Exposition Jean-François Millet
Palais des Beaux-Arts de Lille
14 octobre 2017 – 22 janvier 2018
L’art n’est pas une étude de la réalité positive, mais une recherche de la vérité idéale. » – George Sand, « La Mare au diable » (1846)
L’Angélus est un tableau que j’ai fait en pensant comment, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l’Angélus pour ces pauvres morts, bien pieusement et le chapeau à la main. » – Jean-François Millet (1865)
Millet USA
Avec « La Joconde », « L’Angélus » de Jean-François Millet est sans doute l’un des tableaux les plus célèbres et les plus copiés et détournés. Pourtant, Millet est un peintre mal connu et parfois rejeté. En dehors du musée d’Orsay et du musée Thomas-Henry à Cherbourg, l’essentiel de son œuvre est conservé aux Etats-Unis et au Japon.
Une grande rétrospective à Lille
Le Palais des Beaux-Arts de Lille propose la première grande rétrospective depuis l’exposition du Grand Palais (Paris) en 1975.
Nourrie de ses lectures et de références aux grands peintres, la peinture de Millet se teinte d’une poésie et d’une émotion qui dépasse la seule représentation du monde paysan.
Jean-François Millet, le normand
Né en 1814 dans le Cotentin (Normandie), Jean-François Millet est l’aîné d’une famille nombreuse. L’aisance financière de ses parents paysans lui permet d’étudier et de se forger une véritable culture.
Tout cela sentait l’étable, le lait et le fumier, le foin et la sueur, dégageait cette saveur aigre, affreuse, humaine et bestiale, particulière aux gens des champs. » – Maupassant, « La Ficelle » (1883)
Le scandale retentit lors de la présentation de « L’homme à la houe » au Salon. Certains sont effrayés par le personnage qu’ils comparent à un meurtrier venant de commettre un crime ou à « un monstre sans crâne, à l’œil éteint, au rictus idiot » (Paul de Saint Victor), les autres y voit un ralliement de Millet au socialisme.
Je me refuse à montrer ce travail gai et folâtre auquel certaines gens voudraient nous faire croire » – J-F Millet
Ses paysans sont peints avec la glèbe (motte de terre) qui leur colle aux sabots » – Vincent Van Gogh à propos des paysans de Millet
Que voit-on dans ce champ de pierres ? Un paysan souffle, épuisé ; le hâle a brûlé ses paupières ; Il se dresse, le dos brisé ; Il a le regard de la bête qui, dételée enfin, s’arrête et flaire, en allongeant la tête, son vieux bât qu’elle a tant usé. » – Sully Prudhomme, « Paysan » (1865)
Le Vanneur, qui soulève son van de son genou déguenillé et fait monter dans l’air, au milieu d’une colonne de poussière dorée, le grain de sa corbeille, se cambre de la manière la plus magistrale. II est d’une couleur superbe ; le mouchoir rouge de sa tète, les pièces bleues de son vêtement délabré sont d’un caprice et d’un ragoût exquis. L’effet poudreux du grain, qui s’éparpille en volant, ne saurait être mieux rendu, et l’on éternue à regarder ce tableau. Le défaut de M. Millet le sert ici comme une qualité. » – Théophile Gautier
Famille chrétienne
Issu d’une famille chrétienne, ses croyances l’amèneront à lire la Bible en latin sans pour autant être un fervent pratiquant.
La toile « Agar et Ismaël » est l’une des rares du peintre à s’appuyer sur un texte de la Genèse : dans le désert, un monde sans Dieu, Millet représente le désespoir d’Agar tandis que le corps famélique d’Ismaël est étendu à l’arrière-plan. On pense ici aux rescapés du « Radeau de la Méduse » peints par Géricault.
Pauline
Dessinateur talentueux, Millet étudie la peinture à Cherbourg , puis aux Beaux-Arts de Paris. Il échoue au concours pour le prix de Rome et perd sa bourse. Il retourne alors à Cherbourg pour gagner sa vie en tant que portraitiste. Il épouse Pauline Ono, la fille d’une famille de riches tailleurs. Elle meurt trois ans plus tard de la tuberculose.
