L'envie de venir au musée... et d'y revenir souvent !

[Exposition] Plus près de Vermeer au Rijksmuseum

Exposition Vermeer
10 février – 4 juin 2023
Rijksmuseum (Amsterdam)

Après Washington en 1995, La Haye en 1996, New York et Londres en 2001, et Paris en 2017, le Rijksmuseum d’Amsterdam célèbre l’art de Johannes Vermeer (1632-1675).
Au cours des huit dernières années, les conservateurs du Rijksmuseum et de la Frick Collection (New York) ont coopéré afin d’exposer pour la première fois en dehors de New York les trois peintures de la collection de l’industriel Henry Clay Frick.

L’œuvre de Vermeer est réduite. Sur les 37 peintures environ qui lui sont attribuées, 27 ont été rassemblées à Amsterdam. Les œuvres sont principalement exposées de manière thématique.

La vente des billets en ligne a été arrêtée et l’exposition est complète depuis le début du mois de mars. Même si le nombre de visiteurs est important, il est possible – selon ma propre expérience et en étant patient ! – d’avoir un temps pour se poser et admirer chaque tableau. Alors, suivez-moi pour une visite en images de l’exposition « comme si vous y étiez ».

« Du maître du XVIIe siècle, on ne possède ni lettres ni journaux, et même son portrait n’est pas connu avec certitude. La préparation de l’exposition a toutefois donné lieu à des recherches approfondies sur le peintre de Delft, qui ont livré de nouvelles connaissances sur des suiets comme sa position sociale, son ménage et l’influence de son entourage sur son travail. » – Taco Dibbits, directeur en chef du Riiksmuseum

Plus près de Vermeer

Johannes Vermeer passe toute sa vie à Delft (1632-1675). Il y grandit parmi les peintures du commerce d’art de son père et reçoit une éducation protestante. Lors de son mariage avec Catharina Bolnes, il est intégré dans une famille catholique. Le couple aura quatorze ou quinze enfants, dont onze dépasseront le bas âge. En plus d’être peintre, Vermeer est aussi marchand d’art et syndic de la guilde d’artistes Sint-Lucas.

« Johannes Vermeer (1632-1675) fut un artiste peu prodigue, qui n’a sans doute pas peint plus de deux œuvres par an en moyenne. Mais chacune d’elles est une création exceptionnelle qui fascine et qui étonne. Le peintre emmène le spectateur dans un monde introverti, figé. Dans ses intérieurs, la lumière joue un rôle inimitable, et l’emploi des couleurs ne cesse de surprendre. Vermeer compose ses peintures, choisit ses sujets et modifie les espaces, au point d’atteindre une forme d’illusionnisme en raison duquel, plus de 350 ans plus tard, son univers pictural est toujours perçu comme reconnaissable et familier. » – Taco Dibbits, directeur en chef du Riiksmuseum

En ville

Pour autant que nous sachions, Vermeer a peint trois fois sa ville natale. Dans son monde, le calme règne et le temps semble arrêté.
Dans la « Vue de Delft », il ne représente pas en évidence et en détail les principaux monuments de la ville, mais envisage la ville sous un angle inattendu, non sans se permettre au passage quelques libertés par rapport à la réalité topographique. Dans le lointain, on aperçoit la Nouvelle Église, dont le clocher, peint à l’aide d’une épaisse couche de couleur blanc-jaunâtre, capte la lumière matinale. Légèrement à gauche du centre, l’horloge de la porte de Schiedam affiche plus ou moins 7 heures.

À l’aide du clair-obscur, de la perspective, de la couleur et de la texture, il conduit notre œil dans la profondeur du champ. Il le fait notamment dans « La Ruelle » : les maisons sombres situées à l’arrière se détachent sur un ciel clair. Les figures, comme la femme visible dans le passage et les enfants jouant sur le trottoir, contribuent à créer l’illusion d’espace.

Ambitions précoces

Ces quatre grandes peintures sont les premières que nous connaissions de Vermeer. Il a alors une bonne vingtaine d’années et vient juste de s’établir comme maître peintre. Et il a épousé Catharina Bolnes, une catholique, alors qu’il appartient à une famille protestante.

Vermeer s’attaque à d’ambitieux thèmes religieux : « Sainte Praxède » et une scène biblique montrant Le Christ chez Marie et Marthe.

Dans « Le Christ dans la maison de Marthe et Marie », Vermeer représente Jésus rendant visite aux deux sœurs. Marthe entreprend de le servir tandis que Marie s’assied à ses pieds pour l’écouter. Marthe se plaint alors de devoir se charger seule de tout le travail. Mais Jésus déclare que Marie a fait le bon choix : le spirituel passe avant le matériel.
La main expressive de Jésus-Christ, mise en valeur par la nappe blanche, correspond au centre exact du tableau. C’est une façon pour Vermeer de souligner que les paroles du Christ sont le cœur du récit.

Vermeer s’aventure aussi à réaliser une scène mythologique, intitulée « Diane et ses nymphes ».
Le jeune artiste veut manifestement se profiler à l’échelle internationale et maîtriser ce qui est alors considéré comme le degré le plus élevé de l’art pictural : la représentation de grands épisodes historiques.

« L’Entremetteuse » marque un revirement. Dans cette toile de 1656, il conjugue toutes les influences internationales dans une scène de bordel. À partir de là, Vermeer choisit la vie quotidienne comme point de départ de son travail.

Premiers intérieurs

Dans « La Liseuse à la fenêtre », Vermeer ne montre pas grand-chose de la pièce, mais crée de la profondeur au moyen d’un mur percé perpendiculaire à celui du fond du côté gauche. Il prend la vie quotidienne comme point de départ.
Un rideau rouge tombe devant la fenêtre où le visage de la jeune fille se reflète. Pour la première fois, Vermeer utilise des points et des taches de couleur. Ainsi, les cheveux sont faits d’une constellation de points lumineux de différentes couleurs.
Le rideau vert semble pendre devant la toile. Tiré sur le côté, il dévoile la jeune femme à la lecture et la grande peinture accrochée derrière elle. Celle-ci représente Cupidon, dieu de l’amour, qui nous regarde. Jusqu’en 2019, Cupidon est resté caché sous de la couleur blanche. Lors d’une récente restauration, il est apparu que ce n’était pas Vermeer qui l’avait recouvert, mais un autre, intervenu plus tard.

Dans « La Laitière », nous regardons la jeune femme légèrement d’en bas. Sa monumentalité est renforcée par le mur blanc derrière elle, dont elle se détache avec netteté. Pour obtenir cet effet, Vermeer a surpeint une étagère supportant des cruches qu’il avait d’abord placée à hauteur de sa tête. En bas à droite, Vermeer a également recouvert un grand panier à feu, qu’il a remplacé par des carreaux bleus de Delft et un chauffe-pieds.
Étant donné les nombreux restes de pain visibles sur la table, il est possible que la jeune femme soit en train de préparer un pudding avec du pain rassis trempé dans du lait.
L’espace est modelé par la lumière, qui joue et se reflète sur tous les objets. Le pain et sa corbeille se composent de centaines de points lumineux. Le geste de la laitière est simple et concentré et seul le filet de lait semble bouger.

Un regard vers l’extérieur

Les scènes de Vermeer sont figées et recueillies, presque coupées du monde extérieur. Mais pas complètement. Vermeer laisse entrer celui-ci par les fenêtres ou indique sa présence à travers un personnage qui regarde dehors.

Dans « L’Officier et la jeune femme riant », le jeune visiteur n’a pas encore ôté son grand chapeau en fourrure de castor. La carte de Hollande et de Frise occidentale accrochée au mur laisse entrer le monde extérieur dans la pièce fermée, de même que la fenêtre ouverte.
Vermeer confère de l’intimité à la scène par sa maîtrise parfaite de la perspective: l’homme est proche du spectateur, il est nettement plus que grand que la femme. L’artiste pourrait avoir étudié cet effet avec un instrument optique appelé « camera obscura ». Il s’agissait d’une chambre ou d’une boîte noire percée d’un trou, plus tard équipée d’une lentille, dans laquelle l’image des objets situés en dehors était projetée sur le mur ou la paroi opposé.

Dans la « Joueuse de luth », la jeune femme accorde son instrument tout en regardant par la fenêtre.

Dans « Dame écrivant une lettre et sa servante », le rideau vert tiré à gauche laisse voir l’intérieur de la pièce, alors que la servante debout près de la tenture blanche regarde justement dehors. L’intimité de la chambre devient tangible au moment précis où le bruit de la rue semble y résonner.

De tout près

Entre 1664 et 1667, Vermeer réalise une petite série de peintures montrant des femmes qui nous regardent droit dans les yeux et de très près. Leur regard sort du champ de la représentation pour entrer dans notre monde. Ce ne sont pas des portraits, bien que l’artiste ait certainement utilisé des études réalisées d’après modèle vivant.

Des œuvres expérimentales comme « La Jeune Femme à la flûte » et « La Jeune Femme au chapeau rouge » annoncent notamment « La Jeune Femme à la perle ».

Une autre façon de s’approcher au plus près consiste à réduire la distance par rapport à la figure comme Vermeer le fait dans « La Dentellière ». Nous approchons même de si près que nous pouvons voir les fils entre ses doigts.
Contrairement à la plupart des autres peintures de Vermeer, « La Jeune Femme à la flûte », « La Dentellière » et « La Jeune Femme au chapeau rouge » sont éclairées par la droite.

Séduction musicale

Dans cette série de tableaux, ces femmes dirigent leur regard vers nous, comme si elles avaient été dérangées pendant leur séance de musique. Cette dernière joue un grand rôle dans ces toiles ainsi que dans bien d’autres de Vermeer. Les femmes jouent de la guitare, du clavecin ou du virginal (un instrument à clavier). Et sur beaucoup de toiles, une viole de gambe (sorte de contrebasse ou de violoncelle) est dressée ou couchée à terre, comme dans « La Jeune femme assise au virginal ».

Dans ce tableau, le mur du fond est décoré d’une peinture existante de Dirck van Baburen sur laquelle on voit une prostituée sourire à un homme tandis qu’elle joue du luth. li lui tend une pièce. La peinture du fond ajoute une signification à la représentation de Vermeer. Il en va de même dans la peinture visible sur le mur du fond de « La Jeune femme debout au virginal », où réapparaît Cupidon, déjà présent sur « La Liseuse à la fenêtre ».

Regard vers l’intérieur

Outre des peintures où une seule figure est vue de près, Vermeer développe une nouvelle formule réunissant deux ou trois figures dans des scènes d’intérieur plus grandes.

Dans « La Lettre d’amour », il prend ses distances par rapport aux deux femmes qu’il observe – et nous à sa suite – depuis une pièce contiguë. Les compositions fermées de Vermeer font de nous des spectateurs secrets.

