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[Visite privée] Exposition « Manet / Degas » au musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay

L’exposition présente près de 200 œuvres dont 92 peintures et 55 arts graphiques (pastels, dessins, estampes, gravures, monotypes), ainsi que des lettres et carnets d’Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917). Elle montre ce que la modernité picturale eut d’hétérogène, de conflictuel, et révèle la valeur de la collection de Degas où Manet prit une place plus grande après son décès.
Grâce à des prêts exceptionnels et un parcours mettant en avant des rapprochements pertinents, cette exposition est un magnifique cadeau du musée d’Orsay.

Pour cette visite privée captivante, vous êtes accompagnés par Isolde Pludermacher, conservatrice générale Peinture au musée d’Orsay.

« Portrait de l’artiste » (1855) par Edgar Degas {1834-1917) – Musée d’Orsay
Détail de « Autoportrait à la palette » (vers 1878-1879) par Édouard Manet (1832-1883) – Collection particulière

Comme le souligne Isolde Pludermacher dans le catalogue de l’exposition, c’est dans des lettres que les deux artistes adressent à d’autres destinataires que l’on trouve les indices les plus éclairants sur la nature de leurs rapports, fruit d’un singulier mélange d’admiration et d’irritation. Ainsi Manet peut-il qualifier Degas de « grand esthéticien » et de « serin » dans la même lettre, agacé de son refus de l’accompagner à Londres pour y trouver « un débouché pour [leurs] produits ». Déclinant à son tour l’invitation de Degas à participer à la première exposition impressionniste, Manet s’attire les foudres de ce dernier, qui écrit à son propos : « Je le crois décidément beaucoup plus vaniteux qu’intelligent. »

« Portrait de M. et Mme Mlanet » (1860) par Édouard Manet (1832-1883) – Musée d’Orsay
« Monsieur et madame Édouard Manet » (vers 1868-1869) par Edgar Degas – Kitakyushu Municipal Museum of Art

C’est en peinture que Degas parvient le mieux à saisir Manet dans une attitude qui lui était « étrangement habituelle » comme on le voit sur le tableau ci-dessus : vautré dans un canapé, jambe droite repliée, une main dans la poche et l’autre retenant son visage pensif. La justesse de la posture semble si frappante que Moore déclarera, après la mort de Manet, que ce portrait donnait l’impression d’être en présence du fantôme de l’artiste.

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay
« Le Christ aux anges » (1864) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Courses à Longchamp » (1866) par Édouard Manet (1832-1883) – The Art Institute of Chicago
« Scène de steeple-chase » dit aussi « Aux courses, le jockey blessé » (1866, retravaillé en 1880-1881 et 1897) par Edgar Degas – National Gallery of Art (Washington)
Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay
Détail de « Repasseuses » (1884-1886) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Au centre : « Olympia (d’après Manet) » (1891) par Paul Gauguin – Collection particulière

De l’ambivalence de la relation de Manet et Degas ont pu naître d’étranges assertions, à l’instar de ces lignes parues à la mort de Degas : « Degas avait une grande amitié pour Manet; c’est ainsi qu’il racheta à sa veuve les études d’atelier de Manet et les brûla pour qu’elles ne fissent aucun tort à sa mémoire. »

« Le Jambon » (vers 1875-1880) par Édouard Manet(1832-1883) – Glasgow Museums

Commissariat de l’exposition

Commissaire générale
Laurence des Cars, présidente – directrice du musée du Louvre

Commissaires à Paris
Isolde Pludermacher, conservatrice générale peinture au musée d’Orsay
Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès du président des musées d’Orsay et de l’Orangerie

Commissaires à New-York
Stephan Wolohojian, conservateur John Pope-Hennessy en charge du département des peintures européennes, The Metropolitan Museum of Art, New York
Ashley E. Dunn, conservatrice associée, département des dessins et estampes, The Metropolitan Museum of Art, New York

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay

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Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée d’Orsay.

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing
75007 Paris

« L’Exécution de Maximilien » (1867-1868) par Édouard Manet – National Gallery (Londres)

[Visite privée] Exposition Antoine Caron au château d’Écouen

Exposition « Antoine Caron (1521-1599). Le théâtre de l’Histoire »
5 avril – 3 juillet 2023
Musée national de la Renaissance – Château d’Écouen

Réunissant plus de 80 œuvres au cœur du château d’Écouen, l’exposition interroge la place d’Antoine Caron, artiste indissociable de la Renaissance française comme inventeur, fournisseur de modèles et dont l’influence se perpétue bien au-delà de sa mort.
Bien qu’il ait travaillé pour cinq monarques, de François Ier à Henri IV, et pour la reine mère Catherine de Médicis, sa carrière n’a pas fait l’objet d’une exposition à la hauteur de sa réputation d’alors.
Le château d’Écouen propose la réunion exceptionnelle – pour la première fois en France depuis le XVIe siècle – des huit tapisseries de La Tenture des Valois commandée par Catherine de Médicis, un prêt consenti par les Galeries des Offices de Florence.

Cette visite privée de 50 minutes vous est proposée par Matteo Gianeselli, conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance et commissaire de l’exposition.

Détail de « La Mort de la femme de Sestos » par un suiveur d’Antoine Caron dans les années 1580-1590 – Musée national de la Renaissance
« La Mort de la femme de Sestos » par un suiveur d’Antoine Caron dans les années 1580-1590 – Musée-château de Saumur
« Ulysse affrontant les sirènes et franchissant le détroit de Charybde et Scylla » (1569) par Ruggiero de’ Ruggieri d’après Primatice – Collection particulière
« Flore et trois enfants » (vers 1565-1571 ?) par Niccolò dell’Abate – Musée des Arts décoratifs (Paris)

Dans les années 1540, Antoine Caron se forme sur les chantiers du château de Fontainebleau. Il collabore notamment aux grotesques de la galerie d’Ulysse conçue par Primatice. Il s’imprègne de ses aînés mais c’est en particulier de Niccolò dell’Abate qu’il semble le plus proche.

« Le Nil accompagné de trois enfants et de deux sphinx » (vers 1547) par Primatice – Beaux-Arts de Paris
« Le couronnement d’Esther » par Denis de Mathonière d’après Antoine Caron – Bibliothèque nationale de France
« La Remise du livre et de l’épée » par un suiveur d’Antoine Caron Beauvais – Musée départemental de l’Oise

Antoine Caron collabore avec de nombreux confrères, à qui il fournit des modèles destinés à être transcrits dans des techniques diverses. La séquence autour de « La Remise du livre et de l’épée » (image ci-dessus) témoigne de la variété des supports de cette diffusion sur une période de plus de quarante ans.

« Portrait de Catherine de Médicis, reine de France » (vers 1588 ?) par Thomas de Leu – Bibliothèque nationale de France
« Le Tournoi de Bayonne » – Manufacture de Bruxelles d’après Antoine Caron – Gallerie degli Uffizi (Florence)
Détail de « L’Assaut d’un bastion en forme d’éléphant » – Manufacture de Bruxelles d’après Antoine Caron – Gallerie degli Uffizi (Florence)

La Tenture des Valois a vraisemblablement été commandée par Catherine de Médicis. Les huit tapisseries n’ont pas été revues ensemble depuis leur arrivée à Florence en 1589. Leur présentation à Écouen est donc tout à fait exceptionnelle. On associe les compositions à plusieurs dessins de Caron réalisés vers 1573-1574, sous Charles IX.

« Portrait de Marguerite de France, reine de Navarre » (vers 1570) par Jean Decourt – Bibliothèque nationale de France

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

« La Bataille d’Ivry et la reddition de Mantes » (1597-1601) par Mathieu Jacquet d’après Antoine Caron – Musée du Louvre

Comme ses contemporains, Caron cherche à rivaliser avec l’art des Anciens, notamment en ressuscitant une des grandes typologies de l’Antiquité, le monument équestre.

« La Résurrection du fils de Naïm » (avant 1599) par Antoine Caron – Collection particulière

La présentation inédite de l’ultime chef-d’œuvre du peintre (image ci-dessus) permet aussi de comprendre l’apport de Caron pour les générations suivantes. Le ballet chorégraphié des figures, au sein d’une nature majestueuse, appelle les développements ultérieurs de la grande peinture d’histoire française qui, au siècle suivant, se souviendra de cette leçon.

Antoine Caron, Saint Denys l’Aréopagite convertissant les philosophes païens, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum

Commissariat de l’exposition

Matteo Gianeselli, conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance – château d’Écouen

« Auguste et la sibylle de Tibur » (vers 1573) par Antoine Caron – Musée du Louvre

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Consultez la page spéciale sur le site Internet du musée.

