rares, BnF
Caroline Vrand, conservatrice, département des Estampes et de la photographie, BnF

Série de L’Apocalypse (1498) par Albrecht Dürer (1471-1528) – Imprimé à Nuremberg en 1498 (édition allemande) – Département des Estampes et de la photographie (BnF)

Sources

  • Textes et citations : dossier de presse et panneaux dans l’exposition
  • Photos : @scribeaccroupi

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Consultez le site Internet de la BnF.

Exposition « Imprimer ! L’Europe de Gutenberg »
12 avril – 16 juillet 2023
Bibliothèque nationale de France
Site François-Mitterrand – Galerie 2
Quai François-Mauriac
75013 Paris

Reconstitution d’une presse à imprimer à un coup (1925) – Musée Gutenberg (Mayence)

[Visite privée] Exposition « Autoportraits » au musée Crozatier du Puy-en-Velay

Exposition « Autoportraits. De Cézanne à Van Gogh.
Collections du musée d’Orsay et des musées d’Auvergne-Rhône-Alpes »
29 avril – 17 septembre 2023
Musée Crozatier
Le Puy-en-Velay

Exercice d’introspection, l’autoportrait questionne la vision de l’artiste par lui-même, sa place dans la société et la nature même de son art. Gustave Courbet, Camille Pissarro, Paul Cézanne, Vincent Van Gogh… plus de 70 œuvres sont rassemblées au musée Crozatier, parmi lesquelles 40 prêts du exceptionnels du musée d’Orsay.

Pour cette visite privée, vous êtes accompagnés par Maud Leyoudec, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Crozatier.

« Portrait de l’artiste » (vers 1875) par Paul Cézanne (1839-1906) – Musée d’Orsay

Cette galerie d’autoportraits est une invitation à nous interroger sur ce genre si particulier et de longue tradition, auquel ne dérogèrent pas les peintres de la seconde moitié du XIXe siècle, se référant souvent, plus ou moins explicitement, à leurs illustres prédécesseurs.

« Portrait de l’artiste » (1907) par Alexis Axilette (1860-1931) – Musée d’Orsay
« Portrait de l’artiste » (1911) par Clémentine-Hélène Dufau (1869-1937) – Musée d’Orsay
« Portrait de l’artiste » (1887) par Vincent Van Gogh (1853-1890) – Musée d’Orsay

« Roux de poil (barbiche de bouc, moustache rude, toque capillaire rase), le regard d’aigle et la bouche incisive comme pour parler… » – Van Gogh décrit par le peintre Émile Bernard

Certains n’ont pratiqué l’autoportrait qu’à quelques reprises, d’autres l’ont fait avec une étonnante régularité, comme Vincent Van Gogh, qui a laissé quarante-trois autoportraits peints ou dessinés au cours de sa très brève carrière, se plaçant ainsi dans la lignée de ceux qui, avant lui, comme Dürer, Rembrandt ou Courbet, ont progressivement élaboré, par-delà leur propre représentation, un véritable récit autobiographique.

« Autoportrait » (vers 1885-1886) par Georges-Antoine Rochegrosse (1859-1938) – Musée départemental Anne-de-Beaujeu (Moulins)
« Autoportrait » (vers 1885-1890) par Charles Maurin (1856-1914) – Musée Crozatier (Le Puy-en-Velay)

Le musée Crozatier conserve plusieurs œuvres de Charles Maurin, dont de nombreuses esquisses pour le décor du théâtre du Puy. Rejetant les portraits de commande qui doivent flatter les modèles, il réalise des portraits qu’il veut « objectifs et implacables ». Cet autoportrait (photo ci-dessus) est le seul connu de l’artiste.

« Portrait de l’artiste » (1916) par Léon Bonnat (1833-1922) – Musée d’Orsay
Au premier plan : « Homme à la chemise bleue, portrait de l’artiste » (1901) par Daniel de Monfreid (1856-1929) – Musée d’Orsay

Qu’elle soit occasionnelle ou fréquente, la pratique de l’autoportrait participe en effet du même principe d’énonciation que l’autobiographie : l’un se peint et l’autre s’écrit, à la première personne du singulier.