La maîtresse des lieux a interrompu sa séance de cistre (un petit luth) parce que sa servante est venue lui remettre une missive. La marine accrochée au mur le suggère qu’il pourrait s’agir d’une lettre d’amour. En effet, l’amour est souvent comparé à la mer et l’amoureux à un navire – l’une est calme ou fougueuse, l’autre solide ou menacé.

Messages du monde extérieur

Les lettres sont un sujet récurrent dans l’œuvre de Vermeer. Celui-ci réalise d’abord trois toiles montrant une seule figure occupée à lire ou à écrire, plus tard, trois autres, où la figure est accompagnée d’une servante. Vermeer peint toujours de jeunes femmes de la classe aisée qui entretiennent le contact avec le monde extérieur par l’entremise du courrier. Pour les amoureux, les lettres représentaient un moyen idéal de se faire la cour. Il existait même des manuels qui enseignaient les plus belles formules.
Encore vêtue de son élégante liseuse, « La Femme en bleu lisant une lettre » se remémore une personne absente en s’empreignant de ses paroles.
Les servantes pouvaient sans éveiller les soupçons remettre des lettres dans toute la ville, ce qui, pour les jeunes femmes elles-mêmes, était inconvenant.

Dans « La Maîtresse et la servante », une femme est surprise à sa table d’écriture par sa servante qui lui apporte un courrier. Le monde entre dans la pièce comme il le fait dans d’autres peintures par les fenêtres ou les portes.

Dans « Une dame écrivant », le regard de la jeune femme est dirigé en dehors du tableau. Tout comme la lettre, il relie intérieur et extérieur.
Vermeer montre ici une dame à la pointe de la mode. La fourrure d’hermine n’étant même pas portée par les riches bourgeois, il s’agit peut-être de fourrure de lapin sur laquelle on a peint des points.
Le coffret posé sur la table, dans lequel on pouvait conserver des bijoux, des lettres ou d’autres effets précieux, semble provenir de la région de Goa (Inde). Comme la carte géographique de la Femme en bleu lisant une lettre, il fait allusion au monde extérieur en tant que témoin tangible d’une lointaine contrée.

Visiteurs masculins

Ces peintures des environs de 1660 ont beaucoup en commun. De jeunes femmes vêtues à la mode jouent de la musique – ou viennent juste de s’interrompre – et boivent du vin. Avec leur beau manteau sur les épaules, les hommes ont l’air d’être arrivés peu auparavant. Nous voyons des partitions et un cistre, car l’amour est souvent associé avec le fait de chanter et de jouer de la musique ensemble.
Les lignes de perspective des tables, des chaises et des fenêtres placées à gauche créent une illusion spatiale convaincante. Vermeer place les figures au premier plan pour que nous puissions les approcher de près. Il crée ainsi un fort sentiment d’intimité entre la scène et le spectateur.

Dans « Le Verre de vin », l’homme porte un manteau en mohair, un précieux velours fait de laine de chèvre angora. Un manteau de ce type est également visible sur « La Leçon de musique interrompue ».
L’homme tient en main une cruche blanche qui constitue le cœur de la représentation. Sa manchette, également blanche, auréole délicatement l’objet.

Un regard sur le monde

« Le Géographe » est l’une des rares œuvres dans lesquelles Vermeer donne le rôle principal à un homme. Le globe terrestre du savant est posé sur l’armoire en compagnie de quelques livres. Un compas à la main, il étudie des cartes géographiques étalées sur sa table. Mais son regard se perd dans le lointain.
La lumière du soleil tombe directement sur les documents et le front du géographe, sans l’entremise d’un instrument scientifique. Vermeer met ainsi l’accent sur l’intérêt intellectuel pour le monde.

Réfléchir à la vanité et à la foi

Vers 1662-1664, Vermeer peint un petit ensemble d’œuvres dans lesquelles une femme seule est assise à une table garnie de différents objets. Elle est représentée pendant un moment figé et méditatif.
Dans « La Femme au collier de perles », elle est en train de se faire belle. À l’époque de Vermeer, cette coquetterie est jugée négativement, considérée comme « mondaine », vaine et centrée sur l’apparence.

Dans « La Femme à la balance », le modèle se tient debout devant une table où sont posés des bijoux précieux. La fine balance sert à estimer leur valeur. Au second plan, une peinture représente « Le Jugement dernier, » rappelant que l’âme aussi sera un jour pesée et jugée.

Dans son « Allégorie de la foi catholique », Vermeer utilise une série de symboles que le spectateur est invité à observer attentivement. La figure principale, la « foi », triomphe du matériel, du vain et de l’éphémère en posant le pied sur un globe terrestre. Elle regarde intensément une sphère de verre. En raison de son reflet, celle-ci peut, comme la foi, »contenir plus que ce qu’elle peut réellement contenir étant donné son format ». Vermeer utilise là une image propre aux jésuites, ordre religieux catholique notamment établi près de chez lui.

Un 28ème tableau

« La Jeune Femme à la perle » a été prêtée par le Mauritshuis (La Haye) du 10 février au 31 mars. À partir du 1er avril, il fallait se rendre dans la capitale des Pays-Bas pour pouvoir l’admirer.

« Les peintures de Vermeer laissent une impression indélébile. L’approche intimiste de son travail a pour effet d’arrêter le temps sur un monde qui attire et captive. » – Taco Dibbits, directeur en chef du Riiksmuseum

Sources

  • Textes : site Internet du Rijksmuseum et catalogue de l’exposition
  • Photos : @scribeaccroupi

Exposition Vermeer
10 février – 4 juin 2023
Rijksmuseum (Amsterdam)

 

[Entretien] Edmond Dziembowski pour « La main cachée »

« La main cachée. Une autre histoire de la Révolution française » d’Edmond Dziembowski (Éditions Perrin) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

Dès les premiers mois de 1789 ont surgi plusieurs explications alternatives des événements révolutionnaires. Pour certains témoins, les vraies causes de ce grand bouleversement politique sont à trouver ailleurs. Sur le banc des accusés figurent les philosophes, les protestants, les francs-maçons, les illuminés de Bavière ou encore l’Angleterre.
Le livre expose les multiples facettes de cette fièvre complotiste dont les principaux héros le duc d’Orléans, Jacques Necker, Adam Weishaupt, Voltaire et William Pitt. Il nous entraîne dans les tréfonds de l’imaginaire politique de l’Ancien Régime et des années révolutionnaires jusqu’à son inquiétant avatar du XXIe siècle.

Edmond Dziembowski a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Tout comme l’objet-guillotine qu’a magistralement analysé Daniel Arasse, ces histoires alternatives de la Révolution française dévoilent de larges pans de l’imaginaire d’une époque singulière qui a vu le train de la raison sortir de ses rails. C’est cet imaginaire que je me propose de scruter avec les yeux des contemporains qui, il y a plus de deux siècles, sombrèrent dans l’obsession de la main tapie sous la toile de l’événement. » – Extrait du livre d’Edmond Dziembowski

« La tâche de l’historien est d’éclairer le passé. Elle s’arrête à cet objectif. L’on aura beau montrer la fausseté de ces croyances, l’on aura beau dépeindre l’univers en folie dans lequel se mouvaient ces hallucinés de la main cachée, rien n’y fera. Le complotisme a une longue histoire derrière lui. Il a un riche avenir devant lui. »  – Extrait du livre d’Edmond Dziembowski

5 ouvrages finalistes pour l’édition 2023 du Prix

Le Prix Château de Versailles du livre d’histoire récompense l’auteur d’un ouvrage historique dont le sujet principal s’inscrit dans le cadre chronologique des XVIle et/ou XVIlle siècle(s), ou plus largement si celui-ci concerne l’histoire du château, du musée et du domaine national de Versailles.
L’auteur de ce Blog est membre du jury final de ce prestigieux Prix.

En savoir +

Sur le livre : en consultant le site Internet de l’éditeur.
Sur le Prix du livre d’histoire : en consultant le site Internet du château de Versailles.

Le nom du lauréat sera dévoilé début juin.

[Entretien] Laurence Fontaine pour « Vivre pauvre »

« Vivre pauvre, quelques enseignements tirés de l’Europe des Lumières » de Laurence Fontaine (Éditions Gallimard) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

Dans l’Europe d’Ancien Régime, la pauvreté est endémique. Elle est tout à la fois un risque conjoncturel (auquel on répond par la pluriactivité au travail, la migration saisonnière de métier…), un état structurel (auquel on espère échapper par les déménagements constants, le vagabondage, la mendicité…) et une exclusion (qui conduit à l’abandon des enfants ou à la prostitution).
En 1777, l’académie des sciences, arts et belles-lettres de Châlons-sur-Marne met au concours la question des « moyens de détruire la mendicité en rendant les mendiants utiles à l’État sans les rendre malheureux ». Les 125 mémoires envoyés constituent la meilleure introduction aux débats d’alors sur la pauvreté et se font écho aux questions qui agitent les élites. S’y esquissent nos questions d’aujourd’hui.

Laurence Fontaine a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Quand Voltaire écrit : « La misère attachée à notre espèce subordonne un homme à un autre homme; ce n’est pas l’inégalité qui est un malheur réel, c’est la dépendance », il dit combien les inégalités sont nourries de pouvoir. » – Extrait du livre de Laurence Fontaine

« La pauvreté est une souffrance, mais de cela il est rarement question aujourd’hui tant elle est d’abord affaire de chiffres, de catégorisation et de seuils mouvants au gré des fluctuations sociales : sont pauvres ceux qui vivent avec moins de 50 % du revenu médian disent l’OCDE et les États-Unis; la France a fixé le plancher à 60 % du revenu médian et même si ces chiffres sont réévalués chaque année pour tenir compte de l’inflation, ils jouent au yo-yo avec les transformations sociales : que le salaire médian augmente parce que les plus riches le sont plus encore et le nombre de « pauvres » grandit, qu’il diminue parce que les classes moyennes se sont appauvries, et le nombre de pauvres se réduit d’autant plus vite que les classes moyennes perdent en sécurité financière. » – Extrait du livre de Laurence Fontaine

5 ouvrages finalistes pour l’édition 2023 du Prix

Le Prix Château de Versailles du livre d’histoire récompense l’auteur d’un ouvrage historique dont le sujet principal s’inscrit dans le cadre chronologique des XVIle et/ou XVIlle siècle(s), ou plus largement si celui-ci concerne l’histoire du château, du musée et du domaine national de Versailles.
L’auteur de ce Blog est membre du jury final de ce prestigieux Prix.

En savoir +

Sur le livre : en consultant le site Internet de l’éditeur.
Sur le Prix du livre d’histoire : en consultant le site Internet du château de Versailles.

Le nom du lauréat sera dévoilé début juin.