Portrait d’Antoine Caron François Quesnel Paris, Bibliothèque nationale de France

Exposition « Antoine Caron (1521-1599). Le théâtre de l’Histoire »
5 avril – 3 juillet 2023
Musée national de la Renaissance – Château d’Écouen
Rue Jean Bullant
95440 Écouen

Coulisses du tournage – Château d’Écouen

[Visite privée] Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » au Louvre-Lens

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature »
29 mars – 24 juillet 2023
Musée du Louvre-Lens

Depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, par la peinture, les artistes rejouent à leur manière les mythes de la Création, en représentant ciel, terre, mer, lumière et ténèbres. L’exposition explore différents types de paysages et de points de vue sur la nature, présentant aussi bien des œuvres célèbres que moins connues et plus inattendues.
Un enchantement !

Pour visiter l’exposition, vous êtes accompagnés par Marie Gord, chargée de recherches et de documentation au Louvre-Lens, et par l’artiste et scénographe Laurent Pernot.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens
Au centre : « Paysage avec ruines antiques » (vers 1645-1646) par Pierre Patel Chauny – Musée du Louvre

Le paysage a longtemps joué un rôle secondaire dans la représentation. Dans la peinture d’histoire, il tient lieu de décor et sert dans un premier temps à donner de la profondeur à l’espace représenté. Souvent qualifié d’ornement au XVe siècle, le paysage apparaît en arrière-plan, derrière l’Homme. C’est au début du XVIe siècle que le paysage va progressivement s’imposer comme genre à part entière.

Figurine-plaquette hommes-taureaux tenant un tronc de palmier surmonté d’un soleil (entre 2004-1763 et 1894-1595 avant J.-C.) – Musée du Louvre

Cependant, le concept de paysage est bien antérieur. Les premières cosmogonies donnent une explication sur l’origine des mondes dont le Créateur a l’apparence humaine ou anthropomorphe. Ecrites ou représentées sur argile, papyrus, bois ou toile tendue, elles racontent les différentes étapes de la Création du monde en commençant par la naissance du ciel, de l’eau, de l’arbre, de la végétation et des rochers, acteurs déterminants de la naissance de la vie sur terre.

Détail du papyrus mythologique de Imenemsaouf (1069-945 av. J.-C.) – Musée du Louvre

On retrouve très tôt dans la civilisation égyptienne une cosmogonie procédant de la division d’une matière primordiale évoquant les amours passionnés de la déesse du ciel (Noût) et le dieu de la terre (Geb), les « Parents du monde ».

2ème œuvre à partir de la gauche : « Étude d’arbres (titre forgé) » (1764-1776) par Giovanni-Battista Piranesi – École nationale supérieure des beaux-arts (Paris)
« Les Collines d’Inaba » – Estampe de la série « Lieux célèbres des soixante et autres provinces » par Utagawa Hiroshige (1797-1858) – Musée national des arts asiatiques – Guimet (Paris)
« Arbre brisé au Kerket, près de Meyringen » (vers 1838-1839) par Alexandre Calame (1810-1864) – Musée du Louvre
« Vue du canal de Santa Chiara, à Venise » (vers 1730) par Giovanni Canal dit Canaletto – Musée Cognacq-Jay (Paris)
Bouclier d’apparat dit « des Ribeaupierre » (1580-1590) par Hans Steiner,  – Musée Unterlinden (Colmar)

La forme circulaire de ce bouclier décoratif permet la représentation cyclique du temps. Organisées autour du motif central du soleil, chaque saison est illustrée par un type de chasse propre à la période. Activité aristocratique, la chasse se veut ici l’évocation de la maîtrise de l’homme sur la nature tout au long de l’année. Hans Steiner s’inspire très vraisemblablement de modèles littéraires prestigieux, les descriptions du bouclier d’Achille par Homère et d’Énée par Virgile, qui déroulent tous deux une évocation précise des paysages et des activités humaines.

« Les rochers de Belle-Ile, la Côte sauvage » (1886) par Claude Monet – Musée d’Orsay

C’est au XVIIIe siècle que la pratique picturale hors de l’atelier connaît son essor grâce à l’évolution du matériel. L’invention du tube de couleur en 1841 favorise cette pratique de peinture réalisée en plein air, « sur le motif ».

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens
« La baie d’Along (Tonkin), le cimetière des transports français Gironde et Nièvre » (1885) par Gaston Roullet – Musée de l’Armée (Paris)

Gaston Roullet (1847-1925) est un des premiers artistes européens à s’être rendu en Indochine, en tant que peintre du Département de la Marine. Au bleu du ciel et de la mer ainsi qu’aux masses sombres des rochers qui émergent s’oppose la blancheur de la plage. Sur cette dernière, les croix signalant les tombes de soldats français paraissent bien frêles, abandonnées à une nature inhospitalière.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens
Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens

Une mutation s’effectue au début du 20e siècle. Un moment de bascule s’opère entre le paysage tel que l’artiste le voit, le comprend, le transforme vers une autre forme traduisant ses états d’âme dans lesquels il donne à voir les espaces paradoxaux de son paysage intérieur.

Commissariat de l’exposition

Vincent Pomarède, conservateur général du patrimoine au musée du Louvre
Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens
Marie Gord, chargée de recherches et de documentation au musée du Louvre-Lens

« Fabriques à la villa Farnèse : les deux peupliers » (entre 1780 et 1800) par Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819)  – Musée du Louvre

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Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée.

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature » – Musée du Louvre-Lens

Exposition « Paysage. Fenêtre sur la nature »
29 mars – 24 juillet 2023
Musée du Louvre-Lens
99 Rue Paul Bert
62300 Lens

Paysage du Musée du Louvre-Lens

[Visite privée] « Ramsès et l’or des Pharaons » à La Grande Halle de la Villette

Exposition « Ramsès et l’or des Pharaons »
7 avril – 6 septembre 2023
Grande Halle de la Villette

Après l’exposition de 2019 consacrée à Toutânkhamon, la Grande Halle de la Villette propose une plongée au cœur du royaume de Ramsès, l’un des plus grands bâtisseurs de l’Égypte ancienne. Bijoux en or, masques royaux, mobilier des tombes de Tanis et – en exclusivité pour l’étape parisienne de l’exposition – le cercueil de Ramses II, une œuvre inestimable qui fait son retour, près de 45 ans après l’exposition de 1976 au Grand Palais.
Ramsès II est le sujet central de l’exposition, avec près de 160 objets témoignant de l’Égypte ramesside mais aussi de l’empire et de ses relations avec l’empire concurrent, celui des Hittites.

Visitez l’exposition avec Dominique Farout, égyptologue et commissaire de l’exposition.

Sarcophage en cèdre de Ramsès II – Nouvel Empire, 19º dynastie – Musée égyptien

« Ramsès II est depuis longtemps l’archétype du pharaon, le grand guerrier, le grand conquérant toujours victorieux. Sa réputation est le résultat des efforts d’un service de propagande particulièrement efficace de son vivant. » – Dominique Farout

L’exposition rayonne autour du règne de Ramsès II et retrace sa vie, sa famille, ses sujets, ses contemporains, ses guerres ou encore ses monuments. Il a eu plusieurs grandes épouses royales dont Néfertari – célèbre pour sa tombe dans la Vallée des Reines et Isetnofret. Avec ses nombreuses épouses, on lui comptabilise une cinquantaine de fils et une soixantaine de filles dont certains eurent une importance cruciale lors du règne.

Partie supérieure d’une statue en granodiorite de Mérenptah – Nouvel Empire, 19º dynastie – Musée égyptien
Ramsès Il massacrant ses ennemis – Nouvel Empire, 19° dynastie – Musée égyptien

Le long règne de Ramsès II lui permit de se faire représenter un nombre incalculable de fois sur tout type de support, et il n’hésita pas à usurper certaines images de rois antérieurs, comme celles d’Aménophis III.

Amulette d’Isis sur la coiffe de Hathor – Troisième période intermédiaire, 21° dynastie – Musée égyptien

Photographies par @scribeaccroupi.

Statue de Ramsès II en sphinx faisant offrande d’une vasque à tête de bélier – Nouvel Empire, 19° dynastie – Musée égyptien

Ramsès mourut nonagénaire. Il fut enterré dans la tombe qui fut creusée pour lui dans la Vallée des Rois : la KV7, longue de 168 mètres et d’une surface de 868 m2. Si cette sépulture fut pillée et abîmée par des inondations, une partie de son trésor fut sauvée comme l’atteste la présence d’objets portant son nom et qui furent réutilisés par ses successeurs.