Dans l’ultime portrait de Pauline (ci-dessous), Millet souligne de sa palette la pâleur mortelle des traits de son épouse.
La femme paysanne
Je voudrais que dans la Femme faisant déjeuner ses enfants, on imagine une nichée d’oiseaux à qui leur mère donne la becquée. L’homme travaille pour nourrir ces êtres là » – J.F. Millet.
Le titre de réaliste m’a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques » – J-F Millet
Et d’abord les femmes, toutes celles qu’il nous montre (…) bien qu’abaissées aux travaux les plus humbles, bien que trempant des mains, des pieds, de l’être entier parmi les rusticités et les animalités de la vie, côte à côte avec les bêtes, dans les moiteurs des étables et des fumiers, dans les chaleurs des vêtements, toutes ces ployées et ces souffrantes sont au-dessus de la chair. Le travail qu’elles ahanent les dresse rigides, quoique serviles. Leurs attitudes, leurs gestes, leur tranquille, probe et sanctifié visage ! » – Emile Verhaeren
Nouvelle compagne
Avec sa nouvelle compagne, une jeune fille de 17 ans avec laquelle il aura 9 enfants, Millet part s’installer au Havre, puis à Paris où il cherche à se faire connaître en se mêlant au milieu artistique.
C’est le côté humain, franchement humain, qui me touche le plus en art » – J-F Millet
Barbizon
En 1849, Millet s’installe définitivement à Barbizon, en forêt de Fontainebleau, où il développe son atelier. Pendant cinquante ans (1825-1875), le petit village de Barbizon va être le laboratoire d’une colonie de peintres paysagistes désirant travailler «d’après nature» et fixer l’instant d’un paysage sur la toile.
Malgré les critiques de ses contemporains, Millet ne cherche en rien à suivre les mouvements artistiques du moment et développe son propre style.
La nature ne pose pas » – J-F Millet
Dans les dernières années de sa vie, Jean-François Millet se détourne de la vie paysanne. Les personnages disparaissent presque totalement de ses compositions. Millet recherche le calme et la solitude.
Le paysage est « une scène sur laquelle se joue le drame de l’humanité. » – Jean-François Millet
Œuvre ultime
« Les Dénicheurs de nids » est la dernière toile peinte par Millet. Elle illustre l’un de ses souvenirs d’enfance lorsque les pigeons sauvages étaient tués par centaines, aveuglés par des torches, la nuit, alors qu’ils se reposaient, perchés dans les arbres.
Jean-François Millet meurt en janvier 1875 à l’âge de 61 ans dans sa maison de Barbizon.
Millet est un peintre profondément spiritualiste, à une époque qui ne l’est plus, ou qui ne l’est que mièvrement ou sentimentalement, quand elle l’est. […] Le réalisme est la réalité matérielle dans tout ce qu’elle a de brusque et de grossier, mais la réalité humaine doit être spirituelle pour être complète… et elle l’est chez Millet, qui met de la pensée sur les fronts hâlés de ses paysans, qui ne sont jamais les brutes de Courbet. » – Jules Barbey d’Aurevilly
La peinture de M. Millet a tout ce qu’il faut pour faire horripiler les bourgeois à menton glabre, comme disait Petrus Borel, le lycanthrope ; il truelle sur de la toile à torchons, sans huile ni essence, des maçonneries de couleurs qu’aucun vernis ne pourrait désaltérer. Il est impossible de voir quelque chose de plus rugueux, de plus farouche, de plus hérissé, de plus inculte ; eh bien, ce mortier, ce gâchis, épais à retenir la brosse, est d’une localité excellente, d’un ton fin et chaud quand on recule à trois pas. » – Théophile Gautier
Sources :
– Dossier pédagogique de l’exposition
– Dossier de presse
Exposition Jean-François Millet
Palais des Beaux-Arts de Lille
18 Bis Rue de Valmy
59000 Lille
En savoir +
Page dédiée à l’exposition sur le site Internet du PBA de Lille
Très intéressant comme d’habitude.
Superbe article ! Pour moi trop tard pour voir cette exposition. Mais je garde les références si besoin !