Exposition « Venenum, un monde empoisonné »
15 avril 2017 – 13 avril 2018
Musée des Confluences (Lyon)
Les poisons sont présents dans la nature et ont, de tout temps, suscité à la fois de la crainte et une forme de fascination. Ce sont de puissants instruments pour conserver ou conquérir le pouvoir, éliminer discrètement ses ennemis… ou mettre fin à ses jours.
C’est dans la première partie de l’exposition du musée des Confluences que je vous propose de nous arrêter afin de (re-)découvrir l’histoire de grands personnages dont les noms sont associés à des empoisonnements, volontaires ou accidentels.
Venenum
Le mot latin « venenum » peut se traduire par « poison », mais il revêt plusieurs significations : venin, breuvage magique, substance dangereuse ou médicamenteuse.
Grec d’Asie Mineure né vers 40 après J.-C., le médecin Dioscoride est l’un des premiers à parler de poisons et d’antidotes dans son ouvrage « De materia medica ». Il faudra ensuite attendre la Renaissance pour que la distinction entre les propriétés toxiques et thérapeutiques d’une même substance soit théorisée par un médecin suisse.
Horus et Isis
Dans l’Égypte antique, Horus est sauvé par les pouvoirs de sa mère, la déesse Isis, d’une piqûre de scorpion. Il devient le dieu capable de protéger les humains des animaux venimeux.
Je suis Isis, la déesse, la maîtresse de la vertu magique, magicienne dont les formules sont puissantes. Tout reptile qui mord m’obéit. Descends en bas, poison de Mestet ! […] N’aie pas de force ! Arrête ! Retourne ! Enfuis-toi en arrière, poison, ne monte pas en haut ! » – Stèle de Metternich (vers 350 avant J.-C.)
Hercule
Dans la mythologie grecque, Hercule est l’une des victimes d’un contact malheureux avec un poison…
Alors que le centaure Nessos attaque Déjanire, l’épouse d’Hercule, pour la violer, ce dernier le blesse avec une flèche empoisonnée par le sang de l’Hydre de Lerne. En mourant, Nessos conseille perfidement à Déjanire de conserver son sang comme philtre d’amour. Plus tard, pensant qu’Hercule lui est infidèle, Déjanire lui offre une tunique qu’elle a trempée dans ce sang. A peine l’a-t-il revêtue qu’il ressent la brûlure du poison. La douleur est si intense que le héros préfère y mettre fin en se jetant dans les flammes d’un bûcher.
Son sang frémit et bouillonne comme l’onde froide où l’on plonge un fer ardent. Un poison brûlant le consume. Toujours agissants, des feux avides dévorent ses entrailles. De tous ses membres coule une sueur livide. On entend pétiller ses nerfs ; la moelle de ses os se fond et s’évapore. » – « Métamorphoses » d’Ovide
Thésée et Egée
Thésée, fils du roi d’Athènes Egée et héritier légitime du royaume, est victime d’une tentative d’empoisonnement. Médée, compagne de son père, réussit à convaincre son époux d’empoisonner le jeune homme à l’occasion d’un banquet. Fort heureusement, Egée reconnaît la marque de la famille sur la garde en ivoire de l’épée de Thésée et fait échouer la machination. La coupe contenant le poison est finalement renversée.
Médée compose un mélange où elle fait entrer l’aconit qu’elle avait jadis apporté des bords de la Scythie. Ce poison a pris naissance, dit-on, entre les dents du chien d’Échidna. » – « Métamorphoses » d’Ovide
Cornes d’animaux
Au Moyen Âge, les plus riches et puissants font goûter leurs plats de peur d’être empoisonnés (rappelons que la restauration rapide et le hamburger frites n’existent pas ;-). Ils utilisent aussi de nombreux ustensiles censés détecter les poisons, fabriqués à partir de cornes de certains animaux. Le pouvoir de l’objet ci-dessous est renforcé par l’inscription « Dieu bénit celui qui boit ».
Socrate
Socrate (469-399) pratique le questionnement pour faire venir au jour ce que ses interlocuteurs portent en eux (“Connais-toi toi même”). Il est accusé de « corrompre la jeunesse et [de] ne pas croire aux dieux qu’honore la cité mais de croire en d’autres choses, des affaires de démons d’un nouveau genre ». Au cours de son procès, il déclare que c’est « la calomnie et l’envie du grand nombre, qui ont déjà fait condamner beaucoup d’autres hommes de bien et qui, je pense, en feront condamner encore ; il n’y a pas à craindre que cela s’arrête à moi. » Il est emprisonné et condamné à boire une boisson à base de ciguë, une plante très toxique.