[Entretien] L’abbé Grégoire par Françoise Hildesheimer

« L’abbé Grégoire. Une « tête de fer » en révolution » de Françoise Hildesheimer (Nouveau Monde Éditions) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2023 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

Parmi ces « foutus curés qui ont fait la Révolution », l’abbé Grégoire se révèle comme l’une des personnalités les plus originales de cette période qu’il traversera sans jamais renoncer à sa foi et à son rêve de bonheur pour l’humanité. Reconnu par la République comme un Juste, l’abbé Grégoire a retrouvé les feux de l’actualité en 1989 avec l’entrée de ses cendres au Panthéon.

Françoise Hildesheimer a accepté de répondre aux questions du Scribe.

« Arche de la fraternité, Prophète de la République, Évêque des Lumières, Evêque révolutionnaire, Évêque et démocrate…, Henri Grégoire, universellement connu sous le nom d’abbé Grégoire et surnommé « Tête de fer » par Napoléon, a été l’un des personnages les plus clivants de la Révolution, tant pour ses contemporains, qui voient en lui soit un ange, soit un démon, que pour ses historiens comme pris en otage par celui qu’ils encensent ou rejettent avec la même ardeur. » – Extrait du livre de Françoise Hildesheimer

« Henri Grégoire fut jusqu’au bout l’ « abbé Grégoire » et demeura en permanence habité par ce qui était sans doute, pour cet homme sociable, la transmutation de sa solitude sociale en un rêve généreux et abstrait de bonheur; non pas le sien, il en a fait le sacrifice pour promouvoir celui de l’humanité, qui passe par la liberté mais aussi, selon lui, par la religion chrétienne. » – Extrait du livre de Françoise Hildesheimer

5 ouvrages finalistes pour l’édition 2023 du Prix

Le Prix Château de Versailles du livre d’histoire récompense l’auteur d’un ouvrage historique dont le sujet principal s’inscrit dans le cadre chronologique des XVIle et/ou XVIlle siècle(s), ou plus largement si celui-ci concerne l’histoire du château, du musée et du domaine national de Versailles.
L’auteur de ce Blog est membre du jury final de ce prestigieux Prix.

En savoir +

Sur le livre : en consultant le site Internet de l’éditeur.
Sur le Prix du livre d’histoire : en consultant le site Internet du château de Versailles.

Le nom du lauréat sera dévoilé début juin.

[Visite privée] Exposition « La Haine des Clans » au musée de l’Armée

Exposition « La Haine des clans. Guerres de Religion, 1559-1610 »
5 avril 2023 – 30 juillet 2023
Musée de l’Armée – Hôtel national des Invalides (Paris)

Au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, l’histoire de France est marquée par des querelles religieuses, des troubles civils et une profonde remise en cause du pouvoir royal. Quarante ans et huit guerres de Religion vont embraser le royaume en une succession de répressions et de massacres.
Le parcours de l’exposition permet de retracer les événements dramatiques qui ont conduit à la guerre civile au sein du royaume de France, depuis la mort accidentelle d’Henri II, en 1559, jusqu’à l’assassinat d’Henri IV, en 1610.

Les quatre commissaires d’exposition du musée de l’Armée, Laëtitia Desserrières, Christine Duvauchelle, Olivier Renaudeau et Morgane Varin vous proposent de parcourir cette page sombre de la Renaissance française.

Armure « aux croix de Bourgogne » (1551) par Wolfgang Grosschedel (vers 1517-1562), portée par Philippe II d’Espagne (1527-1598) – Patrimonio nacional, Real Armeria (Madrid)
Médaillon de Catherine de Médicis (1519-1589) par Guillaume Dupré (vers 1576-1643) – Musée du Louvre
Exposition « La Haine des clans. Guerres de Religion, 1559-1610 » – Musée de l’Armée

L’un après l’autre sont convoqués tous les grands acteurs de l’époque, dont les armures sont conservées dans les collections du musée de l’Armée. De la Ligue « ultra »-catholique menée par les Guise au clan protestant conduit par les Condé, en passant par le parti plus modéré des Montmorency, les rivalités aristocratiques et politiques se mêlent aux conflits religieux.

« Portrait de Gaspard de Coligny, seigneur de Châtillon, amiral de France, XVIe siècle » par un artiste anonyme – Société de l’histoire du protestantisme français (Paris)
« Portrait de François de Lorraine, duc de Guise (1519-1563) » (1557) par Léonard Limosin (vers 1505-1575/77) – Musée du Louvre
« Portrait du cardinal Charles de Lorraine (1524- 1574) » (1572) par Le Greco – Kunsthau (Zürich)
« La Bataille de Saint-Denis, 10 novembre 1567 » (fin XVIe siècle) – Musée national de la Renaissance (Écouen)

Pièces d’équipements guerriers, portraits, documents d’archives et ouvrages anciens font revivre les destins et les cheminements individuels des grands courtisans, chefs de guerre et chefs de parti, qui ont tour à tour soutenu ou combattu le pouvoir monarchique.

Détail du « Massacre de la Saint-Barthélemy la nuit du 23 au 24 août » – Bibliothèque nationale de France
« Le Sac de la ville de Lyon par les calvinistes en 1562 » (vers 1565) par un artiste anonyme – Musée d’histoire de Lyon-Gadagne
« L’Exécution d’Amboise » (1585) par Frans Hogenberg (1539-1590) – Musée national du château de Pau

L’exposition évoque aussi l’écho international rencontré par ces guerres de Religion, de la Pologne aux Pays-Bas et jusqu’aux éphémères colonies du Nouveau Monde.

Armet d’Henri, roi de Pologne (vers 1570) – Musée de l’Armée (Paris)

L’époque est aussi marquée par une intense production d’images, de pamphlets, de placards qui en fait le premier conflit médiatique de l’Histoire. L’exposition offre ainsi l’occasion de s’interroger sur la place de l’image et de la rhétorique dans les conflits, sur la marche de notre société en temps de guerre civile, sur les enjeux et les limites de l’action politique, ainsi que sur la longue maturation de l’État.

Exposition « La Haine des clans. Guerres de Religion, 1559-1610 » – Musée de l’Armée
Au second plan : « Portrait d’Henri IV en pied » par un artiste de la fin du XVII°-début XVIII° siècle – Collection particulière (Danemark)

Commissariat de l’exposition

Laëtitia Desserrières, chargée de la collection de dessins, département beaux-arts et patrimoine du musée de l’Armée-Invalides
Christine Duvauchelle, chargée des collections d’archéologie et du Moyen- Orient, département Ancien Régime du musée de l’Armée-Invalides
Olivier Renaudeau, conservateur en chef du patrimoine, chef du département Ancien Régime du musée de l’Armée-Invalides
Morgane Varin, assistante, département Ancien Régime du musée de l’Armée-Invalides

Exposition « La Haine des clans. Guerres de Religion, 1559-1610 » – Musée de l’Armée

En savoir +

Consultez la page spéciale dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée

« Portrait de Jacques Clément (1567-1589), assassin d’Henri III » par un artiste du XVIe siècle – Musée du Louvre

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Exposition « La Haine des clans. Guerres de Religion, 1559-1610 » – Musée de l’Armée

Exposition « La Haine des clans. Guerres de Religion, 1559-1610 »
5 avril 2023 – 30 juillet 2023
Musée de l’Armée – Hôtel national des Invalides
129, rue de Grenelle
75007 Paris

[Visite privée] Exposition « Des cheveux et des poils » au musée des Arts décoratifs

Exposition « Des cheveux et des poils »
5 avril – 17 septembre 2023
Musée des Arts décoratifs (Paris)

À travers plus de 600 œuvres du XVe siècle à nos jours et en cinq thématiques, l’exposition interroge ce qui fait du poil un attribut de l’animal et de la sauvagerie et explique pourquoi l’homme et la femme ont constamment cherché à dompter le poil.
Après « La mécanique des dessous » (2013), « Tenue correcte exigée ! » (2017) et « Marche et démarche » (2019), l’exposition « Des cheveux et des poils » montre comment la coiffure et l’agencement des poils humains participent depuis des siècles à la construction des apparences.

Pour cette visite de l’exposition, vous êtes accompagnés par Denis Bruna, conservateur en chef au département Mode et Textile, collections antérieures à 1800, au musée des Arts décoratifs.

« Saint Paul » – Copie du XIXe siède d’après Georges de la Tour (1593-1652) – Musée Toulouse-Lautrec (Albi)

« L’idée apparaissait même comme un défi : faire une exposition de mode – et un livre qui l’accompagne et la prolonge – sans pour autant présenter de vêtements et montrer que le corps lui-même, notamment par les cheveux et les poils qu’il produit, participe pleinement à la construction d’une apparence, d’une silhouette, d’une identité. » – Denis Bruna

Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence (1770-1800) – Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

La première partie de l’exposition s’ouvre sur l’étude de l’évolution de la coiffure féminine, véritable indicateur social et marqueur d’identité. Au Moyen Âge, obéissant au commandement de saint Paul, le port du voile s’impose aux femmes jusqu’au XVe siècle.

« Portrait de Marguerite d’York(1116-1503) » (vers 1168) attribué à Jean Beugier dit aussi Le Maître des Portraits princiers – Musée du Louvre
Tête d’une vierge folle (vers 1230) – Musée du Louvre

Peu à peu, les femmes abandonnent le voile au profit de coiffures extravagantes sans cesse renouvelées.

Exposition « Des cheveux et des poils » – Musée des Arts décoratifs
« Portrait de Madame Achille Flaubert » (1839) par Joseph-Désiré Court (1797-1865) – Musée des Beaux-Arts de Rouen
À gauche : « La Réverie. Tête tournée à gauche (1903) par Jacques Etienne-Fleury Concaret (1876-1941) – Beaux-Arts de Paris
« Portrait de Jeanne Begouen, née Mahieu » (vers 1775) par Alexandre Roslin (1718-1793) – Maison de l’Armateur (Le Havre)

Du côté des hommes, après les visages glabres du Moyen Âge, un tournant s’opère vers 1520 avec l’apparition de la barbe symbole de courage et de force.

« Portrait d’un jeune homme de la famille Chigi » par Jacob Ferdinand Voet (1639-1689) – Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle (Alençon)

Au début du XVIe siècle, les trois grands monarques d’Occident – François Ier, Henry VIII et Charles Quint – portent la barbe dès lors associée à l’esprit viril et guerrier.

Dès les années 1630 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le visage imberbe et la perruque font l’homme de cour.

