Exposition « Louis Janmot. Le Poème de l’âme »
12 septembre 2023 – 7 janvier 2024
Musée d’Orsay
Commencé à Rome en 1835 et poursuivi jusqu’en 1881, « Le Poème de l’âme » est le grand œuvre de l’artiste lyonnais Louis Janmot (1814-1892), à la fois pictural et littéraire. Il illustre en 34 compositions accompagnées d’un long poème le parcours initiatique d’une âme sur la Terre.
Formé de deux cycles respectivement composés de peintures et de grands dessins, il fut qualifié par Henri Focillon, directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon de 1913 à 1924, « d’ensemble le plus remarquable, le plus cohérent et le plus étrange du spiritualisme romantique ».
Le web-magazine Coupe-File Art et le Scribe s’associent pour vous faire découvrir cet artiste en compagnie de Servane Dargnies-de Vitry et Stéphane Paccoud, commissaires de l’exposition.
L’exposition permet de découvrir « Le Poème de l’âme » dans son intégralité. Si le premier cycle est habituellement exposé dans le parcours permanent du musée des Beaux-Arts de Lyon, le second, plus fragile, n’est que rarement montré.
Louis Janmot est un artiste très singulier dans son temps, mais son œuvre fait écho à celle de plusieurs autres artistes tels que William Blake, Philipp Otto Runge ou Francisco de Goya avant lui, ses contemporains les Préraphaélites, ou encore, plus tard, les symbolistes, en particulier Odilon Redon qui a été en contact avec lui.
Le Poème de l’âme, première partie (1835-1854)
« À l’instant qu’a choisi la sagesse infinie,
Le néant vaincu cède et fait place à la vie :
De l’abime entr’ouvert, sombre et silencieux,
Une âme humaine monte à la clarté des cieux ;
Et le Dieu créateur, d’une ineffable ivresse,
À tressailli lui-même, et sur son cœur il presse
Comme un père l’enfant que son souffle a formé,
ET QUI S’EST SENTI VIVRE EN SE SENTANT AIMÉ. »
Extrait de « Génération divine » – Poème I de la Première série de Louis Janmot, « L’Âme, poème, Trente-quatre tableaux et texte explicatif » (1881, Théolier & Cie, Saint-Étienne)
Les vingt années d’élaboration du premier cycle du Poème de l’âme auraient pu donner lieu à un ensemble stylistiquement très disparate. Il se dégage pourtant de cette série de dix-huit tableaux une grande cohérence visuelle. Les fonds évoquent des décors de théâtre devant lesquels les personnages se déplacent latéralement, comme sur une scène, renforçant de la sorte l’impression de continuité.
Le peintre-poète raconte ainsi le parcours initiatique d’une âme, sous les traits d’un jeune garçon vêtu de rose que l’on voit grandir et évoluer de tableau en tableau. Sa quête existentielle passe par la rencontre avec son âme sœur – une jeune fille vêtue de blanc – qui, comme lui, aspire au ciel, à la pureté et à l’harmonie.
On suit les étapes et les vicissitudes du parcours des deux personnages : naissance, petite enfance, éducation, amours naissantes et rêve d’idéal. L’apparente quiétude de cette première série, en contraste avec la seconde, est souvent contredite par des détails nichés dans les œuvres ainsi que par les poèmes en vers qui soulignent à chaque étape le caractère tragique du destin de l’âme.
Le Poème de l’âme, deuxième partie (1854-1879)
« Des jours, des nuits, incessante harmonie,
Vents gémissants à travers les forêts,
Savez-vous donc nos douloureux secrets
Pour y mêler votre plainte infinie,
Pour savoir mesurer, quand le bonheur a fui,
Vos caresses d’hier à nos pleurs d’aujourd’hui ?
Seriez-vous donc pour nous, comme les chœurs antiques,
Des humaines douleurs l’écho compatissant ?
Mais non ! dans vos accents ou joyeux ou tragiques,
Rien ne révèle une âme et le cœur est absent. »
Extrait de « Solitude » – Poème I de la Deuxième série de Louis Janmot, « L’Âme, poème, Trente-quatre tableaux et texte explicatif » (1881, Théolier & Cie, Saint-Étienne)
Pour le second cycle, Janmot abandonne la peinture pour le dessin. Le fusain est associé à des rehauts colorés, sur des feuilles de dimensions similaires à celles des tableaux. Il ne s’agit plus de cartons préparatoires, mais d’œuvres abouties qui sont en partie exposées aux Salons de 1861 et 1868.
L’atmosphère est plus sombre, ce que renforce le choix du médium. Marqué par la perte de la femme qu’il aimait, le jeune homme affronte le désespoir. Il cherche une issue dans les plaisirs, cède à la tentation et au doute mais ne trouve que la souffrance. Une fin à la fois heureuse et ambiguë marque l’aboutissement de ce parcours initiatique : il retrouve au ciel sa bien-aimée.
Le ton pessimiste fait écho aux épreuves que Janmot rencontre lui-même. La tonalité est également plus politique, en phase avec l’évolution conservatrice des milieux catholiques des années 1860-1870.
« Puisque tu crois en Dieu, crois à la liberté ;
Deviens digne d’aimer, de connaître et de suivre
Du bien, du vrai, du beau, l’immortelle clarté,
Pour laquelle ton âme est créée et doit vivre.
FIN »
Extrait de « Sursum corda ! » – Poème XVI de la Deuxième série de Louis Janmot, « L’Âme, poème, Trente-quatre tableaux et texte explicatif » (1881, Théolier & Cie, Saint-Étienne)
Cette exposition est organisée par l’Etablissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie de Paris avec la collaboration scientifique et les prêts exceptionnels du musée des Beaux-Arts de Lyon.
Commissariat de l’exposition
Stéphane Paccoud, conservateur en chef chargé des peintures et sculptures du XIXe siècle au musée des Beaux-Arts de Lyon
Servane Dargnies-de Vitry, conservatrice peinture au musée d’Orsay
Sources utilisées pour cet article :
- Texte : dossier de presse et site Internet du musée d’Orsay
- Photographies : @scribeaccroupi
En savoir +
Consultez la page spéciale sur le site Internet du musée d’Orsay.