[Chef-d’œuvre] Le mystère des statues qui transpirent

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Exposition « Les Forêts Natales »
Musée du quai Branly – Jacques Chirac

Le musée du quai Branly consacre une exposition aux mutations des formes d’arts en Afrique équatoriale atlantique.

« Du rouge au vert tout le jaune se meurt
Quand chantent les aras dans les forêt natales. » – Guillaume Apollinaire

« Les Forêts Natales », titre de l’exposition, fait référence à un poème de Guillaume Apollinaire. Dès 1906, le poète donnait une place centrale aux arts d’Afrique et d’Océanie, exprimant le souhait que les chefs-d’œuvre dits « exotiques » soient considérés au même titre que les plus belles œuvres de l’art occidental.

Statue d’ancêtre, gardien de reliquaire – Fang (19e siècle) – Collection particulière

Des statues qui transpirent

Parmi les œuvres présentées dans cette nouvelle exposition temporaire, certaines statues Fang sont particulièrement impressionnantes car elles semblent vivantes : elles brillent et transpirent comme des êtres vivants !

Statue d’ancêtre, gardien de reliquaire – Fang (19e-20e siècle) – Collection du quai Branly

Qui sont les Fang ?

Les Fang, autrefois appelés « Pahouins » par les Français ou « Pangwe » par les Allemands, ont migré depuis le 17e siècle à travers la République du Cameroun et la République gabonaise.
Chez les Fang, la vie spirituelle imprégnait fortement leur façon de penser et de vivre. S’ils admettaient l’existence d’une divinité créatrice, ils attendaient tout des ancêtres de leur propre famille : la fécondité des femmes, le succès à la chasse, la chance et les richesses.
Les reliques familiales étaient conservées et placées sous la garde de statuettes aux formes mêlant traits d’ancêtres et corps de nouveau-né.

Huiles végétales et « médicaments magiques »

Le phénomène de sudation observé sur certaines de ces sculptures Fang intrigue la communauté scientifique depuis plusieurs années. Ce phénomène serait dû à une très ancienne imprégnation du bois par des onctions répétées d’huile végétale, mélangées à des « médicaments magiques ».
Les Fang ont utilisé une huile tirée de la graine d’un arbre appelé « angèkh » (famille des oléacées) aux propriétés analogues à celles de l’huile de lin.

Analyse scientifique

En 2007, l’étude d’une tête Fang conservée à Neuchâtel a permis de constater que l’altération chimique due au vieillissement des composants expliquerait les « larmes » qui semblent couler le long des sculptures exposées à l’air ambiant.
Une étude par tomographie à rayons X a permis d’aller plus loin dans la compréhension de ce phénomène.
Ainsi, il apparaît que c’est par immersion de la statue que le liquide atteint le cœur du bois. En effet, le bois couramment utilisé est de faible densité : il est donc poreux tel une éponge.
Du fait de l’accumulation de nouveaux produits lors de l’utilisation rituelle de la sculpture, son bois se trouve saturé et ne peut plus rien absorber. Restant à la surface, le dépôt donne cet effet de sudation à la statue.

Statue d’ancêtre, gardien de reliquaire – Fang (19e siècle) – Musée d’ethnographie de Neuchâtel

Cette explication, à la suite de l’étude d’une seule sculpture, suffit-elle pour comprendre ce phénomène de sudation ? Seule une analyse d’autres exemplaires permettrait de le confirmer.
Une histoire de larmes qui va donc faire couler encore beaucoup… d’encre !

Sources : dossier pédagogique et catalogue de l’exposition aux Éditions Actes Sud

Exposition « Les Forêts Natales – Arts d’Afrique équatoriale atlantique »
8 octobre 2017 – 21 janvier 2018
Musée du quai Branly – Jacques Chirac
36, quai Branly
75007 Paris

« L’exposition a pour visée l’appréciation artistique et la compréhension de la complexité d’arts majeurs de la création universelle. » – Yves Le Fur, directeur du patrimoine et des collections au musée du quai Branly – Jacques Chirac

Yves Le Fur et une sculpture Fang du 18e siècle de la Collection Horstmann

En savoir +

Page dédiée à l’exposition sur le site Internet du musée du quai Branly

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