« Portrait de l’artiste » (1889) par Ernest Meissonier (1815-1891) – Musée d’Orsay

« Assez petit de taille, mais vigoureux, solidement bâti, d’une force qu’il entretenait par tous les exercices physiques, équitation, natation, escrime, canotage, la tête énergique et volontaire, avec de grands yeux noirs, noyés à demi sous les plis de la paupière supérieure, les narines ouvertes, les cheveux bruns rebelles, la barbe d’abord courte, qu’il laissa plus tard se développer en larges volutes comme celles du Moïse de Michel-Ange, Meissonier avait naturellement de l’allure. » – Léonce Bénédite dans « Meissonier – Biographie critique » (1910)

À gauche : « Autoportrait au tableau « Baigneuses à la vache » » (vers 1889) par Émile Bernard (1868-1941) – Musée d’Orsay

« Autour de grands artistes comme Courbet, Monet, Cézanne et Van Gogh, c’est à une relecture des courants stylistiques de cette période foisonnante qu’invite cette exposition et que prolongent les contributions de vingt-trois auteurs à ce catalogue. Notre ambition commune est d’en faire une manifestation à la fois scientifique et didactique, mais surtout réjouissante pour les habitants de la Haute-Loire et plus largement de la région Auvergne-Rhône-Alpes et ses nombreux touristes. » – Christophe Leribault, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie

Sources

  • Textes et citations : catalogue de l’exposition
  • Photos : @scribeaccroupi

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Consultez le site Internet du musée Crozatier.

À droite : « Portrait de l’artiste » (1889) par Charles Laval (1862-1894) – Musée d’Orsay

Exposition « Autoportraits. De Cézanne à Van Gogh.
Collections du musée d’Orsay et des musées d’Auvergne-Rhône-Alpes »
29 avril – 17 septembre 2023
Musée Crozatier
Jardin Henri-Vinay
2 Rue Antoine Martin
43000 Le Puy-en-Velay

[Entretien] Clément Oury, lauréat de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’histoire

Article mis à jour suite à la remise du Prix le 16 juin 2023

 

« Le duc de Marlborough, John Churchill, le plus redoutable ennemi de Louis XIV » de Clément Oury (Éditions Perrin) remporte l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire. Félicitations au lauréat !

John Churchill, duc de Marlborough (1650-1722), est considéré comme l’un des plus grands généraux de l’histoire britannique. Mais il est beaucoup plus que cela. Tour à tour commandant d’armée, diplomate et homme politique, cet Anglais fut l’adversaire le plus dangereux d’un Louis XIV vieillissant.
Sa légende noire en fait un homme avide de pouvoir et d’argent, ne reculant devant aucune trahison. Politicien retors, il forma avec son épouse un redoutable couple politique qui domina le gouvernement de la Grande Bretagne, à un moment où elle s’imposait comme une des principales puissances en Europe. Mais sa disgrâce en 1712 permit au royaume de France d’échapper à la catastrophe qui lui semblait promise.

Clément Oury a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Peut-être est-il aujourd’hui temps de se souvenir de Marlborough pour d’autres raisons qu’une comptine qui déforme son nom, et de faire mentir la prédiction pessimiste de Napoléon, qui disait : « Voilà pourtant ce que c’est que le ridicule ; il stigmatise tout jusqu’à la victoire. »  » – Extrait du livre de Clément Oury

« Tous ceux qui l’ont connu en conviennent : le duc de Marlborough était le plus insondable des hommes. Acceptons donc que ses intentions profondes restent un mystère, et même que l’authenticité de certains documents, susceptibles d’éclairer ses motivations, demeure sujette à caution. À cette réserve près, il semble désormais possible de retracer son action, ses responsabilités, son rôle réel vis-à-vis de ses contemporains dans le grand conflit qui a rebattu l’ensemble des cartes en Europe et dans le monde. » – Extrait du livre de Clément Oury

5 ouvrages finalistes pour l’édition 2023 du Prix

Le Prix Château de Versailles du livre d’histoire récompense l’auteur d’un ouvrage historique dont le sujet principal s’inscrit dans le cadre chronologique des XVIle et/ou XVIlle siècle(s), ou plus largement si celui-ci concerne l’histoire du château, du musée et du domaine national de Versailles.
L’auteur de ce Blog est membre du jury final de ce prestigieux Prix.