Tête d’une statue colossale de Ramsès II – Nouvel Empire, XIXe dynastie

Cette tête colossale en granit rose fut découverte en 1888 à Memphis, dans le temple de Ptah, un dieu créateur et patron des orfèvres particulièrement important sous le règne de Ramsès II. Elle porte la couronne blanche qui symbolise la Haute-Égypte, ainsi qu’une barbe postiche droite et lisse assez imposante. Il s’agirait ici d’un réemploi : le souverain aurait réutilisé une image royale plus ancienne pour la retailler à son image. On retrouve en effet les caractéristiques du visage de Ramsès : yeux remontant légèrement sur les tempes, pointe lacrymale incurvée vers le bas, nez busqué et un léger sourire.
C’est la première fois que cette œuvre est présentée en dehors de l’Égypte.

Partie supérieure d’une statue de Ramsès II – Louxor – Nouvel Empire, XIXe dynastie

Ce buste en granodiorite de Ramsès II fut découvert dans le temple d’Amon à Tanis, capitale construite avec les pierres de Pi-Ramsès. Elle appartenait à une statue du roi assise sur un trône, à l’image de celle conservée au musée égyptien de Turin. La finesse des détails et le rendu du corps sous le lin fin du vêtement sont caractéristiques des premières œuvres du règne, encore empreintes du style de Séthi Ier. Ramsès tient contre lui le sceptre héqa (en forme de crochet) et porte un bandeau orné de l’uraeus, un collier large (ousekh) ainsi qu’un bracelet orné d’un œil oudjat.

Partie supérieure d’un colosse de Ramsès II en calcaire – Nouvel Empire, XIXe dynastie – Musée de Charm el-cheikh

Ce colosse en calcaire montre Ramsès II debout et tenant dans ses mains le mékès, un cylindre servant de boîte pour les papyrus. Coiffé du némès (une coiffe rayée uniquement portée par le roi), arborant la barbe postiche, il porte également un poignard glissé dans la ceinture de son pagne plissé. Cette statue immortalise l’image du pharaon par excellence : Ramsès II.
C’est aussi la première fois que cette œuvre est présentée en dehors de l’Égypte.

Couvercle du sarcophage de Mérenptah réutilisé pour celui de Psousennès I – Nouvel Empire, 19º dynastie – Musée égyptien

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Consultez le site Internet dédié à l’exposition.

Cercueil externe de Sennedjem, et son couvercle, sur un traîneau en bois – Nouvel Empire, XIXe dynastie

Exposition « Ramsès et l’or des Pharaons »
7 avril – 6 septembre 2023
Grande Halle de la Villette
211 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris

Statue de la reine Tuya – Nouvel Empire, 19º dynastie, resculptée à partir d’une figure d’une reine du Moyen Empire – Musée égyptien

[Visite privée] Exposition Jean Bardin au musée des Beaux-Arts d’Orléans

Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »
3 décembre 2022 – 30 avril 2023
Musée des Beaux-Arts d’Orléans

L’exposition réunit des tableaux récemment restaurés, provenant de cathédrales et églises françaises, ainsi que des œuvres prêtées par de grands musées et collections particulières.
Elle met à l’honneur un artiste aujourd’hui oublié, Jean Bardin, célèbre dans l’Europe du XVIIIe siècle pour ses dessins monumentaux qui rivalisent alors de notoriété avec ses peintures religieuses.
À l’occasion de l’exposition, le cycle monumental des « Sept sacrements », réalisé pour la chartreuse de Valbonne et aujourd’hui conservée à la chartreuse d’Aula Dei à Saragosse, est exposé en France pour la première fois.

Pour cette visite privée exceptionnelle, vous êtes accompagnés par Mehdi Korchane, responsable de la conservation des arts graphiques des musées d’Orléans.

Détail de l’Autoportrait (1773) de Jean Bardin – Collection particulière
« L’Éducation de la Vierge » (1768) par Jean Bardin – Cathédrale Sainte-Marie de Bayonne
Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »

L’église de la chartreuse de Valbonne (Gard) vient d’être achevée lorsque Jean Bardin reçoit la commande d’un cycle monumental des sept Sacrements. Destinées à agrémenter le haut des murs de la nef ainsi que le parement au-dessus de l’entrée, ces sept toiles de cinq mètres de large chacune restent le testament du peintre, qui y passa plus de dix ans, de 1780 à 1790.

« L’Eucharistie » (1783) par Jean Barclit (1732-1809) – Chartreuse d’Aula Dei

Le cycle, qui a connu par la suite les vicissitudes de l’histoire, est aujourd’hui montré presque pour la première fois. En 1793, le mobilier de l’église échappe à la vente mais les Chartreux ne pourront racheter Valbonne qu’en 1836 et ne récupèrent les tableaux de Bardin, placés entre temps dans le déambulatoire de la cathédrale de Nîmes, qu’entre 1875 et 1888. La loi du 1er juillet 1901 les oblige à quitter la France. Ils achètent et restaurent la chartreuse d’Aula Dei, à Saragosse, pour les communautés de Valbonne et de Vauclaire et y installent le 30 juillet 1905 les toiles dans le réfectoire.

« L’Extrême-Onction » (1785) par Jean Barclit (1732-1809) – Chartreuse d’Aula Dei

Depuis 2012, la chartreuse d’Aula Dei est occupée par la Communauté du Chemin neuf, qui a permis que ces sept tableaux monumentaux reviennent en France pour être vus du public.

Détail de « L’Ordination » (1786) par Jean Barclit (1732-1809) – Chartreuse d’Aula Dei
« L’espoir de la Gloire élève le Génie » – Empreinte du sceau de l’École académique et gratuite de peinture, sculpture, architecture, et arts dépendant du dessin à Orléans (1786) par Nicolas-Marie Gatteaux (1751-1832) – Hôtel Cabu – Musée d’Histoire et d’Archéologie d’Orléans

Le 15 novembre 1785, l’assemblée du corps municipal d’Orléans approuve la proposition d’ouvrir une École gratuite de dessin, comme il en existe déjà une vingtaine en France. La création de l’institution est surtout l’œuvre du collectionneur Aignan Thomas Desfriches (1715-1800), secondé par le comte André Gaspard Parfait de Bizemont-Prunelé (1752-1837). Choisi pour ses qualités de dessinateur, Jean Bardin sera le directeur-professeur de « l’École académique et gratuite de peinture, sculpture, architecture et arts dépendans du dessin ». L’école ouvre ses portes le 23 novembre 1786, répondant à l’ambition pédagogique  de Bardin qui le conduit à ouvrir en 1799 un premier Muséum, ancêtre de l’actuel Musée des Beaux-Arts.

« Herminie pleurant Tancrède blessé » (années 1780) par Jean Jardin – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

« La Maladie d’Antiochus découverte par le médecin Erasistrate » (1774) par Jean Bardin – Musée Buffon de la ville de Montbard
« Bacchanale ou Le Retour des vendangeurs » (1768-1772) par Jean Bardin – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Commissariat de l’exposition

Commissariat scientifique
Frédéric Jimeno, docteur en histoire de l’art

Comité scientifique
Corentin Dury, conservateur des collections anciennes du musée des Beaux-Arts d’Orléans
Christine Gouzi, professeur en histoire de l’art moderne, Sorbonne Université
Mehdi Korchane, responsable de la conservation des arts graphiques des musées d’Orléans
Nicolas Lesur, historien de l’art
Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans,conservatrice des collections après 1750 du musée des Beaux-Arts d’Orléans

« Académie d’homme » par Charles-Joseph Natoire (1700-1777) – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Cette première exposition a reçu le label « Exposition d’intérêt national » du ministère de la Culture. Ce label récompense les expositions remarquables, qui mettent en lumière des thématiques inédites reflétant la richesse et la diversité des collections des musées de France.

Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »

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Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet de l’agglomération d’Orléans

Autoportrait (1812) de Gabriel Rabiot (1753-1834) – Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Exposition « Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré »
3 décembre 2022 – 30 avril 2023
Musée des Beaux-Arts d’Orléans
1 rue Fernand Rabier
45000 Orléans

« Tullie faisant passer son char sur le corps de son père » (1765) par Jean Bardin – Landesmuseum Mainz (Mayence)

[Exposition] Manet / Degas au musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay

Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917) sont tous deux des acteurs essentiels de la nouvelle peinture des années 1860-80. L’exposition comprend près de 200 œuvres dont 92 peintures et 55 arts graphiques (pastels, dessins, estampes, gravures, monotypes), ainsi que des lettres et carnets.
Grâce à des prêts exceptionnels et un parcours mettant en avant des rapprochements pertinents, cette exposition est un magnifique cadeau du musée d’Orsay.

