[Exposition] « Pharaons Superstars » au Mucem de Marseille

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Exposition « Pharaons Superstars »
22 juin — 17 octobre 2022
Mucem (Marseille)

Khéops, Néfertiti, Toutânkhamon, Ramsès et Cléopâtre sont des noms qui nous sont familiers. L’exposition du Mucem se propose de nous raconter comment ces rois et reines de l’Égypte ancienne sont devenus, de nos jours, des icônes internationales, tandis que d’autres, qui ont connu leur heure de gloire dans l’Antiquité, sont aujourd’hui oubliés.
C’est passionnant !

Sphinx de Nectanébo Ier – Égypte (380-361 av. J.-C.) – Musée du Louvre

Des hiéroglyphes égyptiens à la musique pop en passant par les enluminures médiévales et la peinture classique, l’exposition présente près de 300 pièces issues des fonds du Mucem et des plus grandes collections françaises et européennes.

« L’idée étant de faire connaître des pharaons importants ou sans gloire de leur vivant, et de suivre leurs destins jusqu’au XXIe siècle de notre ère, tout en exposant les raisons et les événements qui en ont fait des “superstars” au fil des siècles ou les ont maintenus dans l’oubli collectif. Autrement dit, exposer “l’ironie de l’Histoire”. » – Frédéric Mougenot, commissaire général de l’exposition

Poing gauche d’un colosse de Ramsès II – Égypte (XIIIe siècle av. J.-C.) – British Museum (Londres)

3 000 ans d’histoire, quelques règnes mémorables

Les sources antiques témoignent abondamment de la popularité dont quelques pharaons ont joui après leur mort, parfois sur plusieurs siècles voire des millénaires.

Pied d’un autel consacré à Ramsès II, réutilisé par Ramsès III, Ramsès VII et Ramsès IX – Mit Rahina, Égypte (XIIe-XIIe siècle av. J.-C.) – Musée d’Archéologie méditerranéenne (Marseille)

Dans la pensée égyptienne, l’individu survit dans l’au-delà aussi longtemps que son nom demeure – écrit ou prononcé –, et tant que ses images sont conservées. Le roi prépare donc son propre culte funéraire par l’érection de temples et de statues qui portent ses noms, inscrits sur des cartouches. Il cherche aussi à s’attirer la bénédiction de ses prédécesseurs divinisés. Il doit surtout œuvrer de façon visible pour la communauté et susciter l’amour de ses sujets, même après sa mort. Or, ce ne sont pas toujours les pharaons les plus méritants dans ces domaines qui sont parvenus jusqu’à nous.

Détail du fragment de paroi d’une tombe figurant le roi Menkaouhor mille ans après son règne – Égypte (XIVe siècle av. J.-C.) – Musée du Louvre

Les monuments royaux, temples, pyramides et colosses marquent le paysage de la vallée du Nil. Ils sont la trace laissée par les pharaons qui les ont érigés, notamment Khéops, le célèbre commanditaire de la Grande Pyramide, mais également Téti et Menkaouhor, moins connus aujourd’hui mais longtemps commémorés par les anciens Égyptiens.

À droite : statue de dieu-faucon protégeant un pharaon, probablement Nectanébo II – Égypte (IVe siècle av. J.-C.) – Musée du Louvre

La monarchie pharaonique est censée être éternelle et ininterrompue. C’est pourquoi le roi prend soin d’apparaître comme le digne héritier de ses prédécesseurs les plus prestigieux : il leur consacre des monuments et des offrandes et s’inspire de leurs images et de leurs titulatures.

Détail de la statue d’Amon et de Toutankhamon dont les images et les noms ont été détruits – Karnak ou Louxor, Égypte (XIVe siècle av. J.-C.) – Musée du Louvre
Détail de la statue d’Amon et de Toutankhamon dont les images et les noms ont été détruits – Karnak ou Louxor, Égypte (XIVe siècle av. J.-C.) – Musée du Louvre

Les Égyptiens effacent aussi le souvenir de certains pharaons en les omettant des listes royales, en supprimant leurs noms et en détruisant leurs images. Tel a été le sort de la femme pharaon Hatchepsout qui a créé un précédent risqué pour la transmission du pouvoir entre hommes, ou encore d’Akhénaton et de son épouse Néfertiti qui ont tenté une réforme radicale de la religion et du pouvoir.