En savoir +

Sur le livre : en consultant le site Internet de l’éditeur.
Sur le Prix du livre d’histoire : en consultant le site Internet du château de Versailles.

[Entretien] Paul Cheney pour « Cul-de-sac, une plantation à Saint-Domingue au XVIIIe siècle »

« Cul-de-sac, une plantation à Saint-Domingue au XVIIIe siècle » de Paul Cheney (Éditions Fayard) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

Au XVIIIe siècle, la plaine du Cul-de-Sac à Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti, est divisée en une multitude de plantations sucrières, dont l’une se trouve entre les mains de nobles bretons, les Ferron de la Ferronnays.
En suivant l’ascension et la chute de cette famille de planteurs, Paul Cheney redonne vie à cette aristocratie française œuvrant à sa fortune par-delà les mers, à ses associés jouant de leurs relations et connaissance des lieux, aux esclaves africains sur le travail desquels repose l’ensemble de l’édifice.

Paul Cheney a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Les planteurs de Saint-Domingue ont souvent été des hommes d’affaires avisés qui comprenaient qu’il était nécessaire, pour faire du profit, de trouver un moyen de gérer l’impact de la mortalité de la main-d’œuvre esclave et les effets des guerres, des crises économiques, des révoltes et de la rareté des ressources que faisait naître de façon récurrente le complexe de la plantation. […] Diminuer les cruautés inutiles infligées aux esclaves et améliorer leur alimentation et leur santé permettraient, espéraient-ils, de minimiser les dépenses nécessaires pour compenser les décès prématurés, d’augmenter l’efficacité productive de la plantation et de réduire les risques de révolte et d’évasion. » – Extrait du livre de Paul Cheney

« À Haiti, le passé abordé dans ce livre semble parfois encore présent et même menaçant, avec une intensité qui est difficile à exprimer : ce sont des sentiments qui ont leur légitimité. En France, ce passé est très loin d’avoir cette force. C’est une nation qui a hérité collectivement, génération après génération, d’une grande richesse, d’un grand prestige et d’une grande puissance […] La France a le luxe de se souvenir ou d’oublier à volonté. » – Extrait du livre de Paul Cheney

5 ouvrages finalistes pour l’édition 2023 du Prix

Le Prix Château de Versailles du livre d’histoire récompense l’auteur d’un ouvrage historique dont le sujet principal s’inscrit dans le cadre chronologique des XVIle et/ou XVIlle siècle(s), ou plus largement si celui-ci concerne l’histoire du château, du musée et du domaine national de Versailles.
L’auteur de ce Blog est membre du jury final de ce prestigieux Prix.

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Sur le livre : en consultant le site Internet de l’éditeur.
Sur le Prix du livre d’histoire : en consultant le site Internet du château de Versailles.

Le nom du lauréat sera dévoilé début juin.

[Exposition] Plus près de Vermeer au Rijksmuseum

Exposition Vermeer
10 février – 4 juin 2023
Rijksmuseum (Amsterdam)

Après Washington en 1995, La Haye en 1996, New York et Londres en 2001, et Paris en 2017, le Rijksmuseum d’Amsterdam célèbre l’art de Johannes Vermeer (1632-1675).
Au cours des huit dernières années, les conservateurs du Rijksmuseum et de la Frick Collection (New York) ont coopéré afin d’exposer pour la première fois en dehors de New York les trois peintures de la collection de l’industriel Henry Clay Frick.

L’œuvre de Vermeer est réduite. Sur les 37 peintures environ qui lui sont attribuées, 27 ont été rassemblées à Amsterdam. Les œuvres sont principalement exposées de manière thématique.

La vente des billets en ligne a été arrêtée et l’exposition est complète depuis le début du mois de mars. Même si le nombre de visiteurs est important, il est possible – selon ma propre expérience et en étant patient ! – d’avoir un temps pour se poser et admirer chaque tableau. Alors, suivez-moi pour une visite en images de l’exposition « comme si vous y étiez ».

