Exposition « La Fontaine des Innocents. Histoires d’un chef-d’œuvre parisien »
24 avril – 25 août 2024
Musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris)
La fontaine des Innocents est un monument emblématique du quartier des Halles à Paris. Depuis la Renaissance, il n’a eu de cesse de se métamorphoser au rythme des mutations urbaines. Sa restauration, débutée en juillet 2023 et qui prendra fin en juin 2024, offre l’occasion exceptionnelle de découvrir dans des conditions privilégiées les reliefs sculptés par Jean Goujon, déposés du monument. Dans l’exposition du musée Carnavalet, les cinq nymphes dialoguent ainsi avec les trois reliefs conservés au musée du Louvre depuis le début du XIXe siècle.
Juliette Tanré-Szewczyk, conservatrice en chef, chargée du département des sculptures et du patrimoine architectural et urbain au musée Carnavalet-Histoire de Paris, et Sophie Picot-Bocquillon, chargée d’études documentaires, responsable du pôle documentaire de la COARC, vous invitent à découvrir l’histoire mouvementée de ce monument.
« C’est le sculpteur le plus habile qui ait paru en France : il avait obtenu le titre glorieux de Phidias français. Tout ce qui est sorti de son ciseau est admirable. Rien n’est plus beau que sa fontaine des SS. Innocens [sic] […]. Cet ouvrage est un de ceux qui honorent le plus l’école française ; il règne entre la sculpture et l’architecture dont le monument se compose, une harmonie qui charme la vue, et qui provoque d’aimables sensations. […] Les Grecs n’ont rien produit de plus parfait. » – Alexandre Lenoir, dans la publication du musée des Monuments français
Jean Goujon est l’un des sculpteurs majeurs de la Renaissance française, mais aussi l’un des plus méconnus. De nombreux éléments de sa biographie restent obscurs, comme les circonstances de sa naissance et de sa mort, ou les étapes de sa formation : a-t-il effectué un voyage en Italie ? Cela expliquerait sa connaissance des modèles antiques et sa culture classique.
La première commande parisienne que l’on peut attribuer avec certitude à Jean Goujon est celle du décor d’un jubé – une tribune séparant le chœur de la nef –, pour l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Le marché d’exécution des reliefs, daté de 1544, a en effet été conservé. Pierre Lescot en conçoit l’architecture et Goujon sculpte, côté nef, cinq reliefs offerts au regard des fidèles : au centre, une scène de Déploration, encadrée de part et d’autre de deux reliefs représentant les quatre évangélistes : Jean, Luc, Marc et Matthieu.
En 1548, la construction d’une fontaine débute à l’angle des rues Saint-Denis et aux Fers. Elle jouxte l’église des Saints-Innocents et le cimetière du même nom. Œuvre de Jean Goujon, peut-être associé à l’architecte Pierre Lescot, la nouvelle fontaine s’inscrit dans un programme d’aménagement urbain de la ville de Paris. Récemment achevée lors de l’entrée d’Henri II dans Paris, en 1549, elle se dresse sur le parcours du cortège royal allant de la porte Saint-Denis au palais de la Cité. Mais sa fonction première reste l’alimentation en eau du quartier des Halles. Son décor célèbre les divinités mythologiques et les créatures marines qui peuplent les sources abreuvant la capitale.
La fontaine est un édifice maçonné, élevé sur un haut soubassement qui abrite le réservoir. Elle s’organise alors autour de trois arcades et forme une loggia. Des reliefs horizontaux se répartissent sur le piédestal et au-dessus des arcades où ils sont couronnés de frontons triangulaires. Cinq figures verticales de nymphes occupent les espaces situés entre les ouvertures. L’eau s’écoule en minces filets depuis des robinets insérés dans des mufles de lions ornant le soubassement.
Avec ces figures élancées de nymphes, dans des positions variées et éloignées de toute réalité anatomique, Goujon livre un manifeste de la sculpture maniériste. L’écoulement de l’eau est évoqué par les plis des fins drapés mouillés qui adhèrent aux corps, rappelant la sculpture antique.
Si plusieurs générations de sculpteurs vont se nourrir de l’art de Jean Goujon, de David d’Angers à Maillol en passant par Carpeaux, une filiation se dessine également avec le peintre Jean Auguste Dominique Ingres, qui reprend la composition de l’une des nymphes de la fontaine pour « La Source », un de ses chefs-d’œuvre achevé en 1856. Cette œuvre devient à son tour source d’inspiration de nombreux artistes.
« Le grand secret pour bien sentir le bas-relief c’est de dessiner comme un peintre. Je ne doute nullement que Jean Goujon n’ait dessiné comme un peintre. » – Pierre-Jean David dans « Les carnets de David d’Angers »
Sources pour cet article :
– texte : dossier de presse de l’exposition
– photographies : @scribeaccroupi
Commissariat de l’exposition
Commissariat général
Valérie Guillaume, conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée Carnavalet-Histoire de Paris.
Véronique Milande, conservatrice en chef du patrimoine, responsable de la Conservation des Œuvres d’Art Religieuses et Civiles de la Ville de Paris (COARC).
Commissariat scientifique
Emmanuelle Philippe, conservatrice en chef, en charge du patrimoine civil à la COARC.
Sophie Picot-Bocquillon, chargée d’études documentaires, responsable du pôle documentaire de la COARC.
Juliette Tanré-Szewczyk, conservatrice en chef, chargée du département des sculptures et du patrimoine architectural et urbain au musée Carnavalet-Histoire de Paris.
En savoir +
Consultez le site Internet du Musée Carnavalet – Histoire de Paris.
Exposition « La Fontaine des Innocents. Histoires d’un chef-d’œuvre parisien »
24 avril – 25 août 2024
Musée Carnavalet – Histoire de Paris
23 rue de Sévigné
75003 Paris