À gauche : « Portrait de l’artiste » (1855) par Edgar Degas – Musée d’Orsay – à droite : « Autoportrait à la palette » (vers 1878-1879) par Édouard Manet – Collection particulière

« L’enjeu n’est plus de déterminer qui l’emporta des deux mais de démonter le mythe d’un combat uni et linéaire d’une génération en butte au conservatisme académique. » – Christophe Leribault, Président de l’Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie

« Les Bulles de savon » (1867) par Édouard Manet (1832-1883) – Calouste Gulbenkian Museum (Lisbonne)

« Ces deux géants de la modernité picturale se sont reconnus, conscients de leur place dans l’histoire et des fragilités de leur génération. » – Laurence des Cars, Présidente-directrice du musée du Louvre

Dessins réalisés vers 1868 par Edgar Degas – Œuvres du Metropolitan Museum of Art (New York), du Musée Marmottan Monet et du Musée d’Orsay

L’énigme d’une relation

Une part importante de mystère entoure les relations de Manet et de Degas. Si tous deux se fréquentent régulièrement et côtoient les mêmes cercles, on ignore la date de leur rencontre et on ne conserve quasiment aucune lettre adressée par l’un à l’autre. Leurs contemporains et leurs biographes témoignent du fait que leurs rapports étaient faits d’un mélange d’admiration et d’irritation, l’écrivain George Moore évoquant une « amitié (…) ébranlée par une rivalité inévitable ».

« Portrait d’Édouard Manet » (vers 1868) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Leurs œuvres révèlent une asymétrie frappante : on ne connaît aucune représentation de Degas par Manet tandis que Degas a fait de nombreux portraits de Manet.

« Madame Manet au piano » (vers 1868-1869) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

L’un d’entre eux était une peinture le montrant en train d’écouter son épouse au piano. Insatisfait par ce tableau qui lui avait été offert, Manet aurait coupé la partie de la toile où était représentée sa « femme trop enlaidie ». Ce geste, d’une grande violence symbolique, serait à l’origine de l’une des plus fameuses brouilles entre les deux artistes.

« Noix dans un saladier » (vers 1866) par Édouard Manet – Collection particulière
« Hilaire Degas » (1857) et « Lorenzo Pagans et Auguste De Gas » (1871-1872) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Deux fils de famille

Manet et Degas sont les fils aînés de familles bourgeoises aisées. Tous deux abandonnent leurs études de droit auxquelles leur milieu les prédestinait pour suivre leur vocation artistique. Si ce choix ne s’est pas fait sans heurts dans le cas de Manet, le père de Degas ne semble s’être que faiblement opposé à la décision de son fils.

À droite : « La Lecture » (vers 1866 – sans doute repris vers 1873) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

Ils étudient ensuite chacun auprès de peintres reconnus mais en dehors de l’École des beaux-arts, signe possible d’un précoce désir d’indépendance.

En haut : « Jupiter et Antiope » dit aussi « La Vénus du Pardol (d’après Titien) » (1856) par Édouard Manet – Musée Marmottan Monet – en bas : « La Vierge à l’Enfant avec sainte Catherine et un berger » dit aussi « La Vierge au lapin (d’après Titien) » (1850-1860) par Édouard Manet – Musée du Louvre

Copier, créer, étudier

Légende ou réalité, la rencontre de Manet et Degas aurait eu lieu au musée du Louvre au début des années 1860 devant une peinture de Velázquez. Tous deux ont été habitués depuis leur plus jeune âge à fréquenter les salles du musée en famille.

« Tête de jeune homme (d’après l’autoportrait de Filippino Lippi) » (vers 1853-1858) par Édouard Manet – Musée d’Orsay
« Vieille Italienne » (1857) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New York)

Durant leurs années de formation, leur apprentissage est en partie fondé sur la copie des maîtres anciens au Louvre ou au cabinet des Estampes de la Bibliothèque impériale. Du côté des maîtres contemporains, c’est vers Ingres et Delacroix que se porte leur admiration.

« La Pêche » (vers 1862-1863) d’Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Scène de guerre au Moyen Âge » dit à tort « Les Malheurs de la ville d’Orléans » (vers 1865) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Salon et défi des genres

Pas plus Manet que Degas, aucun débutant ne saurait se soustraire au Salon au cours des années 1860. Cette manifestation attire près de 500.000 visiteurs et mobilise l’attention des grands journaux et des collectionneurs.

« Olympia » (1863-65) par Édouard Manet – Musée d’Orsay
« Le Chanteur espagnol » (1860) d’Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)

Jusqu’au plein essor des galeries d’art, le Salon constitue en France le principal lieu d’exposition des artistes vivants. Manet y expose dès 1861, Degas en 1865.

À droite : « Le Christ aux anges » (1864) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
À gauche : « Portrait de Zacharie Astruc » (1866) par Édouard Manet(1832-1883) – Kunsthalle Bremen (Brême) – à droite : « Edmond et Thérèse Morbilli » (vers 1865) par Edgar Degas – Museum of Fine Arts (Boston)

Au-delà du portrait

Très en vogue sous le Second Empire (1852-1870), le portrait occupe une place importante dans la production des débuts de Manet et de Degas.

À gauche : « Portrait de M. Émile Zola » (1868) par Édouard Manet – Musée d’Orsay – à droite : « Portrait du peintre James Tissot » (vers 1867-1868) par Edgar Degas (1834-1917) – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Le Balcon » (1868-1869) par Édouard Manet – Musée d’Orsay – à droite : « Jeanne Duval » dit aussi « La Maitresse de Baudelaire » (1862) par Édouard Manet (1832-1883) – Museum of Fine Arts (Budapest)

Manet aime à traiter ses modèles avec une certaine majesté. Degas cherche avant tout à saisir les « gens dans des attitudes familières et typiques », et s’intéresse autant au pouvoir expressif des corps qu’à celui des visages.

À gauche : « La Femme au perroquet » (1866) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York) – à droite : « Femme sur une terrasse » dit aussi « Femme aux Ibis » (1857-1858, retravaillé par l’artiste vers 1866-1868 ?) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New York)

Le cercle Morisot

Le salon que les parents de Berthe Morisot ouvrent aux artistes, musiciens et écrivains, est un foyer de modernité. C’est la fréquentation de Fantin-Latour, puis de Manet et Degas, qui pousse Berthe à sauter le pas et à entamer une véritable carrière.

« Madame Yves Gobillard, née Morisot » (1869) par Edgar Degas (1834-197) – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Portrait de Berthe Morisot étendue » (1873) par Édouard Manet(1832-1883) – Musée Marmottan Monet

Manet prend une place grandissante dans ce cercle à partir de 1868-1869 et multiplie les portraits de Berthe Morisot.

À gauche : « L’Homme mort » dit aussi « Le Torero mort » (1864) par Édouard Manet – National Gallery of Art (Washington) – à droite : « Scène de steeple-chase » dit aussi « Aux courses, le jockey blessé » (1866, retravaillé en 1880-1881 et 1897) par Edgar Degas – National Gallery of Art (Washington)

Aux courses

L’essor des courses hippiques, venues d’Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, rencontre pleinement les aspirations de la modernité parisienne des années 1860.

À gauche : « Courses à Longchamp » (1866) par Édouard Manet (1832-1883) – The Art Institute of Chicago – à droite : « Aux courses (Jockeys amateurs près d’une voiture) » (1876-1887) par Edgar Degas – Musée d’Orsay
À gauche : « Le Faux Départ » (1869-1872) par Edgar Degas (1834-1917) – Yale University Art Gallery (New Haven) – à droite : « Les Courses au bois de Boulogne » (1872) par Édouard Manet – Collection particulière

Degas privilégie la représentation du moment qui précède le départ, le défi psychologique des jockeys, la fine chorégraphie des montures qui piaffent. Manet lui n’est que galop, explosion visuelle, temps accéléré.

Exposition « Manet / Degas » – Musée d’Orsay
« Vive l’amnistie » – Lettre aquarellée adressée à Isabelle Lemonnier le 14 juillet 1880 par Édouard Manet – Musée d’Orsay

D’une guerre l’autre

La relation entre les deux peintres débute alors que le continent américain est marqué par la guerre de Sécession (1861-1865) puis l’exécution de l’empereur Maximilien au Mexique (1867). En juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Les deux peintres sont réquisitionnés au sein de la Garde nationale et demeurent à Paris pour défendre la ville durant le siège.

Détail de « L’Évasion de Rochefort » (vers 1881) par Édouard Manet – Musée d’Orsay
À gauche : « Le Combat du Kearsarge et de l’Alabama » (1864) par Édouard Manet – Philadelphia Museum of Art
Au centre : « Bains de mer. Petite fille peignée par sa bonne » (1869-1870) par Edgar Degas – National Gallery (Londres)

Impressionnismes

Après la guerre de 1870-1871, Manet se serait tenu à distance du mouvement Impressionniste, alors même que sa peinture y aurait fait allégeance ; inversement, Degas n’aurait jamais tant affiché son mépris d’une approche trop sensible du réel qu’au cours de ces mêmes années, qui le voient prendre la tête du groupe.