« Du maître du XVIIe siècle, on ne possède ni lettres ni journaux, et même son portrait n’est pas connu avec certitude. La préparation de l’exposition a toutefois donné lieu à des recherches approfondies sur le peintre de Delft, qui ont livré de nouvelles connaissances sur des suiets comme sa position sociale, son ménage et l’influence de son entourage sur son travail. » – Taco Dibbits, directeur en chef du Riiksmuseum

Plus près de Vermeer

Johannes Vermeer passe toute sa vie à Delft (1632-1675). Il y grandit parmi les peintures du commerce d’art de son père et reçoit une éducation protestante. Lors de son mariage avec Catharina Bolnes, il est intégré dans une famille catholique. Le couple aura quatorze ou quinze enfants, dont onze dépasseront le bas âge. En plus d’être peintre, Vermeer est aussi marchand d’art et syndic de la guilde d’artistes Sint-Lucas.

« Johannes Vermeer (1632-1675) fut un artiste peu prodigue, qui n’a sans doute pas peint plus de deux œuvres par an en moyenne. Mais chacune d’elles est une création exceptionnelle qui fascine et qui étonne. Le peintre emmène le spectateur dans un monde introverti, figé. Dans ses intérieurs, la lumière joue un rôle inimitable, et l’emploi des couleurs ne cesse de surprendre. Vermeer compose ses peintures, choisit ses sujets et modifie les espaces, au point d’atteindre une forme d’illusionnisme en raison duquel, plus de 350 ans plus tard, son univers pictural est toujours perçu comme reconnaissable et familier. » – Taco Dibbits, directeur en chef du Riiksmuseum

En ville

Pour autant que nous sachions, Vermeer a peint trois fois sa ville natale. Dans son monde, le calme règne et le temps semble arrêté.
Dans la « Vue de Delft », il ne représente pas en évidence et en détail les principaux monuments de la ville, mais envisage la ville sous un angle inattendu, non sans se permettre au passage quelques libertés par rapport à la réalité topographique. Dans le lointain, on aperçoit la Nouvelle Église, dont le clocher, peint à l’aide d’une épaisse couche de couleur blanc-jaunâtre, capte la lumière matinale. Légèrement à gauche du centre, l’horloge de la porte de Schiedam affiche plus ou moins 7 heures.

À l’aide du clair-obscur, de la perspective, de la couleur et de la texture, il conduit notre œil dans la profondeur du champ. Il le fait notamment dans « La Ruelle » : les maisons sombres situées à l’arrière se détachent sur un ciel clair. Les figures, comme la femme visible dans le passage et les enfants jouant sur le trottoir, contribuent à créer l’illusion d’espace.

Ambitions précoces

Ces quatre grandes peintures sont les premières que nous connaissions de Vermeer. Il a alors une bonne vingtaine d’années et vient juste de s’établir comme maître peintre. Et il a épousé Catharina Bolnes, une catholique, alors qu’il appartient à une famille protestante.

Vermeer s’attaque à d’ambitieux thèmes religieux : « Sainte Praxède » et une scène biblique montrant Le Christ chez Marie et Marthe.

Dans « Le Christ dans la maison de Marthe et Marie », Vermeer représente Jésus rendant visite aux deux sœurs. Marthe entreprend de le servir tandis que Marie s’assied à ses pieds pour l’écouter. Marthe se plaint alors de devoir se charger seule de tout le travail. Mais Jésus déclare que Marie a fait le bon choix : le spirituel passe avant le matériel.
La main expressive de Jésus-Christ, mise en valeur par la nappe blanche, correspond au centre exact du tableau. C’est une façon pour Vermeer de souligner que les paroles du Christ sont le cœur du récit.

Vermeer s’aventure aussi à réaliser une scène mythologique, intitulée « Diane et ses nymphes ».
Le jeune artiste veut manifestement se profiler à l’échelle internationale et maîtriser ce qui est alors considéré comme le degré le plus élevé de l’art pictural : la représentation de grands épisodes historiques.

« L’Entremetteuse » marque un revirement. Dans cette toile de 1656, il conjugue toutes les influences internationales dans une scène de bordel. À partir de là, Vermeer choisit la vie quotidienne comme point de départ de son travail.