« Portrait d’un homme » (vers 1670-1680) par Jacob Ferdinand Voet (1639-1689) – Collection Jean-Louis Remilleux
« Portrait de Jean Rigaud » (1899) par Paul François Quinsac (1858-1929) – Musée des Beaux-Arts de Bordeaux
Statuette géant ou Poséidon Jameson (3° quart du Il° siècle av. J. C.) – Musée du Louvre
« Fernand Forgues, capitaine de l’Aviron bayonnais » (1912) par Eugène Pascau – Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne
Statuette Aphrodite anadyomène (première moitié du Ier siècle ap. J.-C.) – Musée du Louvre
Scène d’épilation (entre 190 et 480 av. J. C.) attribuée à Apollodoros – Parco archeologico di Cerveteri e Tarquinia

Se coiffer est un acte intime, une dame bien née ne pouvait se montrer en public les cheveux défaits. Un tableau de Franz-Xaver Winterhalter, daté de 1864, représentant l’impératrice Sissi en robe de chambre et les cheveux dénoués, était strictement réservé au cabinet privé de François-Joseph.

« L’impératrice Elisabeth d’Autriche, dite Sissi, aux cheveux défaits » (1933) par Eberhard Riegele (1889-1960) d’après Franz Xaver Winterhalter (1805-1873) – Fürst Thurn und Taxis (Ratisbonne)

Louis XIV devenu chauve très jeune adopte la perruque dite de « cheveux vifs » qu’il impose à la cour.

« Portrait de Louis XIV, roi de France » (vers 1662) attribué à Charles Le Brun (1619-1690) – Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
« Vierge à l’Enfant », panneau central de retable (vers 1490) par le Maitre de Perea (actif de 1490 à 1510) – Musée des Arts décoratifs (Paris)
Exposition « Des cheveux et des poils » – Musée des Arts décoratifs
Buste de coiffeur (vers 1925-1930) – Collection particulière

L’exposition dévoile les différents métiers du poil : barbiers, barbiers-chirurgiens, étuvistes, perruquiers, coiffeurs de dames, etc., à travers des documents d’archives et une foule de petits objets : enseignes, outils, produits divers et les étonnantes machines à permanentes et les séchoirs des années 1920.

Coiffures pour Christian Dior Fourrures – Collections Haute couture 1977-1979 par Alexandre de Paris (1922-2008) – Musée des Arts décoratifs (Paris)

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Exposition « Des cheveux et des poils » – Musée des Arts décoratifs

Porter les cheveux d’un autre, connu ou inconnu, revêt une dimension inquiétante, et cette superstition semble bien ancrée. Malgré ces appréhensions, quelques créateurs choisissent de transcender cette matière si familière en objet de mode.

Exposition « Des cheveux et des poils » – Musée des Arts décoratifs

Commissariat de l’exposition

Denis Bruna, Conservateur en chef – collections mode et textile antérieures à 1800 au musée des Arts décoratifs

Exposition « Des cheveux et des poils » – Musée des Arts décoratifs

En savoir +

Toutes les informations sur l’exposition à retrouver sur le site Internet du musée.

« Samson et Dalila » (1821) par Joseph Désiré Court (1797-1865) – Beaux-Arts de Paris

Exposition « Des cheveux et des poils »
5 avril – 17 septembre 2023
Musée des Arts décoratifs
107 Rue de Rivoli
75001 Paris

Exposition « Des cheveux et des poils » – Musée des Arts décoratifs

[Visite privée] Exposition « Manet / Degas » au musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay

L’exposition présente près de 200 œuvres dont 92 peintures et 55 arts graphiques (pastels, dessins, estampes, gravures, monotypes), ainsi que des lettres et carnets d’Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917). Elle montre ce que la modernité picturale eut d’hétérogène, de conflictuel, et révèle la valeur de la collection de Degas où Manet prit une place plus grande après son décès.
Grâce à des prêts exceptionnels et un parcours mettant en avant des rapprochements pertinents, cette exposition est un magnifique cadeau du musée d’Orsay.

Pour cette visite privée captivante, vous êtes accompagnés par Isolde Pludermacher, conservatrice générale Peinture au musée d’Orsay.

« Portrait de l’artiste » (1855) par Edgar Degas {1834-1917) – Musée d’Orsay
Détail de « Autoportrait à la palette » (vers 1878-1879) par Édouard Manet (1832-1883) – Collection particulière

Comme le souligne Isolde Pludermacher dans le catalogue de l’exposition, c’est dans des lettres que les deux artistes adressent à d’autres destinataires que l’on trouve les indices les plus éclairants sur la nature de leurs rapports, fruit d’un singulier mélange d’admiration et d’irritation. Ainsi Manet peut-il qualifier Degas de « grand esthéticien » et de « serin » dans la même lettre, agacé de son refus de l’accompagner à Londres pour y trouver « un débouché pour [leurs] produits ». Déclinant à son tour l’invitation de Degas à participer à la première exposition impressionniste, Manet s’attire les foudres de ce dernier, qui écrit à son propos : « Je le crois décidément beaucoup plus vaniteux qu’intelligent. »

« Portrait de M. et Mme Mlanet » (1860) par Édouard Manet (1832-1883) – Musée d’Orsay
« Monsieur et madame Édouard Manet » (vers 1868-1869) par Edgar Degas – Kitakyushu Municipal Museum of Art

C’est en peinture que Degas parvient le mieux à saisir Manet dans une attitude qui lui était « étrangement habituelle » comme on le voit sur le tableau ci-dessus : vautré dans un canapé, jambe droite repliée, une main dans la poche et l’autre retenant son visage pensif. La justesse de la posture semble si frappante que Moore déclarera, après la mort de Manet, que ce portrait donnait l’impression d’être en présence du fantôme de l’artiste.

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay
« Le Christ aux anges » (1864) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Courses à Longchamp » (1866) par Édouard Manet (1832-1883) – The Art Institute of Chicago
« Scène de steeple-chase » dit aussi « Aux courses, le jockey blessé » (1866, retravaillé en 1880-1881 et 1897) par Edgar Degas – National Gallery of Art (Washington)
Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay
Détail de « Repasseuses » (1884-1886) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Au centre : « Olympia (d’après Manet) » (1891) par Paul Gauguin – Collection particulière

De l’ambivalence de la relation de Manet et Degas ont pu naître d’étranges assertions, à l’instar de ces lignes parues à la mort de Degas : « Degas avait une grande amitié pour Manet; c’est ainsi qu’il racheta à sa veuve les études d’atelier de Manet et les brûla pour qu’elles ne fissent aucun tort à sa mémoire. »

« Le Jambon » (vers 1875-1880) par Édouard Manet(1832-1883) – Glasgow Museums

Commissariat de l’exposition

Commissaire générale
Laurence des Cars, présidente – directrice du musée du Louvre

Commissaires à Paris
Isolde Pludermacher, conservatrice générale peinture au musée d’Orsay
Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès du président des musées d’Orsay et de l’Orangerie

Commissaires à New-York
Stephan Wolohojian, conservateur John Pope-Hennessy en charge du département des peintures européennes, The Metropolitan Museum of Art, New York
Ashley E. Dunn, conservatrice associée, département des dessins et estampes, The Metropolitan Museum of Art, New York

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay

En savoir +

Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée d’Orsay.

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing
75007 Paris

« L’Exécution de Maximilien » (1867-1868) par Édouard Manet – National Gallery (Londres)

[Visite privée] Exposition Antoine Caron au château d’Écouen

Exposition « Antoine Caron (1521-1599). Le théâtre de l’Histoire »
5 avril – 3 juillet 2023
Musée national de la Renaissance – Château d’Écouen

Réunissant plus de 80 œuvres au cœur du château d’Écouen, l’exposition interroge la place d’Antoine Caron, artiste indissociable de la Renaissance française comme inventeur, fournisseur de modèles et dont l’influence se perpétue bien au-delà de sa mort.
Bien qu’il ait travaillé pour cinq monarques, de François Ier à Henri IV, et pour la reine mère Catherine de Médicis, sa carrière n’a pas fait l’objet d’une exposition à la hauteur de sa réputation d’alors.
Le château d’Écouen propose la réunion exceptionnelle – pour la première fois en France depuis le XVIe siècle – des huit tapisseries de La Tenture des Valois commandée par Catherine de Médicis, un prêt consenti par les Galeries des Offices de Florence.

Cette visite privée de 50 minutes vous est proposée par Matteo Gianeselli, conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance et commissaire de l’exposition.

Détail de « La Mort de la femme de Sestos » par un suiveur d’Antoine Caron dans les années 1580-1590 – Musée national de la Renaissance
« La Mort de la femme de Sestos » par un suiveur d’Antoine Caron dans les années 1580-1590 – Musée-château de Saumur
« Ulysse affrontant les sirènes et franchissant le détroit de Charybde et Scylla » (1569) par Ruggiero de’ Ruggieri d’après Primatice – Collection particulière
« Flore et trois enfants » (vers 1565-1571 ?) par Niccolò dell’Abate – Musée des Arts décoratifs (Paris)

Dans les années 1540, Antoine Caron se forme sur les chantiers du château de Fontainebleau. Il collabore notamment aux grotesques de la galerie d’Ulysse conçue par Primatice. Il s’imprègne de ses aînés mais c’est en particulier de Niccolò dell’Abate qu’il semble le plus proche.

« Le Nil accompagné de trois enfants et de deux sphinx » (vers 1547) par Primatice – Beaux-Arts de Paris
« Le couronnement d’Esther » par Denis de Mathonière d’après Antoine Caron – Bibliothèque nationale de France
« La Remise du livre et de l’épée » par un suiveur d’Antoine Caron Beauvais – Musée départemental de l’Oise

Antoine Caron collabore avec de nombreux confrères, à qui il fournit des modèles destinés à être transcrits dans des techniques diverses. La séquence autour de « La Remise du livre et de l’épée » (image ci-dessus) témoigne de la variété des supports de cette diffusion sur une période de plus de quarante ans.

« Portrait de Catherine de Médicis, reine de France » (vers 1588 ?) par Thomas de Leu – Bibliothèque nationale de France
« Le Tournoi de Bayonne » – Manufacture de Bruxelles d’après Antoine Caron – Gallerie degli Uffizi (Florence)
Détail de « L’Assaut d’un bastion en forme d’éléphant » – Manufacture de Bruxelles d’après Antoine Caron – Gallerie degli Uffizi (Florence)

La Tenture des Valois a vraisemblablement été commandée par Catherine de Médicis. Les huit tapisseries n’ont pas été revues ensemble depuis leur arrivée à Florence en 1589. Leur présentation à Écouen est donc tout à fait exceptionnelle. On associe les compositions à plusieurs dessins de Caron réalisés vers 1573-1574, sous Charles IX.

« Portrait de Marguerite de France, reine de Navarre » (vers 1570) par Jean Decourt – Bibliothèque nationale de France

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

« La Bataille d’Ivry et la reddition de Mantes » (1597-1601) par Mathieu Jacquet d’après Antoine Caron – Musée du Louvre

Comme ses contemporains, Caron cherche à rivaliser avec l’art des Anciens, notamment en ressuscitant une des grandes typologies de l’Antiquité, le monument équestre.