« La Famille Monet au jardin » (1874) par Edouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
Détail de « En bateau » (1874) par Édouard Manet (1832-1883) – The Metropolitan Museum of Art (New York)

« Je le crois décidément beaucoup plus vaniteux qu’intelligent.» – Degas à propos de Manet

« Bateaux en mer. Soleil couchant » (vers 1868) par Édouard Manet – Musée d’Art moderne André-Malraux (Le Havre)
« Mary Cassatt au musee du Louvre » (1885) par Edgar Degas – The Art Institute of Chicago

Réseaux croisés

Manet a connu les plus grands écrivains de son époque, et les a associés à son oeuvre par le portrait et la communauté d’inspiration. Sa dette envers Baudelaire, Zola, Astruc et Mallarmé, parmi d’autres, a laissé de nombreuses traces dans sa peinture et sa vie. Degas aura moins fait étalage de ses goûts et de ses relations littéraires avant les années 1870.

« George Moore au café » (1878 ou 1879) par Édouard Manet – The Metropolitan Museum of Art (New York)
Au centre : « Dans un café » (entre 1875 et 1876) par Edgar Degas – Musée d’Orsay

Parisiennes

À travers des figures de Parisiennes dans leur environnement familier se noue un dialogue étroit entre les deux artistes. Manet et Degas font émerger une peinture dans laquelle la représentation des femmes de différentes catégories sociales évoquant la vie moderne joue un rôle déterminant.

« La Prune » (vers 1877) par Édouard Manet – National Gallery of Art (Washington)
À gauche : « Repasseuses » (1884-1886) par Edgar Degas – Musée d’Orsay – à droite : « Blanchisseuse (silhouette) » (1873) par Edgar Degas – The Metropolitan Museum of Art (New York)
« Chez la modiste » (1881) par Edouard Manet – Fine Arts Museums of San Francisco

Masculin – féminin

Parmi les traits de personnalité qui distinguent Manet et Degas figurent en bonne place leurs relations avec les femmes. Décrit comme un séducteur, Manet, n’est jamais aussi à son aise qu’entouré d’une société féminine.

« Violoniste et jeune femme (Raoul Madier de Montjau et sa femme, la cantatrice Émilie Fursch-Madier) » (vers 1871) par Edgar Degas – Institute of Arts (Detroit)

À l’inverse, Degas n’aurait, de son propre aveu, « jamais fait beaucoup la noce ». Ces différences de tempérament se retrouvent en partie dans leurs œuvres : tandis que Manet représente des femmes dont la pose et le regard traduisent une certaine assurance, les relations entre hommes et femmes apparaissent presque toujours troublées ou déséquilibrées dans les œuvres de Degas.

« Artiste dans son atelier (Portrait d’Henri Michel-Lévy?) » (vers 1878) par Edgar Degas – Calouste Gulbenkian Museum (Lisbonne)
À gauche : « Le Tub » (1886) par Edgar Degas – Musée d’Orsay – à droite : « Femme dans un tub » (1878) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

Du nu

La nouvelle peinture dissolvent les canons de beauté au profit de la réalité corporelle. D’Olympia de Manet aux « baigneuses en chambre » de Degas, la nudité féminine, loin de n’être qu’objet, affiche une vérité aussi engageante que dérangeante.

« Femme nue accroupie, de dos » (vers 1876) par Edgar Degas – Musée d’Orsay
Au centre : « Olympia (d’après Manet) » (1891) par Paul Gauguin – Collection particulière

Après Manet

Frappé par la mort prématurée de Manet en 1883, Degas aurait déclaré au moment de ses obsèques : « il était plus grand que nous le croyions ».

« Gitane à la cigarette » (vers 1862) par Edouard Manet – University Art Museum (Princeton)

Avec près de 80 œuvres, Manet occupe une place éminente dans la collection d’œuvres d’art de Degas. La persévérance de ce dernier lui permet de réunir plusieurs fragments de l’un des tableaux les plus ambitieux de Manet : « L’Exécution de Maximilien » dont il existe plusieurs versions.

« L’Exécution de Maximilien » (1867-1868) par Édouard Manet – National Gallery (Londres)

Commissariat de l’exposition

Commissaire générale
Laurence des Cars, présidente – directrice du musée du Louvre

Commissaires à Paris
Isolde Pludermacher, conservatrice générale peinture au musée d’Orsay
Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès du président des musées d’Orsay et de l’Orangerie

Commissaires à New-York
Stephan Wolohojian, conservateur John Pope-Hennessy en charge du département des peintures européennes, The Metropolitan Museum of Art, New York
Ashley E. Dunn, conservatrice associée, département des dessins et estampes, The Metropolitan Museum of Art, New York

Détail de « L’Homme mort » dit aussi « Le Torero mort » (1864) par Édouard Manet – National Gallery of Art (Washington)

Cette exposition est organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie et le Metropolitan Museum of Art (New York) où elle sera présentée de septembre 2023 à janvier 2024.

« Nana » (1877) par Édouard Manet – Hamburger Kunsthalle (Hambourg)

En savoir +

Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée d’Orsay.

Détail de « Le Faux Départ » (1869-1872) par Edgar Degas – Yale University Art Gallery (New Haven)

Sources :
– texte : panneaux et cartels de l’exposition
– images par @scribeaccroupi

« La Lecture » (vers 1866, sans doute repris vers 1873) par Édouard Manet – Musée d’Orsay

Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing
75007 Paris

[Web-série] Peinture française du XVIIe au Louvre

Peinture française du XVIIe siècle au musée du Louvre
Web-série en 4 parties, proposée par Coupe-File Art et Scribe Accroupi

Le musée du Louvre est un lieu incomparable pour admirer les plus grands peintres français du Grand Siècle, Nicolas Poussin, Simon Vouet, les frères Le Nain, Charles Le Brun, Eustache Le Sueur, Valentin de Boulogne ou Georges de La Tour.

Nicolas Milovanovic, conservateur en chef du patrimoine au département des Peintures du Louvre, vous invite à découvrir cette peinture française du XVIIe siècle au travers d’une web-série en 4 épisodes, tournée au cœur des collections du musée du Louvre.

Nicolas Milovanovic

Épisode 1 : Les Français à Rome

Le premier épisode est consacré aux artistes français partis à Rome au XVIIe siècle. Il montre le parcours très différent de chacun tout en abordant leur influence sur les peintres français à Rome et en France.

Épisode 2 : L’atticisme

Le deuxième épisode est consacré à l’atticisme, terme qui décrit la peinture classique française du milieu du XVIIe siècle, celle marquée par l’influence de Nicolas Poussin. Cet épisode permet de définir ce « courant » et d’interroger sa pertinence et son origine.

Épisode 3 : Les peintres de la réalité

L’attention portée à la réalité, cherchant ainsi par la non idéalisation un vraisemblable plus qu’une vérité idéale, touche au XVIIe siècle l’ensemble de l’Europe. En France, l’importance du goût est telle qu’un terme a même été créé pour désigner certains artistes : les peintres de la réalité.

Épisode 4 : Peindre sous Louis XIV

Ce dernier épisode permet d’aborder la peinture sous Louis XIV par l’évocation notamment du rôle de Charles le Brun, premier peintre du roi, en interrogeant la légende tenace d’une dictature des arts menée par ce dernier et le ministre Colbert.

Cette web-série est réalisée avec Nicolas Bousser et Antoine Lavastre du web-magazine Coupe-File Art et Scribe Accroupi.
Musique originale par Julien Bousser
Réalisation par Coupe-File Art et Scribe Accroupi

Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic, entouré par Antoine Lavastre et Nicolas Bousser (décembre 2022) – Musée du Louvre
Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic (décembre 2022) – Musée du Louvre

Toutes les images par Coupe-File Art (Nicolas Bousser – Antoine Lavastre) et Scribe Accroupi.

Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic (décembre 2022) – Musée du Louvre

En savoir +

Découvrez les oeuvres présentées dans cette web-série sur le site Internet dédié aux collections du Louvre.
Retrouvez aussi cette web-série sur le site Internet du web-magazine Coupe-File Art et dans la playlist de ma chaîne YouTube.

Coulisses du tournage avec Nicolas Milovanovic (décembre 2022) – Musée du Louvre

[Exposition] « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » au musée du Luxembourg

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur »
15 mars – 16 juillet 2023
Musée du Luxembourg

Le Musée du Luxembourg propose une exposition sur Léon Monet (1836-1917), le frère aîné du peintre français Claude Monet. Les peintures et dessins de Monet, Sisley, Pissarro et Renoir, issus de sa collection, mais aussi des documents d’archives et de nombreuses photographies de famille apportent un éclairage inédit sur cette personnalité restée dans l’ombre.
De plus, l’exposition permet au public de découvrir, pour la toute première fois, le portrait que Claude Monet fait de son frère en 1874.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

Une jeunesse havraise

En 1845, Adolphe Monet, son épouse et leurs deux enfants, Claude et Léon, s’installent au Havre. Travailleur, le jeune Léon est recruté comme commis dans l’entreprise familiale. Il choisit bientôt une voie différente et décide d’étudier la chimie des couleurs.