Premiers intérieurs

Dans « La Liseuse à la fenêtre », Vermeer ne montre pas grand-chose de la pièce, mais crée de la profondeur au moyen d’un mur percé perpendiculaire à celui du fond du côté gauche. Il prend la vie quotidienne comme point de départ.
Un rideau rouge tombe devant la fenêtre où le visage de la jeune fille se reflète. Pour la première fois, Vermeer utilise des points et des taches de couleur. Ainsi, les cheveux sont faits d’une constellation de points lumineux de différentes couleurs.
Le rideau vert semble pendre devant la toile. Tiré sur le côté, il dévoile la jeune femme à la lecture et la grande peinture accrochée derrière elle. Celle-ci représente Cupidon, dieu de l’amour, qui nous regarde. Jusqu’en 2019, Cupidon est resté caché sous de la couleur blanche. Lors d’une récente restauration, il est apparu que ce n’était pas Vermeer qui l’avait recouvert, mais un autre, intervenu plus tard.

Dans « La Laitière », nous regardons la jeune femme légèrement d’en bas. Sa monumentalité est renforcée par le mur blanc derrière elle, dont elle se détache avec netteté. Pour obtenir cet effet, Vermeer a surpeint une étagère supportant des cruches qu’il avait d’abord placée à hauteur de sa tête. En bas à droite, Vermeer a également recouvert un grand panier à feu, qu’il a remplacé par des carreaux bleus de Delft et un chauffe-pieds.
Étant donné les nombreux restes de pain visibles sur la table, il est possible que la jeune femme soit en train de préparer un pudding avec du pain rassis trempé dans du lait.
L’espace est modelé par la lumière, qui joue et se reflète sur tous les objets. Le pain et sa corbeille se composent de centaines de points lumineux. Le geste de la laitière est simple et concentré et seul le filet de lait semble bouger.

Un regard vers l’extérieur

Les scènes de Vermeer sont figées et recueillies, presque coupées du monde extérieur. Mais pas complètement. Vermeer laisse entrer celui-ci par les fenêtres ou indique sa présence à travers un personnage qui regarde dehors.

Dans « L’Officier et la jeune femme riant », le jeune visiteur n’a pas encore ôté son grand chapeau en fourrure de castor. La carte de Hollande et de Frise occidentale accrochée au mur laisse entrer le monde extérieur dans la pièce fermée, de même que la fenêtre ouverte.
Vermeer confère de l’intimité à la scène par sa maîtrise parfaite de la perspective: l’homme est proche du spectateur, il est nettement plus que grand que la femme. L’artiste pourrait avoir étudié cet effet avec un instrument optique appelé « camera obscura ». Il s’agissait d’une chambre ou d’une boîte noire percée d’un trou, plus tard équipée d’une lentille, dans laquelle l’image des objets situés en dehors était projetée sur le mur ou la paroi opposé.

Dans la « Joueuse de luth », la jeune femme accorde son instrument tout en regardant par la fenêtre.

Dans « Dame écrivant une lettre et sa servante », le rideau vert tiré à gauche laisse voir l’intérieur de la pièce, alors que la servante debout près de la tenture blanche regarde justement dehors. L’intimité de la chambre devient tangible au moment précis où le bruit de la rue semble y résonner.

De tout près

Entre 1664 et 1667, Vermeer réalise une petite série de peintures montrant des femmes qui nous regardent droit dans les yeux et de très près. Leur regard sort du champ de la représentation pour entrer dans notre monde. Ce ne sont pas des portraits, bien que l’artiste ait certainement utilisé des études réalisées d’après modèle vivant.

Des œuvres expérimentales comme « La Jeune Femme à la flûte » et « La Jeune Femme au chapeau rouge » annoncent notamment « La Jeune Femme à la perle ».

Une autre façon de s’approcher au plus près consiste à réduire la distance par rapport à la figure comme Vermeer le fait dans « La Dentellière ». Nous approchons même de si près que nous pouvons voir les fils entre ses doigts.
Contrairement à la plupart des autres peintures de Vermeer, « La Jeune Femme à la flûte », « La Dentellière » et « La Jeune Femme au chapeau rouge » sont éclairées par la droite.

Séduction musicale

Dans cette série de tableaux, ces femmes dirigent leur regard vers nous, comme si elles avaient été dérangées pendant leur séance de musique. Cette dernière joue un grand rôle dans ces toiles ainsi que dans bien d’autres de Vermeer. Les femmes jouent de la guitare, du clavecin ou du virginal (un instrument à clavier). Et sur beaucoup de toiles, une viole de gambe (sorte de contrebasse ou de violoncelle) est dressée ou couchée à terre, comme dans « La Jeune femme assise au virginal ».