Il portait la coupe à ses lèvres, et il la vida jusqu’à la dernière goutte avec une aisance et un calme parfaits. Jusque-là nous avions eu presque tous assez de force pour retenir nos larmes ; mais en le voyant boire, et quand il eut bu, nous n’en fûmes plus les maîtres. Moi-même, j’eus beau me contraindre ; mes larmes s’échappèrent à flots ; alors je me voilais la tête et je pleurais sur moi-même ; car ce n’était pas son malheur, mais le mien que je déplorais, en songeant de quel ami j’étais privé. […] Celui qui lui avait donné le poison, le tâtant de la main, examinait de temps à autre ses pieds et ses jambes ; ensuite, lui ayant fortement pincé le pied, il lui demanda s’il sentait quelque chose. Socrate répondit que non. Il lui pinça ensuite le bas des jambes et, portant les mains plus haut, il nous faisait voir ainsi que le corps se glaçait et se raidissait. Et le touchant encore, il déclara que, quand le froid aurait gagné le cœur, Socrate s’en irait. ». – « Phédon » de Platon
Thémistocle
Thémistocle est un homme politique athénien (524-vers 459 avant J.-C.). Durant les guerres médiques, il commande la flotte grecque lors de la bataille de Salamine et conduit la Grèce à la victoire. Selon Plutarque, il se donne la mort en s’empoisonnant pour ne pas avoir à combattre les Grecs comme le lui demande le roi des Perses.
Mais ce qui l’en éloignait le plus, c’était la honte qu’il y aurait à flétrir la gloire de ses premiers exploits, et de renverser lui-même ses trophées. Il prit donc la résolution magnanime d’éviter ce déshonneur par une mort digne de sa vie. » – « Vie de Thémistocle » par Plutarque
Néron
Britannicus est le fils de l’empereur Claude, né d’un premier mariage. Néron orchestre la mort de Britannicus grâce à un poison préparé par Locuste, une Gauloise connue pour ses talents d’empoisonneuse. Cet évènement est décrit par Suétone : lors d’une première tentative d’empoisonnement, Britannicus n’est affecté que d’une simple diarrhée. Néron convoque Locuste pour qu’elle revoie sa préparation. Le poison, servi à Britannicus lors d’un repas, tue immédiatement le jeune homme.
Il força [Locuste] à préparer, dans sa chambre et en sa présence, le poison le plus rapide et le plus efficace. Ensuite, on l’expérimenta sur un chevreau qui ne mourut qu’au bout de cinq heures. On le fit cuire et recuire, et on le donna à un porcelet qui périt sur le champ. » – « Néron » de Suétone
Cléopâtre
Après la mort de Jules César, dont Cléopâtre était l’amante, les triumvirs qui dirigent Rome, Marc Antoine, Octave et Lépide, se partagent l’empire romain. L’Orient échoit à Marc Antoine, qui, séduit par Cléopâtre, lui abandonne ses territoires. À l’issue de la bataille d’Actium qui oppose les troupes d’Octave à celles de Cléopâtre, cette dernière, ne supportant pas son humiliante défaite, ne trouve d’autre échappatoire que la mort.
La reine se serait suicidée en dissimulant dans une corbeille de figues un serpent venimeux. Mais les circonstances de cette mort demeurent encore aujourd’hui mystérieuses. Pour Plutarque, qui fait état de plusieurs versions, Cléopâtre se serait donné la mort en ingérant du poison caché dans le creux d’une épingle à cheveux. Strabon évoque une pommade toxique qu’elle se serait appliquée.
Les Borgia
Le poison connait une période faste à la Renaissance. Les Borgia utilisent toutes sortes de poisons à base de mercure, d’arsenic, de phosphore, de pavot, de ciguë, etc… César Borgia porte une bague à poison qui lui permet d’empoisonner son ennemi en lui serrant simplement la main. La mort du pape Alexandre VI reste mystérieuse. Il aurait pu succomber à un empoisonnement, en consommant par mégarde un vin empoisonné, préparé pour un autre que lui…
En savoir +
Visitez le site Internet du musée des Confluences
Sources :
– dossier de presse de l’exposition
– dossier pédagogique pour les enseignants
– article sur le site Futura Santé