« Jardin en fleurs à Sainte-Adresse » (vers 1866) par Claude Monet – Musée d’Orsay, dépôt au musée Fabre (Montpellier)

De son côté, Claude est un élève dissipé qui s’adonne à la caricature sur les bancs de l’école.

« Homme en costume marin » (vers 1857) par Claude Monet – Collection particulière

En 1856, la rencontre avec le peintre Eugène Boudin est décisive pour le jeune Claude. Celui-ci l’incite à abandonner la caricature, lui propose de l’accompagner peindre en plein-air et lui apprend le dessin.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg
Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

La famille Monet

En 1836, un an après leur union à Paris, Louise-Justine et Adolphe Monet accueillent un premier fils, Léon Pascal et en 1840, un second garçon, nommé Oscar Claude.

« Portrait d’Adolphe Monet (1865) par Claude Monet – Zimmerli Art Museum

En 1865, Léon épouse Etiennette Joséphine Robert. Le couple s’installe en 1869 à Déville-lès-Rouen, où Léon est représentant de commerce pour la société suisse Geigy & Co.

« Portait de Michel Monet en bonnet à pompon » (1880) par Claude Monet – Musée Marmottan Monet (Paris)

En 1897, deux ans après la mort de sa première femme, Léon se remarie avec Aurélie Blis. Déjà mère d’Adrienne, âgée de 11 ans, Aurélie donne naissance à Louise Monet en 1901.

Claude Monet (1875) par Auguste Renoir – Musée d’Orsay

La volonté de transmettre

La petite-fille de Léon Monet, Françoise, a grandi dans le souvenir et l’admiration de son grand-oncle Claude Monet. Étudier la dermatologie, elle manie aussi avec passion les crayons et les pinceaux et s’initie au dessin académique.
Avant son décès à l’âge de quatre-vingt-onze ans, le 21 décembre 2017, Françoise a émis un souhait, ou plutôt deux. Celui de voir un jour l’histoire de Léon et de Claude Monet, son grand-père et son grand-oncle, révélée. Et celui que le portrait de Léon Monet, peint par Claude en 1874 rejoigne un jour les collections publiques françaises.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

Le portrait refusé, le chef-d’œuvre révélé

Ce portrait inédit est la seule représentation de Léon Monet par son frère Claude.

« Portrait de Léon Monet » (1874) par Claude Monet – Collection particulière

Léon porte une redingote, ornée d’une chaîne de montre et d’une épingle bien visibles sur l’étoffe sombre ainsi qu’un chapeau melon en feutre noir. L’intensité du regard est soulignée par le sourcil relevé qui traduit une certaine autorité.
Est-ce son aspect inachevé qui déplu à Léon ? Il décida, en tout cas, de le cacher.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur » – Musée du Luxembourg

Léon Monet collectionneur

Léon Monet fait partie de la première génération de collectionneurs impressionnistes. Il acquiert très tôt un certain nombre de paysages et de natures mortes exécutés par son frère, à l’époque où celui-ci peine à trouver des clients pour ses œuvres.

« L’Institut au quai Malaquais » (1872) par Auguste Renoir – Collection particulière, courtesy of Connery & Associates

L’amateur apprécie la peinture de Camille Pissarro, d’Alfred Sisley et d’Auguste Renoir, et cherche à les promouvoir.

« Route de Louveciennes, effet de neige » (1874) par Alfred Sisley – Museum Barberini (Potsdam)

En 1875, il est présent à la première grande vente impressionniste qui s’ouvre à l’hôtel Drouot, à Paris. Il acquiert aux moins cinq peintures, se positionnant juste après le marchand Paul Durand-Ruel qui n’en achète pas moins de 18.

« Vue de Rouen au bouquet de dahlias » (1907) par Marcel Delaunay – Collection particulière

Par ailleurs, des peintures et dessins d’artistes rouennais complètent sa collection : Georges Bradberry, Marcel Delaunay, Joseph Delattre, Charles Frechon ou Narcisse Guilbert.

« Sur la plage des Petites-Dalles » (1873) par Berthe Morisot – Virginia Museum of Fine Arts (Richmond)

Villégiatures normandes

À la fin du XIXe siècle, Léon Monet tombe sous le charme du village des Petites-Dalles où il acquiert un terrain et fait construire au bord de l’eau une petite maison en brique. Claude Monet rend visite à son frère en 1880 et, séduit par le site, revient l’année suivante et de nouveau en 1884.

« Étretat » (1864) par Claude Monet – Collection « Peindre en Normandie », dépôt au musée Les Franciscaines (Deauville)

Chaque année, il peint les hautes falaises crayeuses et restitue habilement la grandeur sauvage des lieux.

« Étretat » (1884) par Claude Monet – Musée Eugène Boudin (Honfleur)
« La plage de Sainte-Adresse » (1864) par Claude Monet – Tochigi Prefectural Museum of Fine Arts

En 1897, Léon Monet revend la maison des Petites-Dalles. Dès lors, Léon et Aurélie Monet décident de passer la période estivale à Étretat, à Pourville, à Varengeville ou à Villers-sur-mer.

« Fenaison. Rouen depuis la rive gauche » (1891-1895) par Charles Frechon – Collection particulière

Rouen : la vallée aux cent cheminées

L’industrialisation des grandes villes au XIXe siècle n’est pas un thème central de la production de Claude Monet, contrairement à Pissarro qui, lors de ses séjours à Rouen, est captivé par les cheminées fumantes des usines de la rive gauche.

« La lune à la rivière Sumida » par Toyohara Kunichika et Toyohara Chikanobu

La cuisine aux couleurs de Léon Monet

Directeur de l’usine française de Geigy & Co située à Maromme, Léon Monet se spécialise dans l’impression des cotons et dans les teintures pour soie, laine et coton. En mars 1892, Claude Monet, qui travaille face à la cathédrale, participe à un dîner avec les amis chimistes de son frère.

À gauche : « La cathédrale de Rouen. Le portail et la tour Saint-Romain. Plein soleil » (1894) par Claude Monet – Musée d’Orsay – à droite : « La Seine à Rouen » (1872) par Claude Monet – Shizuoka Prefectoral Museum of Art

Monet à Rouen : une révolution de cathédrale

En 1864, Claude se rend pour la première fois à Rouen. En 1872, il met à profit un nouveau séjour pour peindre des vues de la ville depuis le fleuve. Il faut ensuite attendre presque vingt ans pour qu’il revienne peindre à Rouen.
En février 1892, Monet se concentre sur la cathédrale.
En 1895, il expose à la galerie Durand-Ruel à Paris le fruit de ses campagnes de 1892 et 1893, provoquant « une Révolution de cathédrale » dans le monde de l’art.

À droite : « La maison de l’artiste vue du jardin aux roses » (vers 1922-1924) par Claude Monet – Musée Marmottan Monet (Paris)

Monet à Giverny : peindre la couleur

En 1899, Monet commence à peindre son jardin de Giverny qui devient rapidement son unique thème d’inspiration.
En 1912, on lui diagnostique une cataracte qui altère sa perception des couleurs. Ayant de plus en plus de mal à reconnaître les nuances et les teintes, l’artiste se fie uniquement aux étiquettes de ses tubes de couleurs et à l’ordre qu’il adopte sur sa palette.

« La plaine en septembre » (vers 1908) par Georges Bradberry – Collection Arnaud Tellier

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

Commissariat de l’exposition

Géraldine Lefebvre, docteure en histoire de l’art, spécialiste du XIXe siècle

Lettre à Camille Pissarro avec dessin de Claude en train de peindre sur le motif aux Petites Dalles (21 octobre 1884) par Léon Monet – Collection Géraldine Lefebvre

Source pour le texte : Guide visite de l’exposition

En savoir +

Consultez la page spéciale dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée du Luxembourg.

Exposition « Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur »
15 mars – 16 juillet 2023
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard
75006 Paris

[Visite privée] Exposition « Visages des guerres de religion » à Chantilly

Exposition « Visages des guerres de religion »
4 mars – 21 mai 2023
Cabinet d’arts graphiques du musée Condé
Château de Chantilly

Après la mort d’Henri II, l’unité du royaume de France se fracture peu à peu. Avec la croissance spectaculaire du calvinisme au cours des années 1550, le face-à-face confessionnel entre catholiques et protestants devient de plus en plus frontal et violent. La guerre civile qui va les opposer rythmera les quarante dernières années du XVIe siècle, entrecoupées de batailles, de massacres et de paix précaires.

Grâce aux portraits des acteurs de cette période, Mathieu Deldicque, conservateur en chef du patrimoine et directeur du musée Condé, partage avec nous cette page sombre de l’histoire de France.