Dans ce tableau, le mur du fond est décoré d’une peinture existante de Dirck van Baburen sur laquelle on voit une prostituée sourire à un homme tandis qu’elle joue du luth. li lui tend une pièce. La peinture du fond ajoute une signification à la représentation de Vermeer. Il en va de même dans la peinture visible sur le mur du fond de « La Jeune femme debout au virginal », où réapparaît Cupidon, déjà présent sur « La Liseuse à la fenêtre ».

Regard vers l’intérieur

Outre des peintures où une seule figure est vue de près, Vermeer développe une nouvelle formule réunissant deux ou trois figures dans des scènes d’intérieur plus grandes.

Dans « La Lettre d’amour », il prend ses distances par rapport aux deux femmes qu’il observe – et nous à sa suite – depuis une pièce contiguë. Les compositions fermées de Vermeer font de nous des spectateurs secrets.

La maîtresse des lieux a interrompu sa séance de cistre (un petit luth) parce que sa servante est venue lui remettre une missive. La marine accrochée au mur le suggère qu’il pourrait s’agir d’une lettre d’amour. En effet, l’amour est souvent comparé à la mer et l’amoureux à un navire – l’une est calme ou fougueuse, l’autre solide ou menacé.

Messages du monde extérieur

Les lettres sont un sujet récurrent dans l’œuvre de Vermeer. Celui-ci réalise d’abord trois toiles montrant une seule figure occupée à lire ou à écrire, plus tard, trois autres, où la figure est accompagnée d’une servante. Vermeer peint toujours de jeunes femmes de la classe aisée qui entretiennent le contact avec le monde extérieur par l’entremise du courrier. Pour les amoureux, les lettres représentaient un moyen idéal de se faire la cour. Il existait même des manuels qui enseignaient les plus belles formules.
Encore vêtue de son élégante liseuse, « La Femme en bleu lisant une lettre » se remémore une personne absente en s’empreignant de ses paroles.
Les servantes pouvaient sans éveiller les soupçons remettre des lettres dans toute la ville, ce qui, pour les jeunes femmes elles-mêmes, était inconvenant.

Dans « La Maîtresse et la servante », une femme est surprise à sa table d’écriture par sa servante qui lui apporte un courrier. Le monde entre dans la pièce comme il le fait dans d’autres peintures par les fenêtres ou les portes.

Dans « Une dame écrivant », le regard de la jeune femme est dirigé en dehors du tableau. Tout comme la lettre, il relie intérieur et extérieur.
Vermeer montre ici une dame à la pointe de la mode. La fourrure d’hermine n’étant même pas portée par les riches bourgeois, il s’agit peut-être de fourrure de lapin sur laquelle on a peint des points.
Le coffret posé sur la table, dans lequel on pouvait conserver des bijoux, des lettres ou d’autres effets précieux, semble provenir de la région de Goa (Inde). Comme la carte géographique de la Femme en bleu lisant une lettre, il fait allusion au monde extérieur en tant que témoin tangible d’une lointaine contrée.

Visiteurs masculins

Ces peintures des environs de 1660 ont beaucoup en commun. De jeunes femmes vêtues à la mode jouent de la musique – ou viennent juste de s’interrompre – et boivent du vin. Avec leur beau manteau sur les épaules, les hommes ont l’air d’être arrivés peu auparavant. Nous voyons des partitions et un cistre, car l’amour est souvent associé avec le fait de chanter et de jouer de la musique ensemble.
Les lignes de perspective des tables, des chaises et des fenêtres placées à gauche créent une illusion spatiale convaincante. Vermeer place les figures au premier plan pour que nous puissions les approcher de près. Il crée ainsi un fort sentiment d’intimité entre la scène et le spectateur.

Dans « Le Verre de vin », l’homme porte un manteau en mohair, un précieux velours fait de laine de chèvre angora. Un manteau de ce type est également visible sur « La Leçon de musique interrompue ».
L’homme tient en main une cruche blanche qui constitue le cœur de la représentation. Sa manchette, également blanche, auréole délicatement l’objet.