« La Résurrection du fils de Naïm » (avant 1599) par Antoine Caron – Collection particulière

La présentation inédite de l’ultime chef-d’œuvre du peintre (image ci-dessus) permet aussi de comprendre l’apport de Caron pour les générations suivantes. Le ballet chorégraphié des figures, au sein d’une nature majestueuse, appelle les développements ultérieurs de la grande peinture d’histoire française qui, au siècle suivant, se souviendra de cette leçon.

Antoine Caron, Saint Denys l’Aréopagite convertissant les philosophes païens, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum

Commissariat de l’exposition

Matteo Gianeselli, conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance – château d’Écouen

« Auguste et la sibylle de Tibur » (vers 1573) par Antoine Caron – Musée du Louvre

En savoir +

Consultez la page spéciale sur le site Internet du musée.

Portrait d’Antoine Caron François Quesnel Paris, Bibliothèque nationale de France

Exposition « Antoine Caron (1521-1599). Le théâtre de l’Histoire »
5 avril – 3 juillet 2023
Musée national de la Renaissance – Château d’Écouen
Rue Jean Bullant
95440 Écouen

Coulisses du tournage – Château d’Écouen

[Visite privée] Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » au Louvre-Lens

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature »
29 mars – 24 juillet 2023
Musée du Louvre-Lens

Depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, par la peinture, les artistes rejouent à leur manière les mythes de la Création, en représentant ciel, terre, mer, lumière et ténèbres. L’exposition explore différents types de paysages et de points de vue sur la nature, présentant aussi bien des œuvres célèbres que moins connues et plus inattendues.
Un enchantement !

Pour visiter l’exposition, vous êtes accompagnés par Marie Gord, chargée de recherches et de documentation au Louvre-Lens, et par l’artiste et scénographe Laurent Pernot.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens
Au centre : « Paysage avec ruines antiques » (vers 1645-1646) par Pierre Patel Chauny – Musée du Louvre

Le paysage a longtemps joué un rôle secondaire dans la représentation. Dans la peinture d’histoire, il tient lieu de décor et sert dans un premier temps à donner de la profondeur à l’espace représenté. Souvent qualifié d’ornement au XVe siècle, le paysage apparaît en arrière-plan, derrière l’Homme. C’est au début du XVIe siècle que le paysage va progressivement s’imposer comme genre à part entière.

Figurine-plaquette hommes-taureaux tenant un tronc de palmier surmonté d’un soleil (entre 2004-1763 et 1894-1595 avant J.-C.) – Musée du Louvre

Cependant, le concept de paysage est bien antérieur. Les premières cosmogonies donnent une explication sur l’origine des mondes dont le Créateur a l’apparence humaine ou anthropomorphe. Ecrites ou représentées sur argile, papyrus, bois ou toile tendue, elles racontent les différentes étapes de la Création du monde en commençant par la naissance du ciel, de l’eau, de l’arbre, de la végétation et des rochers, acteurs déterminants de la naissance de la vie sur terre.

Détail du papyrus mythologique de Imenemsaouf (1069-945 av. J.-C.) – Musée du Louvre

On retrouve très tôt dans la civilisation égyptienne une cosmogonie procédant de la division d’une matière primordiale évoquant les amours passionnés de la déesse du ciel (Noût) et le dieu de la terre (Geb), les « Parents du monde ».

2ème œuvre à partir de la gauche : « Étude d’arbres (titre forgé) » (1764-1776) par Giovanni-Battista Piranesi – École nationale supérieure des beaux-arts (Paris)
« Les Collines d’Inaba » – Estampe de la série « Lieux célèbres des soixante et autres provinces » par Utagawa Hiroshige (1797-1858) – Musée national des arts asiatiques – Guimet (Paris)
« Arbre brisé au Kerket, près de Meyringen » (vers 1838-1839) par Alexandre Calame (1810-1864) – Musée du Louvre
« Vue du canal de Santa Chiara, à Venise » (vers 1730) par Giovanni Canal dit Canaletto – Musée Cognacq-Jay (Paris)
Bouclier d’apparat dit « des Ribeaupierre » (1580-1590) par Hans Steiner,  – Musée Unterlinden (Colmar)

La forme circulaire de ce bouclier décoratif permet la représentation cyclique du temps. Organisées autour du motif central du soleil, chaque saison est illustrée par un type de chasse propre à la période. Activité aristocratique, la chasse se veut ici l’évocation de la maîtrise de l’homme sur la nature tout au long de l’année. Hans Steiner s’inspire très vraisemblablement de modèles littéraires prestigieux, les descriptions du bouclier d’Achille par Homère et d’Énée par Virgile, qui déroulent tous deux une évocation précise des paysages et des activités humaines.

« Les rochers de Belle-Ile, la Côte sauvage » (1886) par Claude Monet – Musée d’Orsay

C’est au XVIIIe siècle que la pratique picturale hors de l’atelier connaît son essor grâce à l’évolution du matériel. L’invention du tube de couleur en 1841 favorise cette pratique de peinture réalisée en plein air, « sur le motif ».

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens
« La baie d’Along (Tonkin), le cimetière des transports français Gironde et Nièvre » (1885) par Gaston Roullet – Musée de l’Armée (Paris)

Gaston Roullet (1847-1925) est un des premiers artistes européens à s’être rendu en Indochine, en tant que peintre du Département de la Marine. Au bleu du ciel et de la mer ainsi qu’aux masses sombres des rochers qui émergent s’oppose la blancheur de la plage. Sur cette dernière, les croix signalant les tombes de soldats français paraissent bien frêles, abandonnées à une nature inhospitalière.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens
Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens

Une mutation s’effectue au début du 20e siècle. Un moment de bascule s’opère entre le paysage tel que l’artiste le voit, le comprend, le transforme vers une autre forme traduisant ses états d’âme dans lesquels il donne à voir les espaces paradoxaux de son paysage intérieur.

Commissariat de l’exposition

Vincent Pomarède, conservateur général du patrimoine au musée du Louvre
Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens
Marie Gord, chargée de recherches et de documentation au musée du Louvre-Lens

« Fabriques à la villa Farnèse : les deux peupliers » (entre 1780 et 1800) par Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819)  – Musée du Louvre

En savoir +

Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature »
29 mars – 24 juillet 2023
Musée du Louvre-Lens
99 Rue Paul Bert
62300 Lens

Paysage du Musée du Louvre-Lens

[Visite privée] « Ramsès et l’or des Pharaons » à La Grande Halle de la Villette

Exposition « Ramsès et l’or des Pharaons »
7 avril – 6 septembre 2023
Grande Halle de la Villette

Après l’exposition de 2019 consacrée à Toutânkhamon, la Grande Halle de la Villette propose une plongée au cœur du royaume de Ramsès, l’un des plus grands bâtisseurs de l’Égypte ancienne. Bijoux en or, masques royaux, mobilier des tombes de Tanis et – en exclusivité pour l’étape parisienne de l’exposition – le cercueil de Ramses II, une œuvre inestimable qui fait son retour, près de 45 ans après l’exposition de 1976 au Grand Palais.
Ramsès II est le sujet central de l’exposition, avec près de 160 objets témoignant de l’Égypte ramesside mais aussi de l’empire et de ses relations avec l’empire concurrent, celui des Hittites.

Visitez l’exposition avec Dominique Farout, égyptologue et commissaire de l’exposition.

Sarcophage en cèdre de Ramsès II – Nouvel Empire, 19º dynastie – Musée égyptien

« Ramsès II est depuis longtemps l’archétype du pharaon, le grand guerrier, le grand conquérant toujours victorieux. Sa réputation est le résultat des efforts d’un service de propagande particulièrement efficace de son vivant. » – Dominique Farout

L’exposition rayonne autour du règne de Ramsès II et retrace sa vie, sa famille, ses sujets, ses contemporains, ses guerres ou encore ses monuments. Il a eu plusieurs grandes épouses royales dont Néfertari – célèbre pour sa tombe dans la Vallée des Reines et Isetnofret. Avec ses nombreuses épouses, on lui comptabilise une cinquantaine de fils et une soixantaine de filles dont certains eurent une importance cruciale lors du règne.

Partie supérieure d’une statue en granodiorite de Mérenptah – Nouvel Empire, 19º dynastie – Musée égyptien
Ramsès Il massacrant ses ennemis – Nouvel Empire, 19° dynastie – Musée égyptien

Le long règne de Ramsès II lui permit de se faire représenter un nombre incalculable de fois sur tout type de support, et il n’hésita pas à usurper certaines images de rois antérieurs, comme celles d’Aménophis III.

Amulette d’Isis sur la coiffe de Hathor – Troisième période intermédiaire, 21° dynastie – Musée égyptien

Photographies par @scribeaccroupi.

Statue de Ramsès II en sphinx faisant offrande d’une vasque à tête de bélier – Nouvel Empire, 19° dynastie – Musée égyptien

Ramsès mourut nonagénaire. Il fut enterré dans la tombe qui fut creusée pour lui dans la Vallée des Rois : la KV7, longue de 168 mètres et d’une surface de 868 m2. Si cette sépulture fut pillée et abîmée par des inondations, une partie de son trésor fut sauvée comme l’atteste la présence d’objets portant son nom et qui furent réutilisés par ses successeurs.

Tête d’une statue colossale de Ramsès II – Nouvel Empire, XIXe dynastie

Cette tête colossale en granit rose fut découverte en 1888 à Memphis, dans le temple de Ptah, un dieu créateur et patron des orfèvres particulièrement important sous le règne de Ramsès II. Elle porte la couronne blanche qui symbolise la Haute-Égypte, ainsi qu’une barbe postiche droite et lisse assez imposante. Il s’agirait ici d’un réemploi : le souverain aurait réutilisé une image royale plus ancienne pour la retailler à son image. On retrouve en effet les caractéristiques du visage de Ramsès : yeux remontant légèrement sur les tempes, pointe lacrymale incurvée vers le bas, nez busqué et un léger sourire.
C’est la première fois que cette œuvre est présentée en dehors de l’Égypte.

Partie supérieure d’une statue de Ramsès II – Louxor – Nouvel Empire, XIXe dynastie

Ce buste en granodiorite de Ramsès II fut découvert dans le temple d’Amon à Tanis, capitale construite avec les pierres de Pi-Ramsès. Elle appartenait à une statue du roi assise sur un trône, à l’image de celle conservée au musée égyptien de Turin. La finesse des détails et le rendu du corps sous le lin fin du vêtement sont caractéristiques des premières œuvres du règne, encore empreintes du style de Séthi Ier. Ramsès tient contre lui le sceptre héqa (en forme de crochet) et porte un bandeau orné de l’uraeus, un collier large (ousekh) ainsi qu’un bracelet orné d’un œil oudjat.

