Exposition « Manet / Degas »
28 mars – 23 juillet 2023
Musée d’Orsay
Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917) sont tous deux des acteurs essentiels de la nouvelle peinture des années 1860-80. L’exposition comprend près de 200 œuvres dont 92 peintures et 55 arts graphiques (pastels, dessins, estampes, gravures, monotypes), ainsi que des lettres et carnets.
Grâce à des prêts exceptionnels et un parcours mettant en avant des rapprochements pertinents, cette exposition est un magnifique cadeau du musée d’Orsay.
« L’enjeu n’est plus de déterminer qui l’emporta des deux mais de démonter le mythe d’un combat uni et linéaire d’une génération en butte au conservatisme académique. » – Christophe Leribault, Président de l’Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie
« Ces deux géants de la modernité picturale se sont reconnus, conscients de leur place dans l’histoire et des fragilités de leur génération. » – Laurence des Cars, Présidente-directrice du musée du Louvre
L’énigme d’une relation
Une part importante de mystère entoure les relations de Manet et de Degas. Si tous deux se fréquentent régulièrement et côtoient les mêmes cercles, on ignore la date de leur rencontre et on ne conserve quasiment aucune lettre adressée par l’un à l’autre. Leurs contemporains et leurs biographes témoignent du fait que leurs rapports étaient faits d’un mélange d’admiration et d’irritation, l’écrivain George Moore évoquant une « amitié (…) ébranlée par une rivalité inévitable ».
Leurs œuvres révèlent une asymétrie frappante : on ne connaît aucune représentation de Degas par Manet tandis que Degas a fait de nombreux portraits de Manet.
L’un d’entre eux était une peinture le montrant en train d’écouter son épouse au piano. Insatisfait par ce tableau qui lui avait été offert, Manet aurait coupé la partie de la toile où était représentée sa « femme trop enlaidie ». Ce geste, d’une grande violence symbolique, serait à l’origine de l’une des plus fameuses brouilles entre les deux artistes.
Deux fils de famille
Manet et Degas sont les fils aînés de familles bourgeoises aisées. Tous deux abandonnent leurs études de droit auxquelles leur milieu les prédestinait pour suivre leur vocation artistique. Si ce choix ne s’est pas fait sans heurts dans le cas de Manet, le père de Degas ne semble s’être que faiblement opposé à la décision de son fils.
Ils étudient ensuite chacun auprès de peintres reconnus mais en dehors de l’École des beaux-arts, signe possible d’un précoce désir d’indépendance.
Copier, créer, étudier
Légende ou réalité, la rencontre de Manet et Degas aurait eu lieu au musée du Louvre au début des années 1860 devant une peinture de Velázquez. Tous deux ont été habitués depuis leur plus jeune âge à fréquenter les salles du musée en famille.
Durant leurs années de formation, leur apprentissage est en partie fondé sur la copie des maîtres anciens au Louvre ou au cabinet des Estampes de la Bibliothèque impériale. Du côté des maîtres contemporains, c’est vers Ingres et Delacroix que se porte leur admiration.
Salon et défi des genres
Pas plus Manet que Degas, aucun débutant ne saurait se soustraire au Salon au cours des années 1860. Cette manifestation attire près de 500.000 visiteurs et mobilise l’attention des grands journaux et des collectionneurs.
Jusqu’au plein essor des galeries d’art, le Salon constitue en France le principal lieu d’exposition des artistes vivants. Manet y expose dès 1861, Degas en 1865.
Au-delà du portrait
Très en vogue sous le Second Empire (1852-1870), le portrait occupe une place importante dans la production des débuts de Manet et de Degas.
Manet aime à traiter ses modèles avec une certaine majesté. Degas cherche avant tout à saisir les « gens dans des attitudes familières et typiques », et s’intéresse autant au pouvoir expressif des corps qu’à celui des visages.
Le cercle Morisot
Le salon que les parents de Berthe Morisot ouvrent aux artistes, musiciens et écrivains, est un foyer de modernité. C’est la fréquentation de Fantin-Latour, puis de Manet et Degas, qui pousse Berthe à sauter le pas et à entamer une véritable carrière.