Image d’Hatchepsout mise au nom de son prédécesseur – Deir el-Bahari, Égypte (XVe siècle av. J.-C.) – Musées royaux d’Art et d’Histoire (Bruxelles)

Toutes les figurines funéraires qui devaient servir Akhénaton dans l’au-delà ont été retrouvées brisées intentionnellement, ce qui témoigne d’un acharnement féroce contre la survie du pharaon.

Statuettes funéraires d’Akhenaton brisées – Égypte (XIVe siècle av. J.-C.) – Musée du Louvre (à gauche) et Kunsthistorisches Museum Vienna (à droite)
Buste d’une statue d’Akhenaton – Amarna, Égypte (XIVe siècle av. J.-C.) – Universität Tübingen (Allemagne)

Le parcours présente quelques-unes des raisons pour lesquelles certains rois ont été distingués par la postérité, à travers des objets précieux, des fragments de monuments et des témoignages de leur activité militaire.

Stèle dédie à Amenemhat III divinisé – Hawara, Égypte (240-200 av. J.-C.) – British Musem (Londres)

Sur la stèle ci-dessus, le pharaon Amenemhat III trône dans une Chappelle au centre de cette stèle inscrite en grec, déposée sur le site du complexe funéraire qu’il s’était fait construire près de 1.400 ans auparavant.

Fragment de pied d’un colosse royal – Mit Rahina, Égypte (XIXe-XIIe siècle av. J.-C.) -Kunsthistorisches Museum Vienna
Fragment de la paroi de la tombe d’Inkef, prêtre du culte funéraire du roi Séned, mort environ 200 ans auparavant – Saqqara, Égypte (XXVIIe siècle av. J.-C.) – Musée Granet (Aix-en-Provence)
Statue de Tepemânkh, prêtre du culte funéraire de Khéops près de 250 ans après la mort de ce dernier – Giza, Égypte (XXIVe siècle av. J.-C.) – Roemer und Pelizaeus Museum (Hildesheim)
Statue de Tepemânkh, prêtre du culte funéraire de Khéops près de 250 ans après la mort de ce dernier – Giza, Égypte (XXIVe siècle av. J.-C.) – Roemer und Pelizaeus Museum (Hildesheim)

Que reste-t-il des pharaons ?

La christianisation de l’Égypte au début de notre ère signe la fin de la civilisation pharaonique, dont l’histoire la plus ancienne tombe progressivement dans l’oubli.

« Moïse se tient à côté du dragon qui crache le feu et s’apprête à mettre en pièces Firaoun », extrait de « Qisas-i Qur’ān » de Ishaq bin Ibrāhīm N. sabur – Iran (1581) – Bibliothèque nationale de France

Les rois d’Égypte les plus souvent cités en Occident et en Islam, du Moyen Âge à nos jours, sont sans conteste les souverains dont le nom est simplement « Pharaon » dans la Bible et que le Coran appelle « Firaoun ».
Dans la version du récit représentée ci-dessus, Moïse, représenté nimbé de feu, a transformé son bâton en dragon, lequel terrorise le roi Firaoun (Pharaon) parti se réfugier au bas de son estrade royale. Cette image témoigne du mauvais rôle tenu par Pharaon dans le récit biblique ou coranique de l’Exode, celui d’un tyran que la puissance de Dieu finit par abattre.

Flacon en forme de tête de soldat grec portant le cartouche de Psammétique Ier – Égypte ou Rhodes, trouvé à Corinthe (VIe siècle av. J.-C.) – Musée du Louvre

Pendant plus de mille ans, du Moyen Âge au XIXe siècle, l’Europe et le monde arabisé ne gardent plus en mémoire que les pharaons cités par les historiens grecs ou latins : Hérodote, Diodore de Sicile, Élien… Ces auteurs décrivent des personnages mi-historiques mi-légendaires, érigés en modèles ou en contre-exemples en matière de politique et de morale.

Plat figurant Moïse engloutissant l’armée de Pharaon dans la mer (entre 1700 et 1725) par la Fabrique des Clérissy, d’après une gravure de Pierre Mariette – Mucem
Tenture de l’histoire de Moïse : « La Verge changée en serpent » (1683) – Manufacture des Gobelins, d’après un modèle de Nicolas Poussin – Mobilier national (Paris)
« Nectanébo pratiquant la divination » dans une version arménienne du « Roman d’Alexandre » (vers 1646) – Iran – Bibliothèque nationale de France

« Le Roman d’Alexandre », fiction forgée par les successeurs d’Alexandre le Grand en Égypte, prétend que celui-ci n’est pas le fils du roi de Macédoine, mais du dernier des pharaons, Nectanébo. Ce magicien aurait séduit la reine de Macédoine et conçu avec elle le héros qui, conquérant à son tour l’Égypte, reprendrait en fait son héritage.
Dans le sillage d’Alexandre, figure populaire dans les mondes romain, byzantin et islamique, le souvenir déformé du dernier roi d’Égypte a ainsi traversé le Moyen Âge.