Partie supérieure d’un colosse de Ramsès II en calcaire – Nouvel Empire, XIXe dynastie – Musée de Charm el-cheikh

Ce colosse en calcaire montre Ramsès II debout et tenant dans ses mains le mékès, un cylindre servant de boîte pour les papyrus. Coiffé du némès (une coiffe rayée uniquement portée par le roi), arborant la barbe postiche, il porte également un poignard glissé dans la ceinture de son pagne plissé. Cette statue immortalise l’image du pharaon par excellence : Ramsès II.
C’est aussi la première fois que cette œuvre est présentée en dehors de l’Égypte.

Couvercle du sarcophage de Mérenptah réutilisé pour celui de Psousennès I – Nouvel Empire, 19º dynastie – Musée égyptien

En savoir +

Consultez le site Internet dédié à l’exposition.

Cercueil externe de Sennedjem, et son couvercle, sur un traîneau en bois – Nouvel Empire, XIXe dynastie

Exposition « Ramsès et l’or des Pharaons »
7 avril – 6 septembre 2023
Grande Halle de la Villette
211 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris

Statue de la reine Tuya – Nouvel Empire, 19º dynastie, resculptée à partir d’une figure d’une reine du Moyen Empire – Musée égyptien

[Visite privée] Exposition Jean Bardin au musée des Beaux-Arts d’Orléans

Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »
3 décembre 2022 – 30 avril 2023
Musée des Beaux-Arts d’Orléans

L’exposition réunit des tableaux récemment restaurés, provenant de cathédrales et églises françaises, ainsi que des œuvres prêtées par de grands musées et collections particulières.
Elle met à l’honneur un artiste aujourd’hui oublié, Jean Bardin, célèbre dans l’Europe du XVIIIe siècle pour ses dessins monumentaux qui rivalisent alors de notoriété avec ses peintures religieuses.
À l’occasion de l’exposition, le cycle monumental des « Sept sacrements », réalisé pour la chartreuse de Valbonne et aujourd’hui conservée à la chartreuse d’Aula Dei à Saragosse, est exposé en France pour la première fois.

Pour cette visite privée exceptionnelle, vous êtes accompagnés par Mehdi Korchane, responsable de la conservation des arts graphiques des musées d’Orléans.

Détail de l’Autoportrait (1773) de Jean Bardin – Collection particulière
« L’Éducation de la Vierge » (1768) par Jean Bardin – Cathédrale Sainte-Marie de Bayonne
Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »

L’église de la chartreuse de Valbonne (Gard) vient d’être achevée lorsque Jean Bardin reçoit la commande d’un cycle monumental des sept Sacrements. Destinées à agrémenter le haut des murs de la nef ainsi que le parement au-dessus de l’entrée, ces sept toiles de cinq mètres de large chacune restent le testament du peintre, qui y passa plus de dix ans, de 1780 à 1790.

« L’Eucharistie » (1783) par Jean Barclit (1732-1809) – Chartreuse d’Aula Dei

Le cycle, qui a connu par la suite les vicissitudes de l’histoire, est aujourd’hui montré presque pour la première fois. En 1793, le mobilier de l’église échappe à la vente mais les Chartreux ne pourront racheter Valbonne qu’en 1836 et ne récupèrent les tableaux de Bardin, placés entre temps dans le déambulatoire de la cathédrale de Nîmes, qu’entre 1875 et 1888. La loi du 1er juillet 1901 les oblige à quitter la France. Ils achètent et restaurent la chartreuse d’Aula Dei, à Saragosse, pour les communautés de Valbonne et de Vauclaire et y installent le 30 juillet 1905 les toiles dans le réfectoire.

« L’Extrême-Onction » (1785) par Jean Barclit (1732-1809) – Chartreuse d’Aula Dei

Depuis 2012, la chartreuse d’Aula Dei est occupée par la Communauté du Chemin neuf, qui a permis que ces sept tableaux monumentaux reviennent en France pour être vus du public.

Détail de « L’Ordination » (1786) par Jean Barclit (1732-1809) – Chartreuse d’Aula Dei
« L’espoir de la Gloire élève le Génie » – Empreinte du sceau de l’École académique et gratuite de peinture, sculpture, architecture, et arts dépendant du dessin à Orléans (1786) par Nicolas-Marie Gatteaux (1751-1832) – Hôtel Cabu – Musée d’Histoire et d’Archéologie d’Orléans

Le 15 novembre 1785, l’assemblée du corps municipal d’Orléans approuve la proposition d’ouvrir une École gratuite de dessin, comme il en existe déjà une vingtaine en France. La création de l’institution est surtout l’œuvre du collectionneur Aignan Thomas Desfriches (1715-1800), secondé par le comte André Gaspard Parfait de Bizemont-Prunelé (1752-1837). Choisi pour ses qualités de dessinateur, Jean Bardin sera le directeur-professeur de « l’École académique et gratuite de peinture, sculpture, architecture et arts dépendans du dessin ». L’école ouvre ses portes le 23 novembre 1786, répondant à l’ambition pédagogique  de Bardin qui le conduit à ouvrir en 1799 un premier Muséum, ancêtre de l’actuel Musée des Beaux-Arts.

« Herminie pleurant Tancrède blessé » (années 1780) par Jean Jardin – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

« La Maladie d’Antiochus découverte par le médecin Erasistrate » (1774) par Jean Bardin – Musée Buffon de la ville de Montbard
« Bacchanale ou Le Retour des vendangeurs » (1768-1772) par Jean Bardin – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Commissariat de l’exposition

Commissariat scientifique
Frédéric Jimeno, docteur en histoire de l’art

Comité scientifique
Corentin Dury, conservateur des collections anciennes du musée des Beaux-Arts d’Orléans
Christine Gouzi, professeur en histoire de l’art moderne, Sorbonne Université
Mehdi Korchane, responsable de la conservation des arts graphiques des musées d’Orléans
Nicolas Lesur, historien de l’art
Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans,conservatrice des collections après 1750 du musée des Beaux-Arts d’Orléans

« Académie d’homme » par Charles-Joseph Natoire (1700-1777) – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Cette première exposition a reçu le label « Exposition d’intérêt national » du ministère de la Culture. Ce label récompense les expositions remarquables, qui mettent en lumière des thématiques inédites reflétant la richesse et la diversité des collections des musées de France.

Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »

En savoir +

Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet de l’agglomération d’Orléans

Autoportrait (1812) de Gabriel Rabiot (1753-1834) – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »
3 décembre 2022 – 30 avril 2023
Musée des Beaux-Arts d’Orléans
1 rue Fernand Rabier
45000 Orléans

« Tullie faisant passer son char sur le corps de son père » (1765) par Jean Bardin – Landesmuseum Mainz (Mayence)

[Exposition] Manet / Degas au musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay

Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917) sont tous deux des acteurs essentiels de la nouvelle peinture des années 1860-80. L’exposition comprend près de 200 œuvres dont 92 peintures et 55 arts graphiques (pastels, dessins, estampes, gravures, monotypes), ainsi que des lettres et carnets.
Grâce à des prêts exceptionnels et un parcours mettant en avant des rapprochements pertinents, cette exposition est un magnifique cadeau du musée d’Orsay.

À gauche : « Portrait de l’artiste » (1855) par Edgar Degas – Musée d’Orsay – à droite : « Autoportrait à la palette » (vers 1878-1879) par Édouard Manet – Collection particulière

« L’enjeu n’est plus de déterminer qui l’emporta des deux mais de démonter le mythe d’un combat uni et linéaire d’une génération en butte au conservatisme académique. » – Christophe Leribault, Président de l’Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie

« Les Bulles de savon » (1867) par Édouard Manet (1832-1883) – Calouste Gulbenkian Museum (Lisbonne)

« Ces deux géants de la modernité picturale se sont reconnus, conscients de leur place dans l’histoire et des fragilités de leur génération. » – Laurence des Cars, Présidente-directrice du musée du Louvre

Dessins réalisés vers 1868 par Edgar Degas – Œuvres du Metropolitan Museum of Art (New York), du Musée Marmottan Monet et du Musée d’Orsay

L’énigme d’une relation

Une part importante de mystère entoure les relations de Manet et de Degas. Si tous deux se fréquentent régulièrement et côtoient les mêmes cercles, on ignore la date de leur rencontre et on ne conserve quasiment aucune lettre adressée par l’un à l’autre. Leurs contemporains et leurs biographes témoignent du fait que leurs rapports étaient faits d’un mélange d’admiration et d’irritation, l’écrivain George Moore évoquant une « amitié (…) ébranlée par une rivalité inévitable ».

« Portrait d’Édouard Manet » (vers 1868) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Leurs œuvres révèlent une asymétrie frappante : on ne connaît aucune représentation de Degas par Manet tandis que Degas a fait de nombreux portraits de Manet.

« Madame Manet au piano » (vers 1868-1869) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

L’un d’entre eux était une peinture le montrant en train d’écouter son épouse au piano. Insatisfait par ce tableau qui lui avait été offert, Manet aurait coupé la partie de la toile où était représentée sa « femme trop enlaidie ». Ce geste, d’une grande violence symbolique, serait à l’origine de l’une des plus fameuses brouilles entre les deux artistes.

« Noix dans un saladier » (vers 1866) par Édouard Manet – Collection particulière
« Hilaire Degas » (1857) et « Lorenzo Pagans et Auguste De Gas » (1871-1872) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Deux fils de famille

Manet et Degas sont les fils aînés de familles bourgeoises aisées. Tous deux abandonnent leurs études de droit auxquelles leur milieu les prédestinait pour suivre leur vocation artistique. Si ce choix ne s’est pas fait sans heurts dans le cas de Manet, le père de Degas ne semble s’être que faiblement opposé à la décision de son fils.

À droite : « La Lecture » (vers 1866 – sans doute repris vers 1873) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

Ils étudient ensuite chacun auprès de peintres reconnus mais en dehors de l’École des beaux-arts, signe possible d’un précoce désir d’indépendance.

En haut : « Jupiter et Antiope » dit aussi « La Vénus du Pardol (d’après Titien) » (1856) par Édouard Manet – Musée Marmottan Monet – en bas : « La Vierge à l’Enfant avec sainte Catherine et un berger » dit aussi « La Vierge au lapin (d’après Titien) » (1850-1860) par Édouard Manet – Musée du Louvre

Copier, créer, étudier

Légende ou réalité, la rencontre de Manet et Degas aurait eu lieu au musée du Louvre au début des années 1860 devant une peinture de Velázquez. Tous deux ont été habitués depuis leur plus jeune âge à fréquenter les salles du musée en famille.

« Tête de jeune homme (d’après l’autoportrait de Filippino Lippi) » (vers 1853-1858) par Édouard Manet – Musée d’Orsay
« Vieille Italienne » (1857) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New York)

Durant leurs années de formation, leur apprentissage est en partie fondé sur la copie des maîtres anciens au Louvre ou au cabinet des Estampes de la Bibliothèque impériale. Du côté des maîtres contemporains, c’est vers Ingres et Delacroix que se porte leur admiration.