Manet prend une place grandissante dans ce cercle à partir de 1868-1869 et multiplie les portraits de Berthe Morisot.
Aux courses
L’essor des courses hippiques, venues d’Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, rencontre pleinement les aspirations de la modernité parisienne des années 1860.
Degas privilégie la représentation du moment qui précède le départ, le défi psychologique des jockeys, la fine chorégraphie des montures qui piaffent. Manet lui n’est que galop, explosion visuelle, temps accéléré.
D’une guerre l’autre
La relation entre les deux peintres débute alors que le continent américain est marqué par la guerre de Sécession (1861-1865) puis l’exécution de l’empereur Maximilien au Mexique (1867). En juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Les deux peintres sont réquisitionnés au sein de la Garde nationale et demeurent à Paris pour défendre la ville durant le siège.
Impressionnismes
Après la guerre de 1870-1871, Manet se serait tenu à distance du mouvement Impressionniste, alors même que sa peinture y aurait fait allégeance ; inversement, Degas n’aurait jamais tant affiché son mépris d’une approche trop sensible du réel qu’au cours de ces mêmes années, qui le voient prendre la tête du groupe.
« Je le crois décidément beaucoup plus vaniteux qu’intelligent.» – Degas à propos de Manet
Réseaux croisés
Manet a connu les plus grands écrivains de son époque, et les a associés à son oeuvre par le portrait et la communauté d’inspiration. Sa dette envers Baudelaire, Zola, Astruc et Mallarmé, parmi d’autres, a laissé de nombreuses traces dans sa peinture et sa vie. Degas aura moins fait étalage de ses goûts et de ses relations littéraires avant les années 1870.
Parisiennes
À travers des figures de Parisiennes dans leur environnement familier se noue un dialogue étroit entre les deux artistes. Manet et Degas font émerger une peinture dans laquelle la représentation des femmes de différentes catégories sociales évoquant la vie moderne joue un rôle déterminant.
Masculin – féminin
Parmi les traits de personnalité qui distinguent Manet et Degas figurent en bonne place leurs relations avec les femmes. Décrit comme un séducteur, Manet, n’est jamais aussi à son aise qu’entouré d’une société féminine.
À l’inverse, Degas n’aurait, de son propre aveu, « jamais fait beaucoup la noce ». Ces différences de tempérament se retrouvent en partie dans leurs œuvres : tandis que Manet représente des femmes dont la pose et le regard traduisent une certaine assurance, les relations entre hommes et femmes apparaissent presque toujours troublées ou déséquilibrées dans les œuvres de Degas.
Du nu
La nouvelle peinture dissolvent les canons de beauté au profit de la réalité corporelle. D’Olympia de Manet aux « baigneuses en chambre » de Degas, la nudité féminine, loin de n’être qu’objet, affiche une vérité aussi engageante que dérangeante.
Après Manet
Frappé par la mort prématurée de Manet en 1883, Degas aurait déclaré au moment de ses obsèques : « il était plus grand que nous le croyions ».
Avec près de 80 œuvres, Manet occupe une place éminente dans la collection d’œuvres d’art de Degas. La persévérance de ce dernier lui permet de réunir plusieurs fragments de l’un des tableaux les plus ambitieux de Manet : « L’Exécution de Maximilien » dont il existe plusieurs versions.
Commissariat de l’exposition
Commissaire générale
Laurence des Cars, présidente – directrice du musée du Louvre
Commissaires à Paris
Isolde Pludermacher, conservatrice générale peinture au musée d’Orsay
Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès du président des musées d’Orsay et de l’Orangerie
Commissaires à New-York
Stephan Wolohojian, conservateur John Pope-Hennessy en charge du département des peintures européennes, The Metropolitan Museum of Art, New York
Ashley E. Dunn, conservatrice associée, département des dessins et estampes, The Metropolitan Museum of Art, New York
Cette exposition est organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie et le Metropolitan Museum of Art (New York) où elle sera présentée de septembre 2023 à janvier 2024.
En savoir +
Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée d’Orsay.
Sources :
– texte : panneaux et cartels de l’exposition
– images par @scribeaccroupi