Un regard sur le monde

« Le Géographe » est l’une des rares œuvres dans lesquelles Vermeer donne le rôle principal à un homme. Le globe terrestre du savant est posé sur l’armoire en compagnie de quelques livres. Un compas à la main, il étudie des cartes géographiques étalées sur sa table. Mais son regard se perd dans le lointain.
La lumière du soleil tombe directement sur les documents et le front du géographe, sans l’entremise d’un instrument scientifique. Vermeer met ainsi l’accent sur l’intérêt intellectuel pour le monde.

Réfléchir à la vanité et à la foi

Vers 1662-1664, Vermeer peint un petit ensemble d’œuvres dans lesquelles une femme seule est assise à une table garnie de différents objets. Elle est représentée pendant un moment figé et méditatif.
Dans « La Femme au collier de perles », elle est en train de se faire belle. À l’époque de Vermeer, cette coquetterie est jugée négativement, considérée comme « mondaine », vaine et centrée sur l’apparence.

Dans « La Femme à la balance », le modèle se tient debout devant une table où sont posés des bijoux précieux. La fine balance sert à estimer leur valeur. Au second plan, une peinture représente « Le Jugement dernier, » rappelant que l’âme aussi sera un jour pesée et jugée.

Dans son « Allégorie de la foi catholique », Vermeer utilise une série de symboles que le spectateur est invité à observer attentivement. La figure principale, la « foi », triomphe du matériel, du vain et de l’éphémère en posant le pied sur un globe terrestre. Elle regarde intensément une sphère de verre. En raison de son reflet, celle-ci peut, comme la foi, »contenir plus que ce qu’elle peut réellement contenir étant donné son format ». Vermeer utilise là une image propre aux jésuites, ordre religieux catholique notamment établi près de chez lui.

Un 28ème tableau

« La Jeune Femme à la perle » a été prêtée par le Mauritshuis (La Haye) du 10 février au 31 mars. À partir du 1er avril, il fallait se rendre dans la capitale des Pays-Bas pour pouvoir l’admirer.

« Les peintures de Vermeer laissent une impression indélébile. L’approche intimiste de son travail a pour effet d’arrêter le temps sur un monde qui attire et captive. » – Taco Dibbits, directeur en chef du Riiksmuseum

Sources

  • Textes : site Internet du Rijksmuseum et catalogue de l’exposition
  • Photos : @scribeaccroupi

Exposition Vermeer
10 février – 4 juin 2023
Rijksmuseum (Amsterdam)

 

[Entretien] Edmond Dziembowski pour « La main cachée »

« La main cachée. Une autre histoire de la Révolution française » d’Edmond Dziembowski (Éditions Perrin) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

Dès les premiers mois de 1789 ont surgi plusieurs explications alternatives des événements révolutionnaires. Pour certains témoins, les vraies causes de ce grand bouleversement politique sont à trouver ailleurs. Sur le banc des accusés figurent les philosophes, les protestants, les francs-maçons, les illuminés de Bavière ou encore l’Angleterre.
Le livre expose les multiples facettes de cette fièvre complotiste dont les principaux héros le duc d’Orléans, Jacques Necker, Adam Weishaupt, Voltaire et William Pitt. Il nous entraîne dans les tréfonds de l’imaginaire politique de l’Ancien Régime et des années révolutionnaires jusqu’à son inquiétant avatar du XXIe siècle.

Edmond Dziembowski a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Tout comme l’objet-guillotine qu’a magistralement analysé Daniel Arasse, ces histoires alternatives de la Révolution française dévoilent de larges pans de l’imaginaire d’une époque singulière qui a vu le train de la raison sortir de ses rails. C’est cet imaginaire que je me propose de scruter avec les yeux des contemporains qui, il y a plus de deux siècles, sombrèrent dans l’obsession de la main tapie sous la toile de l’événement. » – Extrait du livre d’Edmond Dziembowski

« La tâche de l’historien est d’éclairer le passé. Elle s’arrête à cet objectif. L’on aura beau montrer la fausseté de ces croyances, l’on aura beau dépeindre l’univers en folie dans lequel se mouvaient ces hallucinés de la main cachée, rien n’y fera. Le complotisme a une longue histoire derrière lui. Il a un riche avenir devant lui. »  – Extrait du livre d’Edmond Dziembowski

5 ouvrages finalistes pour l’édition 2023 du Prix

Le Prix Château de Versailles du livre d’histoire récompense l’auteur d’un ouvrage historique dont le sujet principal s’inscrit dans le cadre chronologique des XVIle et/ou XVIlle siècle(s), ou plus largement si celui-ci concerne l’histoire du château, du musée et du domaine national de Versailles.
L’auteur de ce Blog est membre du jury final de ce prestigieux Prix.