« La Pêche » (vers 1862-1863) d’Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Scène de guerre au Moyen Âge » dit à tort « Les Malheurs de la ville d’Orléans » (vers 1865) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Salon et défi des genres

Pas plus Manet que Degas, aucun débutant ne saurait se soustraire au Salon au cours des années 1860. Cette manifestation attire près de 500.000 visiteurs et mobilise l’attention des grands journaux et des collectionneurs.

« Olympia » (1863-65) par Édouard Manet – Musée d’Orsay
« Le Chanteur espagnol » (1860) d’Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)

Jusqu’au plein essor des galeries d’art, le Salon constitue en France le principal lieu d’exposition des artistes vivants. Manet y expose dès 1861, Degas en 1865.

À droite : « Le Christ aux anges » (1864) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
À gauche : « Portrait de Zacharie Astruc » (1866) par Édouard Manet(1832-1883) – Kunsthalle Bremen (Brême) – à droite : « Edmond et Thérèse Morbilli » (vers 1865) par Edgar Degas – Museum of Fine Arts (Boston)

Au-delà du portrait

Très en vogue sous le Second Empire (1852-1870), le portrait occupe une place importante dans la production des débuts de Manet et de Degas.

À gauche : « Portrait de M. Émile Zola » (1868) par Édouard Manet – Musée d’Orsay – à droite : « Portrait du peintre James Tissot » (vers 1867-1868) par Edgar Degas (1834-1917) – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Le Balcon » (1868-1869) par Édouard Manet – Musée d’Orsay – à droite : « Jeanne Duval » dit aussi « La Maitresse de Baudelaire » (1862) par Édouard Manet (1832-1883) – Museum of Fine Arts (Budapest)

Manet aime à traiter ses modèles avec une certaine majesté. Degas cherche avant tout à saisir les « gens dans des attitudes familières et typiques », et s’intéresse autant au pouvoir expressif des corps qu’à celui des visages.

À gauche : « La Femme au perroquet » (1866) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York) – à droite : « Femme sur une terrasse » dit aussi « Femme aux Ibis » (1857-1858, retravaillé par l’artiste vers 1866-1868 ?) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New York)

Le cercle Morisot

Le salon que les parents de Berthe Morisot ouvrent aux artistes, musiciens et écrivains, est un foyer de modernité. C’est la fréquentation de Fantin-Latour, puis de Manet et Degas, qui pousse Berthe à sauter le pas et à entamer une véritable carrière.

« Madame Yves Gobillard, née Morisot » (1869) par Edgar Degas (1834-197) – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Portrait de Berthe Morisot étendue » (1873) par Édouard Manet(1832-1883) – Musée Marmottan Monet

Manet prend une place grandissante dans ce cercle à partir de 1868-1869 et multiplie les portraits de Berthe Morisot.

À gauche : « L’Homme mort » dit aussi « Le Torero mort » (1864) par Édouard Manet – National Gallery of Art (Washington) – à droite : « Scène de steeple-chase » dit aussi « Aux courses, le jockey blessé » (1866, retravaillé en 1880-1881 et 1897) par Edgar Degas – National Gallery of Art (Washington)

Aux courses

L’essor des courses hippiques, venues d’Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, rencontre pleinement les aspirations de la modernité parisienne des années 1860.

À gauche : « Courses à Longchamp » (1866) par Édouard Manet (1832-1883) – The Art Institute of Chicago – à droite : « Aux courses (Jockeys amateurs près d’une voiture) » (1876-1887) par Edgar Degas – Musée d’Orsay
À gauche : « Le Faux Départ » (1869-1872) par Edgar Degas (1834-1917) – Yale University Art Gallery (New Haven) – à droite : « Les Courses au bois de Boulogne » (1872) par Édouard Manet – Collection particulière

Degas privilégie la représentation du moment qui précède le départ, le défi psychologique des jockeys, la fine chorégraphie des montures qui piaffent. Manet lui n’est que galop, explosion visuelle, temps accéléré.

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay
« Vive l’amnistie » – Lettre aquarellée adressée à Isabelle Lemonnier le 14 juillet 1880 par Édouard Manet – Musée d’Orsay

D’une guerre l’autre

La relation entre les deux peintres débute alors que le continent américain est marqué par la guerre de Sécession (1861-1865) puis l’exécution de l’empereur Maximilien au Mexique (1867). En juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Les deux peintres sont réquisitionnés au sein de la Garde nationale et demeurent à Paris pour défendre la ville durant le siège.

Détail de « L’Évasion de Rochefort » (vers 1881) par Édouard Manet – Musée d’Orsay
À gauche : « Le Combat du Kearsarge et de l’Alabama » (1864) par Édouard Manet – Philadelphia Museum of Art
Au centre : « Bains de mer. Petite fille peignée par sa bonne » (1869-1870) par Edgar Degas – National Gallery (Londres)

Impressionnismes

Après la guerre de 1870-1871, Manet se serait tenu à distance du mouvement Impressionniste, alors même que sa peinture y aurait fait allégeance ; inversement, Degas n’aurait jamais tant affiché son mépris d’une approche trop sensible du réel qu’au cours de ces mêmes années, qui le voient prendre la tête du groupe.

« La Famille Monet au jardin » (1874) par Edouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
Détail de « En bateau » (1874) par Édouard Manet (1832-1883) – The Metropolitan Museum of Art (New York)

« Je le crois décidément beaucoup plus vaniteux qu’intelligent.» – Degas à propos de Manet

« Bateaux en mer. Soleil couchant » (vers 1868) par Édouard Manet – Musée d’Art moderne André-Malraux (Le Havre)
« Mary Cassatt au musee du Louvre » (1885) par Edgar Degas – The Art Institute of Chicago

Réseaux croisés

Manet a connu les plus grands écrivains de son époque, et les a associés à son oeuvre par le portrait et la communauté d’inspiration. Sa dette envers Baudelaire, Zola, Astruc et Mallarmé, parmi d’autres, a laissé de nombreuses traces dans sa peinture et sa vie. Degas aura moins fait étalage de ses goûts et de ses relations littéraires avant les années 1870.

« George Moore au café » (1878 ou 1879) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
Au centre : « Dans un café » (entre 1875 et 1876) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Parisiennes

À travers des figures de Parisiennes dans leur environnement familier se noue un dialogue étroit entre les deux artistes. Manet et Degas font émerger une peinture dans laquelle la représentation des femmes de différentes catégories sociales évoquant la vie moderne joue un rôle déterminant.

« La Prune » (vers 1877) par Édouard Manet – National Gallery of Art (Washington)
À gauche : « Repasseuses » (1884-1886) par Edgar Degas – Musée d’Orsay – à droite : « Blanchisseuse (silhouette) » (1873) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Chez la modiste » (1881) par Edouard Manet – Fine Arts Museums of San Francisco

Masculin – féminin

Parmi les traits de personnalité qui distinguent Manet et Degas figurent en bonne place leurs relations avec les femmes. Décrit comme un séducteur, Manet, n’est jamais aussi à son aise qu’entouré d’une société féminine.

« Violoniste et jeune femme (Raoul Madier de Montjau et sa femme, la cantatrice Émilie Fursch-Madier) » (vers 1871) par Edgar Degas – Institute of Arts (Detroit)

À l’inverse, Degas n’aurait, de son propre aveu, « jamais fait beaucoup la noce ». Ces différences de tempérament se retrouvent en partie dans leurs œuvres : tandis que Manet représente des femmes dont la pose et le regard traduisent une certaine assurance, les relations entre hommes et femmes apparaissent presque toujours troublées ou déséquilibrées dans les œuvres de Degas.

« Artiste dans son atelier (Portrait d’Henri Michel-Lévy?) » (vers 1878) par Edgar Degas – Calouste Gulbenkian Museum (Lisbonne)
À gauche : « Le Tub » (1886) par Edgar Degas – Musée d’Orsay – à droite : « Femme dans un tub » (1878) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

Du nu

La nouvelle peinture dissolvent les canons de beauté au profit de la réalité corporelle. D’Olympia de Manet aux « baigneuses en chambre » de Degas, la nudité féminine, loin de n’être qu’objet, affiche une vérité aussi engageante que dérangeante.

« Femme nue accroupie, de dos » (vers 1876) par Edgar Degas – Musée d’Orsay
Au centre : « Olympia (d’après Manet) » (1891) par Paul Gauguin – Collection particulière

Après Manet

Frappé par la mort prématurée de Manet en 1883, Degas aurait déclaré au moment de ses obsèques : « il était plus grand que nous le croyions ».

« Gitane à la cigarette » (vers 1862) par Edouard Manet – University Art Museum (Princeton)

Avec près de 80 œuvres, Manet occupe une place éminente dans la collection d’œuvres d’art de Degas. La persévérance de ce dernier lui permet de réunir plusieurs fragments de l’un des tableaux les plus ambitieux de Manet : « L’Exécution de Maximilien » dont il existe plusieurs versions.

« L’Exécution de Maximilien » (1867-1868) par Édouard Manet – National Gallery (Londres)

Commissariat de l’exposition

Commissaire générale
Laurence des Cars, présidente – directrice du musée du Louvre

Commissaires à Paris
Isolde Pludermacher, conservatrice générale peinture au musée d’Orsay
Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès du président des musées d’Orsay et de l’Orangerie

Commissaires à New-York
Stephan Wolohojian, conservateur John Pope-Hennessy en charge du département des peintures européennes, The Metropolitan Museum of Art, New York
Ashley E. Dunn, conservatrice associée, département des dessins et estampes, The Metropolitan Museum of Art, New York

Détail de « L’Homme mort » dit aussi « Le Torero mort » (1864) par Édouard Manet – National Gallery of Art (Washington)

Cette exposition est organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie et le Metropolitan Museum of Art (New York) où elle sera présentée de septembre 2023 à janvier 2024.

« Nana » (1877) par Édouard Manet – Hamburger Kunsthalle (Hambourg)

En savoir +

Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée d’Orsay.

Détail de « Le Faux Départ » (1869-1872) par Edgar Degas – Yale University Art Gallery (New Haven)

Sources :
– texte : panneaux et cartels de l’exposition
– images par @scribeaccroupi

« La Lecture » (vers 1866, sans doute repris vers 1873) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing
75007 Paris

[Web-série] Peinture française du XVIIe au Louvre

Peinture française du XVIIe siècle au musée du Louvre
Web-série en 4 parties, proposée par Coupe-File Art et Scribe Accroupi

Le musée du Louvre est un lieu incomparable pour admirer les plus grands peintres français du Grand Siècle, Nicolas Poussin, Simon Vouet, les frères Le Nain, Charles Le Brun, Eustache Le Sueur, Valentin de Boulogne ou Georges de La Tour.

Nicolas Milovanovic, conservateur en chef du patrimoine au département des Peintures du Louvre, vous invite à découvrir cette peinture française du XVIIe siècle au travers d’une web-série en 4 épisodes, tournée au cœur des collections du musée du Louvre.