« Meurtre du duc de Guise » (1834) par Paul Delaroche (1797-1856) – Musée Condé

Le musée Condé de Chantilly conserve l’une des plus importantes collections relatives aux guerres de Religion. Ces guerres civiles étaient l’une des périodes de prédilection de la génération romantique à laquelle appartenait le jeune duc d’Aumale. Son frère aîné, Ferdinand- Philippe, duc d’Orléans, commanda par exemple à Paul Delaroche l’un des tableaux d’histoire les plus célèbres du XIXe siècle (image ci-dessus), exposé aujourd’hui dans la Tribune du musée Condé.

« Louis Ier de Bourbon, prince de Condé (1530-1569) » (vers 1565) par l’atelier de François Clouet – Musée Condé

Historien de Louis, premier prince de Condé, l’un des principaux chefs du parti huguenot (image ci-dessus), le duc d’Aumale avait hérité des riches archives Montmorency et Condé. Il les compléta par la collection de portraits dessinés, peints et gravés la plus importante au monde concernant la Renaissance française.

« Les trois frères Coligny » d’après Marc Duval (1530?-1584) – Musée Condé
« Odet de Coligny, cardinal de Châtillon (1517-1571) » (vers 1555-1560) par François Clouet et son atelier – Musée Condé

Odet de Coligny (tableau ci-dessus) était l’aîné de trois frères qui furent des acteurs majeurs des guerres de Religion. Archevêque de Toulouse en 1534, puis évêque-comte de Beauvais, il se convertit à la religion réformée.

« François de Coligny, seigneur d’Andelot (1521-1569) » (vers 1555-1558) par François Clouet et son atelier – Musée Condé

François de Coligny (image ci-dessus) fut le premier de la fratrie à embrasser le calvinisme. Il accomplit alors une action spectaculaire, en organisant ouvertement des prêches réformés tout au long de son voyage, qui le conduisit sur ses terres bretonnes. Henri II ordonna alors son emprisonnement. Libéré, il participa activement aux premières guerres de Religio. Ce portrait précède sa conversion officielle : François Clouet, portraitiste royal et agissant sur son commandement, n’aurait pas portraituré un seigneur ouvertement réformé et opposé au roi.

« Gaspard Il, comte de Coligny, seigneur de Chatillon (1519-1572) » (vers 1550-1552) par François Clouet et son atelier – Musée Condé
Exposition « Visages des guerres de religion » – Château de Chantilly
« Charles, cardinal de Guise puis de Lorraine (1524-1574) » par François Clouet – Musée Condé

Fils cadet de Claude de Guise, Charles fut nommé très jeune archevêque de Reims. Cardinal en 1547, évêque de Metz de 1550 à 1551, il fut l’un des plus puissants personnages du royaume, notamment sous le roi François II, mais aussi un grand mécène. À la mort de son frère, en 1563, il prit la tête du parti catholique.
Le prélat d’État figure ici après son accession au cardinalat. Le modèle a été sciemment vieilli par le dessinateur, afin d’asseoir son autorité.

Henri l de Lorraine, duc de Guise et prince de Joinville (1550-1588) » (vers 1588-1595) par un artiste anonyme – Musée Condé
« Anne d’Este, duchesse de Guise puis de Nemours (1531-1607) » par l’Atelier de Léonard Limosin – Musée Condé
« Le Massacre de Wassy (I° mars 1562) » – Gravure sur bois en relief par Jacques Tortorel et Jean Perrissin – Bibliothèque du musée Condé
« Isabelle (Isabeau) d’Hauteville, comtesse de Beauvais (vers 1530-1611) » (vers 1550) par François Clouet et son atelier – Musée Condé

D’abord sa maîtresse, Isabelle de Hauteville (image ci-dessus) épousa le 1er décembre 1564 Odet de Coligny, cardinal de Châtillon. Elle l’accompagna en Angleterre et revint en France peu après sa mort en 1571.
Ce crayon fut composé, avec la série des dames et demoiselles d’honneur de Catherine de Médicis et de ses filles (Isabelle était la fille d’honneur de Marguerite de France), bien avant sa conversion.

Renée de Rieux, marquise de Nesle, dite Guyonne, comtesse de Laval (vers 1524-1567) » (vers 1547-1552) par François Clouet et son atelier – Musée Condé

Renée de Rieux, puissante et riche dame de Catherine de Médicis, était l’héritière des Rieux et des Laval. Séparée de son époux, elle obtint du roi Henri II le pouvoir d’administrer elle-même ses propres biens. Proche de François d’Andelot, son beau-frère, Renée adhéra à la Réforme, ce qui lui valut l’excommunication pontificale. Elle fut l’une des instigatrices de la surprise de Meaux, conspiration destinée à enlever Charles IX (1567). À la suite de ce dernier échec, elle fut condamnée à être décapitée par le Parlement de Paris, sans que sa sentence ne soit appliquée, mais mourut quelque temps après.

« La bataille de Jarnac (13 mars 1569) » (1569-1573) – Gravure à l’eau-forte par Franz Hogenberg (1539/40-1590) – Musée Condé
Exposition « Visages des guerres de religion » – Château de Chantilly

Toutes les photographies par @scribeaccroupi.

« Portrait d’un jeune garçon sous la Ligue » (vers 1580) par  François Quesnel (vers 1543-1616) – Musée Condé

Durant les guerres de Religion, et notamment sous la Ligue, des enfants catholiques âgés de deux à quatorze ans, que Denis Crouzet a nommés les « enfants bourreaux », participaient à l’exécution des hérétiques ou aux processions catholiques. Le rôle des enfants dans les rituels de violence collective culmina lors de la Saint-Barthélemy et reprit avec la mort des Guises en 1588 et les actions de la Ligue. C’est ainsi que le cadavre de l’amiral de Coligny fut châtré et amputé de ses mains et de ses pieds par de tout jeunes tortionnaires.

« Le septre de Milice » – Gravure à l’eau-forte par Léonard Gaultier (1561-1641) – Musée Condé

En savoir +

Consultez la page spéciale dédiée à l’exposition sur le site Internet du château de Chantilly

Henri IV, roi de France (1553-1610) » (vers 1610) par un artiste de l’École française du début du XVIl° siècle – Musée Condé

Exposition « Visages des guerres de religion »
4 mars – 21 mai 2023
Cabinet d’arts graphiques du musée Condé
Château de Chantilly
60500 Chantilly

[Chef-d’œuvre] « Mars et Vénus » de Nicolas Poussin

« Mars et Vénus » (vers 1625)
Nicolas Poussin (1594-1665)
Musée du Louvre

Mickaël Szanto, maître de conférences à Sorbonne Université, commente ce tableau conservé au Musée du Louvre.

« Mars et Vénus » (vers 1625) par Nicolas Poussin (1594-1665) – Musée du Louvre

Comme le souligne Nicolas Milovanovic dans le catalogue de l’exposition, cette œuvre est difficile à apprécier en raison de son état de conservation médiocre. En effet, la couche picturale est usée sur toute la surface et s’est effondrée sur une toile au tissage grossier, ce qui lui donne aujourd’hui un aspect assez déplaisant.

La vivacité de la touche du maître n’étant plus visible, le tableau a été dénigré et les spécialistes de Poussin – notamment Anthony Blunt et Pierre Rosenberg – ont douté de son authenticité.

Pourtant, en 2012, Pierre Rosenberg revint sur son sentiment initial et suggéra que le tableau pourrait être de la main du maître. Selon les commissaires de l’exposition lyonnaise « Poussin et l’amour », la restauration menée en 2014-2015 a pleinement confirmé cette intuition. En effet, le retrait de l’ancienne toile de rentoilage a révélé une inscription au revers de la toile originale : « PVSSIN. FIN. ROMA / 1632 ».

Quelques détails révèlent la main du maître : les doigts caressants de Mars et les motifs très maîtrisés de son casque, les fleurettes sur le front de Vénus ou encore les plis sur la cuisse dodue du putto renversé sur le dos.

Le caractère vaudevillesque de la composition est très inhabituel chez Poussin. En effet, Vénus fait le geste des cornes, se moquant ainsi de son amant en suggérant qu’il est lui-même cocu. D’ailleurs, à l’arrière-plan, un jeune homme reçoit une lettre de la déesse, portée par un Amour : il s’agit sans doute d’Adonis, un autre amant de Vénus.

Le tableau montre donc un trio d’amoureux, les deux amants étant dupés par leur amante. Le sujet est léger, loin de l’esprit de sérieux d’un peintre philosophe.

Source pour le texte : catalogue de l’exposition

Cette vidéo est extraite de la visite privée de l’exposition « Poussin et l’amour », présentée du 26 novembre 2022 au 5 mars 2023 au musée des Beaux-Arts de Lyon.