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Sur le livre : en consultant le site Internet de l’éditeur.
Sur le Prix du livre d’histoire : en consultant le site Internet du château de Versailles.

Le nom du lauréat sera dévoilé début juin.

[Entretien] Laurence Fontaine pour « Vivre pauvre »

« Vivre pauvre, quelques enseignements tirés de l’Europe des Lumières » de Laurence Fontaine (Éditions Gallimard) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

Dans l’Europe d’Ancien Régime, la pauvreté est endémique. Elle est tout à la fois un risque conjoncturel (auquel on répond par la pluriactivité au travail, la migration saisonnière de métier…), un état structurel (auquel on espère échapper par les déménagements constants, le vagabondage, la mendicité…) et une exclusion (qui conduit à l’abandon des enfants ou à la prostitution).
En 1777, l’académie des sciences, arts et belles-lettres de Châlons-sur-Marne met au concours la question des « moyens de détruire la mendicité en rendant les mendiants utiles à l’État sans les rendre malheureux ». Les 125 mémoires envoyés constituent la meilleure introduction aux débats d’alors sur la pauvreté et se font écho aux questions qui agitent les élites. S’y esquissent nos questions d’aujourd’hui.

Laurence Fontaine a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Quand Voltaire écrit : « La misère attachée à notre espèce subordonne un homme à un autre homme; ce n’est pas l’inégalité qui est un malheur réel, c’est la dépendance », il dit combien les inégalités sont nourries de pouvoir. » – Extrait du livre de Laurence Fontaine

« La pauvreté est une souffrance, mais de cela il est rarement question aujourd’hui tant elle est d’abord affaire de chiffres, de catégorisation et de seuils mouvants au gré des fluctuations sociales : sont pauvres ceux qui vivent avec moins de 50 % du revenu médian disent l’OCDE et les États-Unis; la France a fixé le plancher à 60 % du revenu médian et même si ces chiffres sont réévalués chaque année pour tenir compte de l’inflation, ils jouent au yo-yo avec les transformations sociales : que le salaire médian augmente parce que les plus riches le sont plus encore et le nombre de « pauvres » grandit, qu’il diminue parce que les classes moyennes se sont appauvries, et le nombre de pauvres se réduit d’autant plus vite que les classes moyennes perdent en sécurité financière. » – Extrait du livre de Laurence Fontaine

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[Entretien] L’abbé Grégoire par Françoise Hildesheimer

« L’abbé Grégoire. Une « tête de fer » en révolution » de Françoise Hildesheimer (Nouveau Monde Éditions) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

Parmi ces « foutus curés qui ont fait la Révolution », l’abbé Grégoire se révèle comme l’une des personnalités les plus originales de cette période qu’il traversera sans jamais renoncer à sa foi et à son rêve de bonheur pour l’humanité. Reconnu par la République comme un Juste, l’abbé Grégoire a retrouvé les feux de l’actualité en 1989 avec l’entrée de ses cendres au Panthéon.

Françoise Hildesheimer a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Arche de la fraternité, Prophète de la République, Évêque des Lumières, Evêque révolutionnaire, Évêque et démocrate…, Henri Grégoire, universellement connu sous le nom d’abbé Grégoire et surnommé « Tête de fer » par Napoléon, a été l’un des personnages les plus clivants de la Révolution, tant pour ses contemporains, qui voient en lui soit un ange, soit un démon, que pour ses historiens comme pris en otage par celui qu’ils encensent ou rejettent avec la même ardeur. » – Extrait du livre de Françoise Hildesheimer

« Henri Grégoire fut jusqu’au bout l’ « abbé Grégoire » et demeura en permanence habité par ce qui était sans doute, pour cet homme sociable, la transmutation de sa solitude sociale en un rêve généreux et abstrait de bonheur; non pas le sien, il en a fait le sacrifice pour promouvoir celui de l’humanité, qui passe par la liberté mais aussi, selon lui, par la religion chrétienne. » – Extrait du livre de Françoise Hildesheimer

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