
Exposition « Suzanne Valadon. Un monde à soi »
15 avril – 11 septembre 2023
Centre Pompidou-Metz
Presque 60 ans après la rétrospective de 1967 au Musée national d’art moderne, l’exposition du Centre Pompidou-Metz ambitionne de restituer Suzanne Valadon au sein d’une histoire de l’art qui a fait peu de cas de l’artiste.
« L’exposition défend une forme de conquête de territoire que l’histoire a traditionnellement assignée au masculin. La conquête d’un monde « à soi ». » – Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz

Née le 23 septembre 1865 en Haute-Vienne, Marie-Clémentine Valadon emménage avec sa mère à Montmartre, venue chercher la prospérité à Paris. A l’âge de 15 ans, elle devient modèle, posant notamment pour Puvis de Chavannes, Renoir et Toulouse-Lautrec.

Elle se fait alors appeler Maria, puis devient Suzanne, adoptant le nom que Toulouse-Lautrec lui donne en référence à l’épisode biblique de « Suzanne et les Vieillards ». Tirant parti de ses séances de pose qu’elle transforme en leçons voilées, elle retient çà et là un geste, une touche, un trait, pour se muer en artiste.

Plusieurs œuvres la représentant sont rassemblées à l’occasion de l’exposition, à l’instar des dessins réalisés par Puvis de Chavannes entre 1883 et 1889, de « La Grosse Maria » (1884) de Toulouse-Lautrec et de la « Danse à la ville » (1883) de Renoir.

En 1883, âgée de 18 ans, elle donne naissance à Maurice Utrillo et réalise un autoportrait au pastel, première œuvre connue qu’elle signe du nom Suzanne Valadon. Il faudra ensuite attendre 1892 pour qu’elle peigne ses premières œuvres sur toile.

Ce tableau représentant le compositeur Erik Satie témoigne du talent précoce de portraitiste de Suzanne Valadon, qui s’épanouira pleinement dans ses toiles postérieures. Elle y représente celui avec lequel elle entretient alors une brève liaison. Jaloux, excessif et éperdument épris de Suzanne Valadon, il lui enverra des missives douloureuses témoignant de son amour.

En 1909, elle présente au Salon d’Automne la toile « Été », première œuvre de l’histoire de l’art réalisée par une femme figurant un nu masculin. Suzanne Valadon se représente aux côtés de son futur mari, André Utter, de 21 ans son cadet, avec qui elle entame une relation amoureuse.

Une photographie d’époque montre que les feuilles de vigne recouvrant le sexe d’Utter ont été rajoutées tardivement, sans doute en 1920, à l’occasion du Salon d’Automne qui ne put approuver un tel geste ostentatoire.

Dans sa toile « Portraits de famille », Suzanne Valadon se représente en impérieuse cheffe de tribu. La main posée sur le torse, symbole de pureté lié au mariage, renvoie peut-être à l’iconographie de l’ « Antea » (Museo di Capodimonte à Naples), tandis que la composition semble citer celle de la « Vierge au long cou » (Galerie des Offices de Florence), deux chefs-d’œuvre du Parmesan. Son fils Maurice Utrillo, alors rongé par un alcoolisme précoce, retient sa tête alourdie, pose héritée de l’iconographie de la mélancolie de Dürer.

« Il faut avoir le courage de regarder le modèle en face si l’on veut atteindre l’âme. Ne m’amenez jamais une femme qui cherche l’aimable ou le joli – je la décevrai tout de suite. » – Suzanne Valadon

Dans cette toile, Suzanne Valadon peint sa nièce Marie Coca avec sa jeune fille Gilberte. Le regard de l’enfant, seul à être dirigé vers le spectateur, évoque l’effacement progressif de la mère au profit d’une jeunesse triomphante. Cette caractéristique sera prolongée dans plusieurs toiles postérieures portraiturant les mêmes modèles.


« Vous êtes des nôtres ! » – Edgar Degas à Suzanne Valadon


Les années 1910 sont marquées par la réalisation de grands nus féminins, dont la toile « L’Avenir dévoilé » ou « La Tireuse de cartes » (1912) est l’une des plus importantes. Le traitement du corps, aux volumes campés dans l’espace, et la composition rompent avec la tradition de la peinture.


« Aujourd’hui, présenter Suzanne Valadon, avec ses nus absolument crus et peints sans concession, c’est un « statement » : c’est dire la nécessité pour les femmes d’investir le domaine de la sexualité en peinture, longtemps cantonné au sacro-saint antagonisme artiste mâle / modèle femme. » – Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz


La composition de la toile monumentale « Le lancement de filet » rappelle « Les Baigneurs » de Cézanne, que Suzanne Valadon a pu voir lors de sa rétrospective au Salon d’Automne en 1907, autant qu’elle semble tirer de Bazille et son « Pêcheur à l’épervier », vu en 1910.


Avec « La chambre bleue » (1923), Suzanne Valadon livre le portrait d’une femme ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps. Elle rompt avec la tradition orientaliste du nu alangui, lui préférant un corps au repos, portant des vêtements amples et confortables, aux mains et au visage expressifs.

« Elle est finie mon œuvre, et la seule satisfaction qu’elle me procure est de n’avoir jamais trahi ni abdiqué rien de tout ce à quoi j’ai cru. Vous le verrez peut-être, un jour, si quelqu’un [ne] se soucie jamais de me rendre justice. » – Suzanne Valadon
Suite à son décès le 7 avril 1938 d’une attaque soudaine, Suzanne Valadon laisse derrière elle une œuvre de près de 500 toiles et 300 œuvres sur papier.

Commissariat de l’exposition
Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz

En savoir +
Consultez la page dédiée à l’exposition sur le site Internet du Centre Pompidou-Metz.

Cette exposition est conçue et organisée par le Centre Pompidou-Metz du 15 avril au 11 septembre 2023, puis reprise et adaptée au Musée d’arts de Nantes, du 27 octobre 2023 au 11 février 2024, ainsi qu’au Musée national d’art de Catalogne à Barcelone, du 18 avril au 1er septembre 2024.
Sources utilisées pour cet article :
- Texte et citations : dossier de presse
- Photographies : @scribeaccroupi
Exposition « Suzanne Valadon. Un monde à soi »
15 avril – 11 septembre 2023
Centre Pompidou-Metz
1, parvis des Droits-de-l’Homme
57000 Metz
