[Visite privée] Exposition « Imprimer ! » à la BnF

922

Exposition « Imprimer ! L’Europe de Gutenberg »
12 avril – 16 juillet 2023
Bibliothèque nationale de France
Site François-Mitterrand

L’invention de l’imprimerie est un événement qui est souvent réduit à un fait unique : l’impression, vers 1455, d’une Bible par Johann Gutenberg. L’exposition permet de remettre cet événement dans son contexte en précisant notamment que des méthodes d’impression ont préexisté en Chine et en Corée.

Pour cette visite privée exceptionnelle, vous êtes accompagnés par Nathalie Coilly, conservatrice au sein de la Réserve des livres rares de la BnF.

« Gutenberg inventant l’imprimerie » (1831) par Jean-Antoine Laurent (1763-1832) – Musée de Grenoble

« Gutenberg a inventé l’imprimerie vers 1450 », comme chacun l’a appris sur les bancs de l’école. Pourtant, plusieurs nuances doivent être apportées à cette sentence. D’une part, l’imprimerie apparaît en Asie (Chine, Corée et Japon) dès le VIIe siècle. D’autre part, en Europe, l‘invention de l’imprimerie à caractères mobiles relève d’un long processus et Gutenberg n’a pas été un génie solitaire.

« Jikji  » – Päkun (1298-1374) – Imprimé dans le temple de Heung Deok – Corée (1377) – Département des Manuscrits (BnF)

En Chine et en Corée, apparaissent très tôt des procédés d’impression individualisant les signes sous forme de caractères mobiles, initialement en terre cuite, en bois ou en céramique. Les caractères métalliques apparaissent plus tardivement, probablement au XIIIe siècle en ce qui concerne la Corée.
Le plus ancien livre daté, imprimé au moyen de caractères métalliques, conservé à ce jour est coréen : le Jikji, compilation d’enseignements des bouddhas et des patriarches, a été réalisé en 1377, soit 80 ans avant la Bible de Gutenberg.
Les techniques d’impression asiatiques précèdent ainsi de plusieurs siècles les techniques européennes, sans qu’on puisse apporter la preuve d’un transfert d’une aire culturelle à l’autre.

« Crucifixion » (vers 1420 ?)- Matrice gravée sur ses deux faces, dit « Bois Protat » – France ou Allemagne du Sud – Département des Estampes et de la photographie (BnF)
 » Biblia latina » (Bible de Gutenberg) – Imprimée sur parchemin par Johann Gutenberg et Johann Fust – Mayence (vers 1455) – Réserve des livres rares (BnF)

C’est à Mayence que Johann Gutenberg entreprend son chef d’œuvre : l’impression de la Bible, immédiatement saluée comme une réussite.
Si Gutenberg est reconnu comme l’inventeur de la typographie européenne, son procédé combine en réalité plusieurs techniques, métallurgiques et graphiques, déjà existantes : la gravure, la frappe et la fonte du métal ; le transfert d’encre par impression. L’emploi de caractères mobiles individualisant les lettres de l’alphabet est un élément clé du dispositif.

« Missale Lugdunense » – Édité par Pierre Jacquet, imprimé sur parchemin par Johannes Neumeister et enluminé par l’atelier de Guillaume II Le Roy et par le Peintre des Animaux miniatures – Lyon (1487) – Réserve des livres rares (BnF)
« Saint Valentin, saint Étienne et saint Maximilien » par Hans Burgkmair (1473-1531) – Département des Estampes et de la photographie (BnF)

Le livre manuscrit était un objet polychrome, où la couleur pouvait s’attacher à quelques éléments de texte (initiales et titres notamment) ou se déployer dans les enluminures. Gutenberg et ses associés sont les premiers à se confronter à l’impression en couleur de quelques lettres. Après eux cependant, les imprimeurs peinent à poursuivre dans cette voie.
Traditionnellement, les illustrations gravées sont rehaussées de couleur à la main. Pourtant certains imprimeurs tentent de mécaniser cette étape de la production du livre. Erhard Ratdolt, imprimeur actif à Augsbourg et à Venise, fait figure de pionnier en la matière. Il finit par renoncer à ce procédé complexe et se spécialise en revanche plus durablement dans l’impression de caractères à la feuille d’or.

« Chroniques de France » – Imprimé sur parchemin par Jean Maurand (2ème partie) pour Antoine Vérard, enluminé par le Maître de Jacques de Besançon, le Maître de Robert Gaguin et le Maître de la Chronique scandaleuse (1ère partie) – Paris (1493) – Réserve des livres rares de la BnF

Les imprimés appartenant à des puissants sont héritiers de l’époque où l’offrande somptuaire jouait un rôle politique. Objets d’exception, enrichis par le pinceau des plus grands peintres, ils ne relèvent pas d’une logique de production en série. Ce sont des objets uniques, appartenant à de grandes collections européennes, le plus souvent princières.

« Recueil des histoires de Troie » de Raoul Lefèvre (2ème moitié du XVe siècle) – Manuscrit copié sur parchemin et enluminé par Robinet Testard vers 1496-1500 – Département des Manuscrits de la BnF
Exposition « Imprimer ! L’Europe de Gutenberg » – Bibliothèque nationale de France

Le commerce de l’imprimé est libre et non contrôlé au XVe siècle. Les typographes, soumis à rude concurrence, cherchent pourtant la protection de leur travail auprès des autorités, sous forme de privilèges d’impression, une sorte d’exclusivité. Ainsi apparaissent des amorces de régulation, tandis que l’on prend conscience de la capacité d’influence du nouveau media. L’imprimé devient alors le vecteur possible des combats politiques et religieux du XVIe siècle.

« Hippocratis ac Galeni libri aliquote » par Hippocrate (460-377 av.J.-C.), édité par François Rabelais – Imprimé à Lyon par Sébastien Gryphe (1512) – Réserve des livres rares de la BnF

« Maintenant toutes les disciplines sont restituées […]. Des impressions fort élégantes et correctes sont utilisées partout, qui ont été inventées à mon époque par inspiration divine, comme inversement l’artillerie l’a été par suggestion du diable. Tout le monde est plein de gens savants […] tant et si bien que je crois que ni à l’époque de Platon, de Cicéron ou de Papinien, il n’y avait de telle commodité d’étude qu’il s’en rencontre aujourd’hui. » – François Rabelais dans « Pantagruel » (1532)

Commissariat de l’exposition

Nathalie Coilly, conservatrice, Réserve des livres rares, BnF
Caroline Vrand, conservatrice, département des Estampes et de la photographie, BnF

Série de L’Apocalypse (1498) par Albrecht Dürer (1471-1528) – Imprimé à Nuremberg en 1498 (édition allemande) – Département des Estampes et de la photographie (BnF)

Sources

  • Textes et citations : dossier de presse et panneaux dans l’exposition
  • Photos : @scribeaccroupi

En savoir +

Consultez le site Internet de la BnF.

Exposition « Imprimer ! L’Europe de Gutenberg »
12 avril – 16 juillet 2023
Bibliothèque nationale de France
Site François-Mitterrand – Galerie 2
Quai François-Mauriac
75013 Paris

Reconstitution d’une presse à imprimer à un coup (1925) – Musée Gutenberg (Mayence)

COMMENTEZ CET ARTICLE