« L’Expérience de Psamnétique, roi d’Égypte, sur la langue primitive » (1777) par Jean Simon Berthélemy (1743-1811) – Musée du Louvre

« Cléopâtre » (1852-1853) par Henri Ducommun du Locle (1804-1884) – Musée des Beaux-Arts de Marseille

Les historiens romains ont transmis de Cléopâtre l’image d’une séductrice libidineuse et ambitieuse, incarnant les charmes dangereux de l’Orient. Son suicide légendaire par morsure de serpent est un sujet de prédilection pour les artistes chrétiens qui y voient l’occasion de peindre la chair nue tant condamnée, mais aussi un geste héroïque.
En revanche, dans le monde arabe classique, Cléopâtre passe pour une reine savante, une fine administratrice attachée à la défense de son royaume et une grande bâtisseuse.

Carte à jouer : Cléopâtre en dame de trèfle (1840) par le dessinateur Louis Marie Atthalin – Mucem
« Cléopâtre » (1697 au plus tard) par Claude Bertin (1653-1705) – Musée du Louvre

Pharaons, le retour

Grâce au déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, certains pharaons sortent progressivement de l’oubli. Les médias et les musées, en plein essor au XXe siècle, les hissent au rang de vedettes internationales, délaissant les anciennes figures littéraires. Ramsès, Akhénaton, Néfertiti et Toutânkhamon rejoignent Khéops et Cléopâtre comme héros de nouveaux récits populaires inspirés par notre fascination pour l’Égypte.

Fragment de colonne : Néfertiti offre un bouquet au globe solaire – Amarna, Égypte (XIVe siècle av. J.-C.) – The Ashmolean Museum of Art and Archaeology (Oxford)
Fragment de visage d’une statue d’Akhénaton – Amarna, Égypte (XIVe siècle av. J.-C.) – British Museum (Londres)
La « tête bleue », faux imitant les portraits de Néfertiti et Toutankhamon (avant 1923) – Musée du Louvre
Affiches d’expositions consacrées à Toutankhamon – Paris (1967, 1976 et 2019)

Avec la multiplication des médias visuels et l’industrialisation de produits de grande consommation et de publicité, les pharaons servent aussi d’arguments commerciaux. L’image des pharaons se diffuse alors sur des types de supports infiniment variés : films et photos d’actualités, produits publicitaires et biens manufacturés, imagerie populaire, œuvres d’art et films de fiction.

Affiches de films sur la reine Cléopâtre

Depuis le XXe siècle, en Afrique et dans les diasporas africaines, des créateurs et des célébrités comme Beyoncé, se sont emparés des icônes pharaoniques pour en faire des figures tutélaires de l’identité noire et des emblèmes de la « black pride » (fierté noire).

Sweat-shirt de la collection « Homecoming » de la marque Beyoncé (2018) – Mucem

Commissariat de l’exposition

Frédéric Mougenot, commissaire général, conservateur du patrimoine, collections Antiquités et Céramiques, Palais des Beaux-Arts de Lille
Guillemette Andreu-Lanoë, commissaire associée, directrice honoraire du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre

Répliques du buste de Néfertiti (années 1930) par l’Atelier de moulages des musées de Berlin – Musées royaux d’Art et d’Histoire (Bruxelles)

En savoir +

Sur le site Internet du Mucem, une page spéciale est dédiée à l’exposition.

« Grey Area » (Zone Grise) (1993) par Fred Wilson (né en 1954) – Tate (Londres)

Exposition « Pharaons Superstars »
22 juin — 17 octobre 2022
Mucem
1, Esplanade J4
13002 Marseille

Après le Mucem à Marseille, l’exposition sera présentée au musée Calouste Gulbenkian à Lisbonne du 24 novembre 2022 au 6 mars 2023.

Masque de Toutankhamon en chocolat (2016) par Jérémy Mazé, chocolatier, meilleur ouvrier de France – Maison Georges Larnicol

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