Nicolas Milovanovic

Épisode 1 : Les Français à Rome

Le premier épisode est consacré aux artistes français partis à Rome au XVIIe siècle. Il montre le parcours très différent de chacun tout en abordant leur influence sur les peintres français à Rome et en France.

Épisode 2 : L’atticisme

Le deuxième épisode est consacré à l’atticisme, terme qui décrit la peinture classique française du milieu du XVIIe siècle, celle marquée par l’influence de Nicolas Poussin. Cet épisode permet de définir ce « courant » et d’interroger sa pertinence et son origine.

Épisode 3 : Les peintres de la réalité

L’attention portée à la réalité, cherchant ainsi par la non idéalisation un vraisemblable plus qu’une vérité idéale, touche au XVIIe siècle l’ensemble de l’Europe. En France, l’importance du goût est telle qu’un terme a même été créé pour désigner certains artistes : les peintres de la réalité.

Épisode 4 : Peindre sous Louis XIV

Ce dernier épisode permet d’aborder la peinture sous Louis XIV par l’évocation notamment du rôle de Charles le Brun, premier peintre du roi, en interrogeant la légende tenace d’une dictature des arts menée par ce dernier et le ministre Colbert.

Cette web-série est réalisée avec Nicolas Bousser et Antoine Lavastre du web-magazine Coupe-File Art et Scribe Accroupi.
Musique originale par Julien Bousser
Réalisation par Coupe-File Art et Scribe Accroupi

Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic, entouré par Antoine Lavastre et Nicolas Bousser (décembre 2022) – Musée du Louvre
Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic (décembre 2022) – Musée du Louvre

Toutes les images par Coupe-File Art (Nicolas Bousser – Antoine Lavastre) et Scribe Accroupi.

Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic (décembre 2022) – Musée du Louvre

En savoir +

Découvrez les oeuvres présentées dans cette web-série sur le site Internet dédié aux collections du Louvre.
Retrouvez aussi cette web-série sur le site Internet du web-magazine Coupe-File Art et dans la playlist de ma chaîne YouTube.

Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic (décembre 2022) – Musée du Louvre

[Exposition] « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » au musée du Luxembourg

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur »
15 mars – 16 juillet 2023
Musée du Luxembourg

Le Musée du Luxembourg propose une exposition sur Léon Monet (1836-1917), le frère aîné du peintre français Claude Monet. Les peintures et dessins de Monet, Sisley, Pissarro et Renoir, issus de sa collection, mais aussi des documents d’archives et de nombreuses photographies de famille apportent un éclairage inédit sur cette personnalité restée dans l’ombre.
De plus, l’exposition permet au public de découvrir, pour la toute première fois, le portrait que Claude Monet fait de son frère en 1874.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

Une jeunesse havraise

En 1845, Adolphe Monet, son épouse et leurs deux enfants, Claude et Léon, s’installent au Havre. Travailleur, le jeune Léon est recruté comme commis dans l’entreprise familiale. Il choisit bientôt une voie différente et décide d’étudier la chimie des couleurs.

« Jardin en fleurs à Sainte-Adresse » (vers 1866) par Claude Monet – Musée d’Orsay, dépôt au musée Fabre (Montpellier)

De son côté, Claude est un élève dissipé qui s’adonne à la caricature sur les bancs de l’école.

« Homme en costume marin » (vers 1857) par Claude Monet – Collection particulière

En 1856, la rencontre avec le peintre Eugène Boudin est décisive pour le jeune Claude. Celui-ci l’incite à abandonner la caricature, lui propose de l’accompagner peindre en plein-air et lui apprend le dessin.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg
Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

La famille Monet

En 1836, un an après leur union à Paris, Louise-Justine et Adolphe Monet accueillent un premier fils, Léon Pascal et en 1840, un second garçon, nommé Oscar Claude.

« Portrait d’Adolphe Monet (1865) par Claude Monet – Zimmerli Art Museum

En 1865, Léon épouse Etiennette Joséphine Robert. Le couple s’installe en 1869 à Déville-lès-Rouen, où Léon est représentant de commerce pour la société suisse Geigy & Co.

« Portait de Michel Monet en bonnet à pompon » (1880) par Claude Monet – Musée Marmottan Monet (Paris)

En 1897, deux ans après la mort de sa première femme, Léon se remarie avec Aurélie Blis. Déjà mère d’Adrienne, âgée de 11 ans, Aurélie donne naissance à Louise Monet en 1901.

Claude Monet (1875) par Auguste Renoir – Musée d’Orsay

La volonté de transmettre

La petite-fille de Léon Monet, Françoise, a grandi dans le souvenir et l’admiration de son grand-oncle Claude Monet. Étudier la dermatologie, elle manie aussi avec passion les crayons et les pinceaux et s’initie au dessin académique.
Avant son décès à l’âge de quatre-vingt-onze ans, le 21 décembre 2017, Françoise a émis un souhait, ou plutôt deux. Celui de voir un jour l’histoire de Léon et de Claude Monet, son grand-père et son grand-oncle, révélée. Et celui que le portrait de Léon Monet, peint par Claude en 1874 rejoigne un jour les collections publiques françaises.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

Le portrait refusé, le chef-d’œuvre révélé

Ce portrait inédit est la seule représentation de Léon Monet par son frère Claude.

« Portrait de Léon Monet » (1874) par Claude Monet – Collection particulière

Léon porte une redingote, ornée d’une chaîne de montre et d’une épingle bien visibles sur l’étoffe sombre ainsi qu’un chapeau melon en feutre noir. L’intensité du regard est soulignée par le sourcil relevé qui traduit une certaine autorité.
Est-ce son aspect inachevé qui déplu à Léon ? Il décida, en tout cas, de le cacher.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

Léon Monet collectionneur

Léon Monet fait partie de la première génération de collectionneurs impressionnistes. Il acquiert très tôt un certain nombre de paysages et de natures mortes exécutés par son frère, à l’époque où celui-ci peine à trouver des clients pour ses œuvres.

« L’Institut au quai Malaquais » (1872) par Auguste Renoir – Collection particulière, courtesy of Connery & Associates

L’amateur apprécie la peinture de Camille Pissarro, d’Alfred Sisley et d’Auguste Renoir, et cherche à les promouvoir.

« Route de Louveciennes, effet de neige » (1874) par Alfred Sisley – Museum Barberini (Potsdam)

En 1875, il est présent à la première grande vente impressionniste qui s’ouvre à l’hôtel Drouot, à Paris. Il acquiert aux moins cinq peintures, se positionnant juste après le marchand Paul Durand-Ruel qui n’en achète pas moins de 18.

« Vue de Rouen au bouquet de dahlias » (1907) par Marcel Delaunay – Collection particulière

Par ailleurs, des peintures et dessins d’artistes rouennais complètent sa collection : Georges Bradberry, Marcel Delaunay, Joseph Delattre, Charles Frechon ou Narcisse Guilbert.

« Sur la plage des Petites-Dalles » (1873) par Berthe Morisot – Virginia Museum of Fine Arts (Richmond)

Villégiatures normandes

À la fin du XIXe siècle, Léon Monet tombe sous le charme du village des Petites-Dalles où il acquiert un terrain et fait construire au bord de l’eau une petite maison en brique. Claude Monet rend visite à son frère en 1880 et, séduit par le site, revient l’année suivante et de nouveau en 1884.

« Étretat » (1864) par Claude Monet – Collection « Peindre en Normandie », dépôt au musée Les Franciscaines (Deauville)

Chaque année, il peint les hautes falaises crayeuses et restitue habilement la grandeur sauvage des lieux.

« Étretat » (1884) par Claude Monet – Musée Eugène Boudin (Honfleur)
« La plage de Sainte-Adresse » (1864) par Claude Monet – Tochigi Prefectural Museum of Fine Arts

En 1897, Léon Monet revend la maison des Petites-Dalles. Dès lors, Léon et Aurélie Monet décident de passer la période estivale à Étretat, à Pourville, à Varengeville ou à Villers-sur-mer.

« Fenaison. Rouen depuis la rive gauche » (1891-1895) par Charles Frechon – Collection particulière

Rouen : la vallée aux cent cheminées

L’industrialisation des grandes villes au XIXe siècle n’est pas un thème central de la production de Claude Monet, contrairement à Pissarro qui, lors de ses séjours à Rouen, est captivé par les cheminées fumantes des usines de la rive gauche.

« La lune à la rivière Sumida » par Toyohara Kunichika et Toyohara Chikanobu

La cuisine aux couleurs de Léon Monet

Directeur de l’usine française de Geigy & Co située à Maromme, Léon Monet se spécialise dans l’impression des cotons et dans les teintures pour soie, laine et coton. En mars 1892, Claude Monet, qui travaille face à la cathédrale, participe à un dîner avec les amis chimistes de son frère.

À gauche : « La cathédrale de Rouen. Le portail et la tour Saint-Romain. Plein soleil » (1894) par Claude Monet – Musée d’Orsay – à droite : « La Seine à Rouen » (1872) par Claude Monet – Shizuoka Prefectoral Museum of Art

Monet à Rouen : une révolution de cathédrale

En 1864, Claude se rend pour la première fois à Rouen. En 1872, il met à profit un nouveau séjour pour peindre des vues de la ville depuis le fleuve. Il faut ensuite attendre presque vingt ans pour qu’il revienne peindre à Rouen.
En février 1892, Monet se concentre sur la cathédrale.
En 1895, il expose à la galerie Durand-Ruel à Paris le fruit de ses campagnes de 1892 et 1893, provoquant « une Révolution de cathédrale » dans le monde de l’art.

À droite : « La maison de l’artiste vue du jardin aux roses » (vers 1922-1924) par Claude Monet – Musée Marmottan Monet (Paris)

Monet à Giverny : peindre la couleur

En 1899, Monet commence à peindre son jardin de Giverny qui devient rapidement son unique thème d’inspiration.
En 1912, on lui diagnostique une cataracte qui altère sa perception des couleurs. Ayant de plus en plus de mal à reconnaître les nuances et les teintes, l’artiste se fie uniquement aux étiquettes de ses tubes de couleurs et à l’ordre qu’il adopte sur sa palette.

« La plaine en septembre » (vers 1908) par Georges Bradberry – Collection Arnaud Tellier

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Commissariat de l’exposition

Géraldine Lefebvre, docteure en histoire de l’art, spécialiste du XIXe siècle

Lettre à Camille Pissarro avec dessin de Claude en train de peindre sur le motif aux Petites Dalles (21 octobre 1884) par Léon Monet – Collection Géraldine Lefebvre

Source pour le texte : Guide visite de l’exposition

En savoir +

Consultez la page spéciale dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée du Luxembourg.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur »
15 mars – 16 juillet 2023
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard
75006 Paris