[Chef-d’œuvre] « Acis et Galatée » de Nicolas Poussin

« Acis et Galatée » (vers 1626)
Nicolas Poussin (1594-1665)
National Gallery of Ireland (Dublin)

Nicolas Milovanovic, conservateur en chef du Patrimoine au Département des Peintures du Louvre, présente ce tableau conservé à la National Gallery of Ireland.

« Acis et Galatée » (vers 1626) par Nicolas Poussin (1594-1665) – National Gallery of Ireland (Dublin)

Comme le rappelle Nicolas Milovanovic dans le catalogue de l’exposition, la scène représentée par Nicolas Poussin superpose le cyclope Polyphème et les deux amants, Acis et Galatée. Ces derniers sont abrités par la draperie rouge portée par les Amours.

Assis sur un rocher, Polyphème est solitaire. Il exprime sa douleur par le son de la flûte de Pan qu’il serre entre ses mains. Le contraste entre la joie et la tristesse est saisissant. La figure de Polyphème est à la fois poignante et menaçante, quand on connaît la suite du récit, la mort d’Acis écrasé par un rocher projeté par le cyclope.

Mais pour l’instant, la fête des sens bat son plein et les deux amants sont enlacés sur des draperies étendues et ignorent le reste du monde, dans une lumière crépusculaire.

Il est possible que Poussin se soit inspiré du texte d’Ovide, lequel fait prononcer au cyclope une longue tirade d’amoureux transi obsédé par la beauté et les rebuffades de sa belle :

« Ô Galatée, tu es plus blanche qu’un beau lys, plus fraîche que les fleurs de la prairie, […] Mais en même temps, ô Galatée, tu es plus sauvage que la génisse indomptée, plus dure que le chêne chargé d’ans, plus trompeuse que l’onde […] Je souffrirais moins vivement de tes mépris, si tu fuyais tout le monde, comme tu me fuis : mais pourquoi repousser le Cyclope, et chérir un Acis ? Pourquoi préférer à mes caresses les caresses d’Acis ? […] Je lui arracherai, tout vivant, les entrailles ; je lancerai ses membres déchirés à travers les champs, et jusque dans la mer où tu habites : oh ! ainsi, soyez-vous réunis ! car enfin je brûle, et la flamme irritée n’en est que plus vive et plus terrible » – Ovide dans le livre XIII des « Métamorphoses »

Source pour le texte : catalogue de l’exposition

Cette vidéo est extraite de la visite privée de l’exposition « Poussin et l’amour », présentée du 26 novembre 2022 au 5 mars 2023 au musée des Beaux-Arts de Lyon.

[Chef-d’œuvre] « Vénus épiée par deux satyres » de Nicolas Poussin

« Vénus épiée par deux satyres » (vers 1626)
Nicolas Poussin (1594-1665)
The National Gallery (Londres)

Nicolas Milovanovic, conservateur en chef du Patrimoine au Département des Peintures du Louvre, présente ce tableau conservé à la National Gallery de Londres.

« Vénus épiée par deux satyres » (vers 1626) par Nicolas Poussin (1594-1665) – The National Gallery (Londres)

Poussin concentre le sujet dans ce format atypique, vertical, qui autorise un face-à-face intime. Comme l’indique Mickaël Szanto dans le catalogue de l’exposition, c’est de sexe dont il est question avant tout dans ce tableau.

En effet, Vénus s’abandonne au plaisir des sens, tandis qu’un satyre retire le voile qui la recouvre pour mieux scruter ce qu’il est venu voir…

Au second plan, un satyre préfère rester en retrait sans rien perdre de la scène. Sa main gauche, cachée par le tronc de l’arbre, ne fait pas mystère de sa fonction.

Ce chef-d’œuvre est le fruit d’une longue maturation sur le thème de la Vénus – ou de la nymphe – épiée, dont une autre version, conservée à Dresde, pourrait être la première réflexion.

Vénus n’est pas la Vénus Ourania, la Venus céleste, mais de la Vénus Pandemos, celle qui préside aux accouplements et éveille les désirs de chair.

« L’air mesme caligineux
Plein d’ombrages nubileux
Par dessus la terre descharge
Pour l’amour de Vénus sa charge »
– Euripide

« Vénus épiée par deux satyres » (vers 1626) par Nicolas Poussin (1594-1665) – Kunsthaus (Zurich)

Source pour le texte : catalogue de l’exposition

« Vénus épiée par deux satyres » (vers 1626) par Nicolas Poussin (1594-1665) – Collection particulière

Cette vidéo est extraite de la visite privée de l’exposition « Poussin et l’amour », présentée du 26 novembre 2022 au 5 mars 2023 au musée des Beaux-Arts de Lyon.

 

[Chef-d’œuvre] « L’Inspiration du Poète » de Nicolas Poussin

« L’Inspiration du poète » (vers 1628-1629)
Nicolas Poussin (1594-1665)
Musée du Louvre

Nicolas Milovanovic, conservateur en chef du Patrimoine au Département des Peintures du Louvre, présente ce tableau de Poussin, récemment restauré.

Comme le souligne Nicolas Milovanovic dans le catalogue de l’exposition, Apollon est la figure dominante du tableau. Appuyé sur sa lyre, il dicte son œuvre au poète.

La composition, très rigoureusement construite, est rythmée par les verticales des personnages monumentaux et des arbres à l’arrière-plan.

Le bleu lapis intense du ciel ressort par contraste avec le blanc pur des nuages. Il fait vibrer les tonalités plus chaudes des drapés, jaune, orangé et rouge.

Au cours de la restauration menée en 2018-2019, la décision a été prise de retirer les drapés qui recouvraient les putti, sans doute des repeints de pudeur. Ces repeints dataient soit de la période où le tableau appartenait au duc Mazarin, soit du moment où l’œuvre prit place dans la galerie de l’hôtel parisien de la comtesse de Verrue.

Source pour le texte : catalogue de l’exposition

Cette vidéo est extraite de la visite privée de l’exposition « Poussin et l’amour », présentée du 26 novembre 2022 au 5 mars 2023 au musée des Beaux-Arts de Lyon.

[Chef-d’œuvre] « Paysage de tempête avec Pyrame et Thisbé » de Nicolas Poussin

« Paysage de tempête avec Pyrame et Thisbé »
Nicolas Poussin (1594-1665)
Städelsches Kunstinstitut (Francfort-sur-le-Main)

Mickaël Szanto, maître de conférences à Sorbonne Université, commente ce tableau conservé au Städel Museum de Francfort.

« Paysage de tempête avec Pyrame et Thisbé » par Nicolas Poussin (1594-1665) – Städelsches Kunstinstitut (Francfort-sur-le-Main)

Ce grand paysage de Nicolas Poussin est l’une des rares peintures à propos desquelles Poussin lui-même se soit livré :

« J’ai essayé de représenter une tempête sur terre, imitant le mieux que j’ai pu, l’effet d’un vent impétueux, d’un air rempli d’obscurité, de pluie, d’éclairs et de foudres qui tombent en plusieurs endroits, non sans y faire du désordre. » – Nicolas Poussin, lettre à Jacques Stella (1651)

« Toutes les figures qu’on y voit, jouent leur personnage selon le temps qu’il fait ; les unes fuient au travers de la poussière et suivent le vent qui les emporte ; d’autres au contraire vont contre le vent et marchent avec peine, mettant leurs mains devant leurs yeux. » – Nicolas Poussin, lettre à Jacques Stella (1651)

« D’un côté un berger court et abandonne son troupeau, voyant un lion, qui, après avoir mis par terre certains bouviers, en attaque d’autres, dont les uns se défendent et les autres piquent leurs bœufs et tâchent de se sauver. Dans ce désordre, la poussière s’élève par gros tourbillons. Un chien assez éloigné aboie et se hérisse le poil, sans oser approcher. » – Nicolas Poussin, lettre à Jacques Stella (1651)

« Sur le devant du tableau l’on voit Pyrame, mort et étendu par terre, et auprès de lui Thisbé qui s’abandonne à la douleur. » – Nicolas Poussin, lettre à Jacques Stella (1651)

Comme le souligne Mickaël Szanto dans le catalogue de l’exposition, le sujet principal représenté par Poussin n’est donc pas la tragédie amoureuse de Pyrame et Thisbé mais une tempête. Curieusement, l’eau du vaste lac – qui est le cœur de la composition – est paisible et immobile.

La puissance statique du lac s’oppose à l‘orage des passions humaines dont il est l’arrière-plan. Car, conformément à la fable relatée par Ovide dans ses « Métamorphoses », Thisbé va bientôt se donner la mort, incapable de survivre à Pyrame dont elle est passionnément éprise.

Source pour le texte : catalogue de l’exposition

Cette vidéo est extraite de la visite privée de l’exposition « Poussin et l’amour », présentée du 26 novembre 2022 au 5 mars 2023 au musée des Beaux-Arts de Lyon.